OLD CALIFORNIO – Old Californio Country

Autoproduction
Americana
OLD CALIFORNIO - Old Californio Country

À notre époque où l’apparence semble demeurer primordiale (sans doute une des fâcheuses séquelles des années 80 et 90), le moins que l’on puisse dire d’Old Californio, c’est que la leur ne paie pas davantage de mine que leur nom. Mais méfions nous des précédents: en déchiffrant The Band, Little Feat ou Creedence Clearwater Revival sur une pochette de 33 tours (et en jetant un œil à la dégaine improbable des protagonistes alors impliqués), il fallait rivaliser de perspicacité pour soupçonner de prime abord les trésors que recélaient leurs LPs. C’est un peu la même chose avec Old Californio, dont voici déjà la cinquième livraison en une douzaine d’années. Que leur frontman et leader Rich Dembowski arbore le look d’un expert comptable du Wisconsin, et que leur nouvelle recrue, Paul Lacques (pilier de leurs voisins de I See Hawks in L.A.) ressemble de plus en plus à une version transformiste de Patti Smith (la mamie actuelle, pas l’androgyne des débuts) ne plaide peut-être pas en leur faveur en termes de marketing, mais cela ne les empêche pas de taper dans le mille dès qu’on se restreint à ne causer strictement que musique. Parce que sur ce terrain là,  les rictus se figent et les ricanements s’étouffent. À ceux qui ignoreraient (ou auraient oublié) que Jerry Garcia et Chris Hillman venaient du bluegrass (et Jim McGuinn et Gene Clark du folk), Old Californio inflige une sévère révision historique. Et ces types ne la jouent ni rétro, ni moderniste façon néo-américana. Ils n’ont en effet besoin de recourir à aucun des artifices et alibis dont usèrent avant eux Lambchop, Wilco ou Drive-By Truckers, car comme leur nom l’indique, ils sont du cru. De ces collines surplombant une Los Angeles corrodée par la pollution, les discriminations sociales et la corruption. Là où, par delà la haze viciée, fleurissent encore des magnolias, là où le voisinage ne vous incite pas à recourir à des vigiles pour encadrer vos enfants jusqu’à leur école, et où vibre encore un peu de cette utopie morte-née dont on peine désormais à se rappeler les espoirs qu’elle suscita. Car la musique de Old Californio s’inscrit indéniablement dans cette lignée. À preuve, leurs versions bluegrass et country du “Because” des Beatles et du “Wild Horses” des Stones, ainsi que celle du “Stuff That Works” de Guy Clark. Sans parler de leur rendition du “Willin'” de Lowell George… Les seuls téméraires à s’être risqués avec succès à reprendre l’un des hymnes pour truckers de Little Feat (les Byrds) en avaient fait autant de “Truck Stop Girl”, et il faut effectivement en avoir sous le pied pour s’attaquer à ce genre d’orfèvrerie casse-gueule. Old Californio relève le gant en souplesse et avec panache. Un disque oscillant entre les chœurs de CSN (“I Won’t Cry”) et ceux des Eagles d’avant “Hotel California” (le “Lotta Love” de Neil Young, cent fois mieux adapté ici que par cette pauvre Nicolette Larson). Avec lap-steel, banjo, dobro et drums feutrés, à ranger sur votre étagère entre le “Sweetheart Of The Rodeo” des Oyseaux, les Gourds de “Bolsa de Agua” et le “Working Man’s Dead” des Défunts Reconnaissants. En bonne compagnie, en somme.

Patrick Dallongeville
Paris-MoveBlues Magazine, Illico & BluesBoarder

PARIS-MOVE, November 8th 2022

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