BOB CORRITORE & FRIENDS – Somebody Put Bad Luck On Me

South West Musical Art Foundation / Vizztone
Blues
BOB CORRITORE & FRIENDS - Somebody Put Bad Luck On Me

Si, comme le suggère le titre de cette nouvelle collection, quelqu’un a effectivement jeté un sort à ce bon Bob Corritore, ce ne peut être que le blues lui-même! Tandis que sa production discographique se poursuit à la même cadence stakhanoviste (cf. nos chroniques ICI, ICI, ICI, ICI, ICI, ICI, ICI, ICI, ICI, ICI, ICI, ICIICI, ICI, ICI, ICI, et ICI) le casting des artistes dont il distille, à jet quasi-constant, ces enregistrements inédits, donne le tournis. Si l’on mesure à quel point ce name-dropping peut s’avérer vertigineux, mentionnons tout de même les prestations que délivrent ici Bobby Rush, John Primer, Carl Weathersby, Johnny Rawls, Billy Flynn, Sugaray Rayford, Jimi “Primetime” Smith, Eugene “Hideaway” Bridges, Rockin’ Jimmy Burgin, Bob Margolin, Lurrie Bell, Ben Levin, Fred Kaplan, Anthony Geraci, Doug James, Kid Ramos, Bob Stroger, Bill Stuve, June Core, Brian Fahey, Stephen Hodges, Willie Buck, Dave Keyes, Johnny Rawls et les vocalistes Thornetta Davis, Diunna Greenleaf, Tia Carroll, Oscar Wilson et Francine Reed… Si Oscar n’est autre que le chanteur et frontman des désormais fameux Cash Box Kings, Tia Carroll est une puissante chanteuse californienne, Thornetta Davis nous vient de Detroit, Diunna Greenleaf de Houston, Texas, et leur doyenne, Francine Reed, n’est autre que la sœur de la célèbre Margo Reed, chanteuse gospel de l’Illinois disparue en 2015. Relocalisée en Georgie, Francine collabore avec Lyle Lovett depuis quatre décennies. Du swamp blues mâtiné de Chicago South Side tel que “This Little Voice” (où John Primer retrouve les accents de son ex-patron Magic Slim), en passant par le NOLA second-line beat de “I Need A Whole Lotta Lovin'” qu’expédie avec panache son autrice Thornetta Davis (les ivoires de Dave Keyes y ravivant le souvenir de Professor Longhair), et de la soul countryfiante du “If You Don’t Want To Love Me” de Eugene “Hideaway” Bridges et du “Draw Me Closer” de Doris Payne par Francine Reed, au funk lascif “I’m Good As Gone” de Bobby Rush, ce brillant aréopage déploie un mix de standards immémoriaux (“Help The Poor”, “Tough Enough”, “I Don’t Know” de Rice Miller, “Stranded” crédité à Deadric Malone – alias Don Robey – “Act Like You Love Me” de Jimmy Rogers par Lurrie Bell, ou encore “I Want To Be Loved” de Willie Dixon par Tia Carroll), et d’originaux brillamment troussés (le slow soul number “Midnight Love”, avec le sax de Doug James et l’orgue de Shev Marshall, ou le terrassant “Goin’ Fishin'” de Sugaray Rayford, dans la veine du “Scratch My Back” de Slim Harpo, avec la guitare en phasing de Kid Ramos et un Corritore plus Lazy Lester que nature). Toujours au service des vocalistes et respectueux des autres solistes, ce dernier témoigne d’un engagement constamment pertinent à l’harmonica, dont il demeure l’un des praticiens les plus érudits et éclectiques de son temps (cf. le très morganfieldien “Let Me Find Out Your Name”, où il donne au chromatique la réplique à la slide de Billy Flynn ainsi qu’aux ivoires de Ben Levin).
Cette nouvelle anthologie semble élucider enfin l’un des mystères les plus persistants de l’histoire du blues: ce fameux “Crossroads” qu’évoquait le mythique Robert Johnson devait sans doute se situer dans l’Arizona, non loin de Phoenix et de Tempe, là où se trouvent les studios Tempest où furent captées, entre 2019 et cette année, ces seize nouvelles pépites. En près de 74 minutes bien tassées, if you need meat, don’t go no further!

Patrick DALLONGEVILLE
Paris-MoveBlues Magazine, Illico & BluesBoarder

PARIS-MOVE, September 15th 2023

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Album noté “Indispensable” (trois fois)

Un Live (de 1h 35 minutes!) à découvrir sur le Facebook du Rosa’s Lounge, ICI