JOHN PRIMER & BOB CORRITORE – The Gipsy Woman Told Me

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Blues
JOHN PRIMER & BOB CORRITORE - The Gipsy Woman Told Me

Faut-il vraiment les présenter, ces deux-là? Tous deux originaires de Chicago, ils alignent chacun un CV long comme la piste d’atterrissage d’un Airbus A320! En près d’un demi-siècle de carrière, John Primer a successivement accompagné Willie Dixon, Muddy Waters, Billy Branch, Jerry McCain, Matthew Skoller et Pinetop Perkins, et également enregistré une douzaine d’albums en tant que leader. Son comparse, Bob Corritore, s’avère l’un des prosélytes les plus dévoués du blues éternel et contemporain: outre sa newsletter sur le web, il anime chaque semaine depuis Phoenix sa propre émission radio sur KJZZ FM, et y dirige son propre club, le bien nommé Rhythm Room. Figurant sur plus d’une centaine d’albums à ce jour (que ce soit en tant que sideman, leader ou producteur), il multiplie les collaborations, que ce soit avec les regrettés pianistes Henry Gray et Barrelhouse Chuck, ou encore avec Dave Riley, Tail Dragger, Louisiana Red, Nappy Brown et Kim Wilson. Sept ans après leur acclamé “Knockin’ On These Blues” (et trois après le non moins célébré “Ain’t Nothing You Can Do”), notre duo infernal favori remet le couvert pour une nouvelle tournée générale de Chicago blues millésimé. Dès le double-shuffle “Keep-A-Driving”, leur touche imparable fait mouche: le timbre vocal caverneux de John Primer et l’harmo de Bob Corritore vous immergent sans transition dans l’atmosphère moîte et enfumée des clubs du South-Side la windy city, et sur la plage titulaire, la slide de John épouse pour notre plus grand plaisir les licks immémoriaux de son auteur, le grand Muddy Waters. “Knockin’ On Your Door” emprunte la faconde funky du grand rival de ce dernier dans les fifties, Howlin’ Chester Burnett Wolf, et Bob y délivre un chorus où l’on jurerait entendre souffler l’esprit de James Cotton. Les deux partners in crime délivrent ensuite une vivace version unplugged du “Gambling Blues” de Lil’ Son Jackson, dont Rory Gallagher avait fait l’un de ses chevaux de bataille. Entre leurs mains, c’est plutôt vers Sonny Terry et Brownie McGhee que se dirigent nos pensées, et on n’y perd finalement rien. Primer délivre ensuite une compo “originale”, et ce “Little Bitty Woman” (démarqué du “Mystery Train” de Junior Parker) offre au pianiste Bob Welsh une nouvelle occasion de se dégourdir les phalanges. Toujours dans la ligne de McKinley Morganfield, “Walking The Back Streets And Crying” offre à ce bon Bob l’occasion de pasticher les deux Walter qui accompagnèrent le vieux Maître, tandis que John en fait autant avec Sammy Lawhorn. Tous ceux qui eurent la chance de saisir John Primer live connaissent son inclination pour le funky blues. Sa reprise du “I Got The Same Old Blues” de J.J. Cale emprunte de fait surtout à celle qu’en avait donné le regretté Freddie King sur son fameux “Burglar”, et le moins que l’on puisse dire est qu’elle doit en faire remuer, des moneymakers frontstage! Corritore décide ensuite d’inviter le fantôme de Rice Miller (aka Sonny Boy Williamson II) pour une cover émérite de son “My Imagination”, et il faut admettre que le bougre s’y entend pour reproduire les maniérismes du vieux brigand à chapeau melon. Sans doute ameutés par le climat festif qui préside à ces sessions, les ectoplasmes de Jimmy Reed et Jerry McCain passent en voisins pour une gaillarde version de “Let’s Get Together”. Vient ensuite une renversante restitution du “Left Me With A Broken Heart” de Jimmy Rogers, que John Primer chante avec la conviction nécessaire, tandis qu’il s’évertue à reproduire sur ses cordes le jeu de l’auteur, et que Bob Corritore se lâche dans l’une des ses imparables personnifications de Little Walter: assurément l’un des sommets de cette roborative rondelle! Autre original de Primer, “Walked So Long” s’inscrit autant dans la veine semi-acoustique de Muddy Waters que dans celle de Big Bill Broonzy, et Corritore y boute encore le feu sans avoir l’air d’y toucher. Comme de coutume, nos deux comparses ont su s’entourer: outre June Core (ex-Little Charlie & The Nightcats) et Brian Fahey (Paladins) aux baguettes, la liste des invités comprend Billy Flynn, Kid Andersen, et le jeune pianiste qui monte, Ben Levin. Cette superbe rondelle se referme sur une bouillante version d'”Ain’t Gonna Be Not Cuttin’ Lose”, où Corritore et Primer achèvent de carboniser ce qui subsistait encore de l’auditoire. Garçon, la même chose, et vite!!!

Patrick Dallongeville
Paris-MoveBlues Magazine, Illico & BluesBoarder

PARIS-MOVE, May 11th 2020

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JOHN PRIMER & BOB CORRITORE – The Gipsy Woman Told Me: album à découvrir également sur le site web de Bob, ICI