| Bluegrass, Blues, Ragtime |
Basé dans les Hauts-de-France, Manu Slide (alias Emmanuel Poliautre) est un infatigable vulgarisateur des roots musics dérivées du blues. Également animateur de conférences musicales et prosélyte du bricolage d’instruments recyclés, il exerce ses talents au chant comme à la guitare, à l’harmonica, au dobro, au kazoo, à la cigar-box guitar et à l’ukulélé. Marqué dès l’enfance par la poésie, la chanson française, le jazz, le blues et les musiques du monde, il découvre la guitare à l’adolescence et se tourne dès lors vers le blues, qu’il apprend en autodidacte. Au début des années 90, il rencontre le bluesman lillois Charlie Oscar (alias Marcel), qui l’invite à jouer dans les bars locaux avec son groupe, Papa Charlie Oscar Blues Band. Il y apprend à accompagner l’artiste, à se mettre en valeur lors des solos et à apprivoiser la scène. Il se joint ensuite à d’autres musiciens, et constitue un trio qui deviendra les Blossom Potatoes, rock-blues band réputé de la métropole lilloise. En 1995, il forme le duo Blue Menestrels avec un chanteur-guitariste folk-rock, et y interprète des chansons américaines des années 30, tout en développant ses propres compositions. Il apparaît également à l’harmonica auprès des Swing Brothers, duo de guitaristes de middle jazz, et les suit lors d’une tournée estivale en Bretagne. En 1999, il rencontre Manu Marcy, harmoniciste avec lequel il partage son amour pour le blues à l’ancienne. Ils forment le duo HarpSliders et écument à leur tour le circuit blues, se produisant notamment lors du Bay-Car Blues Festival de Grande Synthe en 2001. Le groupe perdure une quinzaine d’années selon des line-ups divers, et participe à de prestigieux festivals, tels que le Cognac Blues Passions et celui de Cahors. En chemin, Manu se lie encore à d’autres groupes, dont les Shuffle Kings (en tant que guitariste), le collectif Swing Bassine (au ukulélé et au kazoo), et King Kazoo (chroniqué ICI), trio de swing jazz métissé de blues, de country et de reggae. Il forme ensuite U Man Slide (chroniqué ICI et ICI), et collabore avec de nombreux autres musiciens, dont le mythique ensemble folk lillois La Cour des Miracles, mais aussi Back to the Roots (de Méricourt, chroniqué ICI) et les Yokatta Brothers (chroniqués ICI, ICI et ICI). Son album “Let’s Play Together” de 2017 (chroniqué ICI) met bien en valeur sa polyvalence et son inclination pour le collectif.
C’est à la tête d’un nouveau quartette qu’il se propose à présent de revisiter onze classiques du blues des origines, assortis de deux de ses propres compositions. S’ouvrant sur une version savoureusement réarrangée du standard “Diving Duck Blues” de Sleepy John Estes (où s’illustre la guitare acoustique de Brian McCornick), ce disque se répartit entre six plages en quatuor, et sept autres en simple duo (avec pour points communs, outre Manu au chant, aux guitares électriques et acoustiques, ainsi qu’à l’harmonica, au dobro, au banjo, à la batterie et aux chœurs, la basse omniprésente de Tristan GI 45). Qu’il s’agisse de ses propres signatures (“When My Last Prayer Is Done” ou le “Charley Patton’s Ghost” qu’il avait déjà publié il y a quatre ans sur son “Uke Swing” chroniqué ICI), la couleur sonore et stylistique d’ensemble demeure largement ancrée dans les blues des années 20 à 40, comme en témoignent le “Make Me A Pallet On Your Floor” (que reprirent aussi l’an dernier Margaux Liénard et Julien Biget, sur leur premier album chroniqué ICI, mais transposé ici en hokum rag) et l’éculé “Poor Boy” (que reprirent, parmi bien d’autres, Gus Cannon, Mississippi Fred McDowell, Howlin’ Wolf et Hot Tuna). D’obscurs incunables jalonnent heureusement aussi cette collection, ainsi du “It’s Your Voodoo Workin'” du méconnu Charles Sheffield, “It’s You I’m Thinking Of” de Jesse Thomas (avec un remarquable strum & picking des six cordes), du “N°9 Train” de Tarheel Slim ou du “You Don’t Know My Mind” de Clarence Williams. Manu ne peut toutefois manquer de rendre à nouveau hommage à son ami et mentor, le regretté Spencer Bohren, dont il adapte deux titres (“Ghost Train” et “Down The Road”), tandis qu’il reprend une fois de plus le “Bricks In My Pillow” de Robert Nighthawk (lui aussi déjà présent dans une autre version sur “Uke Swing”). La reprise du “Serve You Right To Suffer” de John Lee Hooker s’avère sans doute la plus proche de l’original, mais le principal attraît de cette sélection réside au contraire dans sa volonté affirmée de transposer la plupart de ses titres en des univers distincts de leur isotopie initiale. Si vous goûtez le deep blues fondamental tout en répugnant au rabâchage, voici ce qu’il vous faut réclamer au Père Noël cette année!
Patrick DALLONGEVILLE
Paris-Move, Illico & BluesBoarder, Blues & Co
PARIS-MOVE, November 20th 2025
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