KID RAMOS & BOB CORRITORE – Phoenix Blues Sessions

Vizztone / Southwest Musical Arts Foundation
Blues
KID RAMOS & BOB CORRITORE - Phoenix Blues Sessions

À la tête de son propre club (le Rhythm Room de Phoenix, Arizona), l’harmoniciste Bob Corritore cumule pas moins de 14 albums en tant que leader, mais figure en invité sur 70 autres, et en a produit près d’une trentaine de plus… Inutile de préciser qu’il dispose en conséquence de l’un des carnets d’adresses les mieux achalandés de la scène blues U.S., et qu’à ce titre, il se trouve en mesure de réaliser la plupart des rêves de tout blues aficionado (sauf peut-être la résurrection des grands disparus, mais la liste des vivants lui procure tout de même une marge confortable). Quand son ami David “Kid” Ramos (né le 13 janvier 1959 à Fullerton, Californie) se vit diagnostiquer en 2012 le sarcome d’Ewing (une forme rare de cancer, sans rapport pour autant avec le feuilleton Dallas, même si l’infame J.R. finit par contracter le crabe à son tour), ce brave Bob n’hésita pas une seconde, et publia pour lever les fonds nécessaires au traitement de son ami un recueil d’enregistrements inédits réalisés avec celui-ci. Faut-il résumer ici le CV de ce musicien aussi trapu que surdoué? Guitariste au sein du James Harman band au cours des eighties (puis de William Clarke, Lynwood Slim, Roomful Of Blues et des Fabulous Thunderbirds), Kid Ramos a publié cinq albums solo, et fraie depuis quatre décennies en first league, aux côtés d’autres squales tels que Junior Watson, Mike Morgan, Anson Funderburgh, Duke Robillard et Ronnie Earl. C’est le fruit de ces enregistrements (captés au cours de quatre sessions distinctes, entre la fin des 90’s et le début de ce millénaire) que Corritore réédite à présent dans sa propre série “From The Vaults”. Remixées (et augmentées de quatre inédits), ces plages présentent nos deux compères entourés de six vocalistes alternatifs (depuis le batteur Chico Chism, qui officie avec autorité aux sticks de bout en bout, jusqu’à Nappy Brown, en passant par Big Pete Pearson, Henry Gray, ainsi que les dénommés Dr. Fish et Chief Schabuttie Gilliame). C’est à l’exubérant Nappy Brown qu’il échoit d’ouvrir les festivités, avec un “Aw Shucks Baby” sur lequel l’harmo de Corritore se taille la part du lion, tandis que le pourtant ordinaire “Come On In” voit les six cordes de Ramos étinceler comme celles d’Otis Rush au temps de ses faces Cobra. Sur le “24 Hours” d’Eddie Boyd, le méconnu shouter Dr. Smith fait montre d’un impétueux tempérament à la harangue. Avec un timbre guttural voisin de celui de Bobby “Blue” Bland, le guère mieux connu Chief Schabuttie Gilliame passe son “No More Doggin'” (réminiscent de ce faux cinglé de Chester Burnett) à l’épreuve de la toile émeri qu’il emploie pour gosier. Derrière lui, Corritore et Ramos savonnent la planche, et ce titre s’impose parmi les plus réjouissants de cette collection. Le regretté Henry Gray transpose ensuite le “I Held My Baby Last Night” d’Elmore James dans le registre d’Otis Spann (dont il chaussa sporadiquement les mules auprès de Muddy Waters), et Corritore en profite pour y revisiter en douce Paul Oscher et Walter Horton. Le “Natural Ball” de Big Pete Pearson propose, outre les vocals de ce dernier, le piano alerte de Tom Mahon, et c’est un inédit qui justifierait presque à lui seul l’achat de cette réédition. Chism repasse derrière le micro pour le blues de la belle-mère (“Mother in Law Blues” de Don Robey), où l’on mesure à quel point ce parangon de la West-Coast guitar que demeure Kid Ramos a également su assimiler la geste de grands stylistes chicagoans tels que Luther Johnson ou Sammy Lawhorn. Henry Gray brâme avec aplomb le classique “They Raided The Joint”, dans le même esprit que celui avec lequel Muddy Waters s’appropria jadis le “Caldonia” de Louis Jordan. On demeure plus que jamais chez Morganfield, avec un “Possum In My Tree” où Ramos épouse à s’y méprendre les licks du vieux maître à la slide, tandis que Big Pete Pearson s’y époumone de fureur : nouvelle mention très bien au palmarès! Nappy Brown le relaie au microphone pour une réjouissante (et sautillante) adaptation du “Baby Don’t You Tear My Clothes” de Smokey Hogg, avec un Chico Chism en ragtime beat, avant qu’Henry Gray ne fasse un ultime tour de piste sur son propre “Talkin’ Bout You” (sans rapport avec celui de Chuck Berry, mais réminiscent par contre du “Don’t Lie To Me” de Tampa Red), et que cet agité de Chief Schabuttie Gilliame ne ferme le ban sur son propre “Snakes Crawl At Night”, avec une autre saisissante imitation de Howlin’ Wolf. Si les archives de Bob Corritore comptent d’autres perles de ce calibre, qu’il se dépêche de les (re)publier!

Patrick Dallongeville
Paris-MoveBlues Magazine, Illico & BluesBoarder

PARIS-MOVE, October 19th 2020