Blues |
Que ce soit en collectif (au sein des Harpsliders, de King Kazoo et des Yokatta Brothers) ou en one-man-band (U Man Slide), Emmanuel Poliautre (alias Manu Slide) demeure cet infatigable vulgarisateur des roots musics dérivées (ou ascendantes) du blues et de ses affluents. Également animateur de conférences musicales et ardent promoteur du bricolage d’instruments recyclés, ce militant débonnaire n’en est qu’à son second album solo, mais peut néanmoins se targuer déjà de trois bonnes décennies d’activité sonore. Parmi ses cigar-boxes, dobros, kazoos et slide guitars de tout bois et métaux, il est un instrument qu’il goûte particulièrement: le ukulélé. Financé par un crowdfunding solidaire, cet enregistrement s’est réparti d’avril 2020 à février 2021 (soit sur deux confinements), et confirme, par delà la singularité de son parti pris instrumental, la persistance des passions qui animent depuis toujours ce bon Manu. Outre son indéfectible fidélité à ses maîtres (Jimmy Reed, Robert Nighthawk, JB Lenoir, Rory Gallagher) et amis (les regrettés Spencer Bohren et Christophe “Pher” Moturi), il élargit ici son registre à quelques “nouveaux venus”, tels Brian Setzer (dont il reprend le “Stray Cat Strut”), J.J. Cale (“Ridin’ Home”) et Thomas Fersen. Il parsème le tout d’originaux de son cru, et dès son “Shoe Shine Boy” introductif, on retrouve avec bonheur la touche Hokum et ragtime qu’il affectionne (kazoo inclus). Le “Honest I Do” qui émaillait dès 1964 le premier LP des Stones ravive ses couleurs en version acoustique, tandis que le hanté “Bricks In My Pillow” de Robert Nighthawks retrouve les accents funèbres du Hill Country blues originel, slide à l’appui. Le “Don’t Know Where I’m Going” de Rory (qui figurait sur son second album solo paru il y a un demi-siècle) est lui aussi parfaitement recréé, tandis que “Solitaire, Song For Spencer” célèbre la mémoire de son ami Spencer Bohren, et que le téléphoné “Ukulélé” de Thomas Fersen s’avère de rigueur. Si parmi ses huit originaux, “Un Jour Je Prendrai Le Large” et l’instrumental “Regatta De Cuba” prennent de languides accents tropicaux (avec flûte, ocarina et percussions douces), Manu Slide demeure avant tout bluesman dans l’âme, comme en témoignent encore sa version one-man band du “Slow Down” de JB Lenoir, ainsi que ses propres “I Don’t Know” (avec percussions aux pieds), “This Time” et “Gone Away” (en duo avec An Diaz), tandis que le gypsy swing de Django et Grappelli point sur la savoureuse plage titulaire. Cette rondelle bienvenue (et à l’artwork superbe) vous tiendra chaud tout l’hiver, et plus si affinités (d’autant qu’elle recèle, en ghost track… une reprise de son propre “Charley Patton’s Ghost”).
Patrick Dallongeville
Paris-Move, Blues Magazine, Illico & BluesBoarder
PARIS-MOVE, October 13th 2021
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