Livre |
A mon humble avis, et sans vouloir faire du lèche botte blues envers Jacques Verrecchia, pour paraphraser Eddy Mitchell, le dernier survivant de la sainte trilogie du rock’n’roll français des 60’s (s’il n’en reste qu’un, je serai celui-là… d’après l’œuvre de Victor Hugo ou d’Eddy, c’est selon…), après les départs en aller simple et en première classe garantie de Johnny Hallyday et de Dick Rivers vers la voûte céleste et sa quiétude éternelle, en empruntant la voie lactée dénuée de stations Texaco et de motels aux pratiques room services, avec encas assuré à toute heure et plumard extraconjugal, l’excellent ouvrage de Maître Jacques Verrecchia intitulé sobrement Avocat du Patron (Mareuil Editions),où le fabuleux récit de 50 ans de vie et d’aventure(s) aux côtés de Johnny, s’avère être le meilleur bouquin, le plus sincère et le plus authentique paru depuis la disparition de Jean-Philippe Smet par un funeste 5 décembre 2017 qui fit trembler cette charmante bourgade de Marnes-la-Coquette, le cadre le plus bucolique aux confins des Hauts-de-Seine. Un bouquin bienveillant, profondément humain et magnanime de la première à la dernière page, chevaleresque comme l’est son auteur, avec bien évidement un (s) à d’aventures, car comme un chat (sauvage) ou Stray Cats de gouttière et de rock’n’roll, Johnny semble avoir eu 9 vies, 9 vies brûlées par les deux bouts, il va sans dire… faisant ainsi de l’ombre à cet indépendant félidé, superstition ou métaphore, sur les 9 vies du chat, issues de la mythologie égyptienne ou de la tradition hindouiste.
Dans le cas présent, nul besoin de chercher midi à quatorze heures, Jacques Verrecchia aborde le vaste sujet de la mythologie du rock’n’roll et de la légende de Johnny Hallyday, en 50 ans d’amitié sans bémol et 25 ans à défendre ses intérêts bec et ongles, en qualité d’avocat spécialisé dans le droit de la propriété intellectuelle. Pour défendre un chanteur hors-norme du calibre de Johnny et un artiste exceptionnel, un être venu d’une autre galaxie, il fallait trouver un avocat hors pair flanqué d’un sublime tribun, bref, un orateur qui remue les foules au sein d’une chambre par son côté théâtral, ses impulsions lyriques et ses envolées de manches de sa toge, telle une éruption volcanique entre le boulevard du Palais, le quai des Orfèvres et la rue de Harlay (ça ne s’invente pas!). Onde océanique en plein cœur de l’Ile de la Cité, que même Haroun Tazieff n’aurait pas prévu. Comme une sorte de Dupond-Moretti, mais sans le côté grizzly et ses grondements assourdissants, sans le côté ours mal léché des Pyrénées, bourru et hargneux, au regard méphistophélique et pantagruélique, prêt à bouffer tout le monde au sein du prétoire, comme si l’énorme plateau de fruits de mer ingurgité goulument au Caveau du Palais de la Place Dauphine, agrémenté d’une bouteille de Pouilly-Fuissé 1er cru à température idéale, n’avait nullement rassasié son appétit d’ogre tout droit sorti d’un conte de Charles Perrault. Indubitablement, Jacques Verrecchia, aux antipodes de cette description un tantinet apocalyptique de celui qui sera, à la surprise générale, le futur locataire de la Place Vendôme, s’imposait comme l’homme de la situation. L’avocat le plus rock’n’roll du Barreau de Paris, entre sa culture musicale débordante avec l’écoute attentive et inlassable des disques de Johnny, d’Elvis, des Beatles ou d’Eddie Cochran, et potasser jusqu’au beau milieu de la nuit les moult codes des éditions Dalloz, leurs articles et leurs alinéas. Comme l’écrit très justement et avec beaucoup d’à-propos Maître Francis Teitgen, ancien Bâtonnier de l’Ordre des avocats de Paris, dans sa préface donnant le la au livre de Jacques Verrecchia: “ce dernier cumule des talents dont toute personne se dit qu’un seul suffirait à son épanouissement: il est avocat de renommée et un musicien d’exception. Robe et Perfecto. Weston et Santiag”… A croire qu’il s’accompagne sur son Steinway, épitoge aux quatre vents, pour plaider les intérêts d’un client victime de plagiat, qu’il répond à une Commission Rogatoire par les accords de Crocodile Rock d’Elton John, qu’il entreprend un bras de fer avec une major de l’industrie musicale en martelant les touches de son piano sur Great Balls Of Fire de Jerry Lee Lewis, ou bien qu’il vérifie le bien-fondé et la conformité d’un juteux contrat sur Song For Guy… Maître Jacques Verrecchia jongle avec le code civil comme Paul McCartney jongle avec les harmonies. Il s’imposera comme un baveux (nom donné à un avocat chez les voyous de tout poil et chez les fins limiers du “36” cher à Georges Simenon) subtil, brillant, indubitablement l’un des plus doués de sa génération, le plus doué dans sa spécificité, un esthète traversant la Cour du Mai d’un pas alerte, une sorte de dandy de la salle des pas perdus entre Villers de l’Isle Adam et David Bowie, dont la rencontre avec Johnny Hallyday était cousue de fil blanc, comme une évidence la plus évidente. C’était écrit dans les astres qu’eux deux allaient matcher!
Mais avant tout, avant d’épouser son éblouissante carrière d’avocat, Jacques Verrecchia était un excellent pianiste qui, dès le départ, a baigné dans le rock’n’roll et ses vicissitudes et ses utopies collectives, notamment grâce à ses accointances avec Sam Bernett, la rue Dauphine, la Tour de Nesle, le Golf Drouot d’Henri Leproux, le Rock’n’Roll Circus, la rencontre avec Johnny, et en étant le pianiste attitré d’Antoine et ses élucubrations (cheveux longs et idées courtes), de Dick Rivers au sein du groupe Labyrinthe, dans la période la plus rock’n’roll revival de l’ex leader des Chats Sauvages (Pierre Billon, Alain Bashung…), Michel Delpech, Sacha Distel, et bien d’autres…
De 1982 à 2007, Maître Jacques Verrecchia est l’avocat de Johnny Hallyday. Une dinguerie incommensurable! L’avocat de la plus grande star française! L’avocat d’un monument indestructible de notre patrimoine culturel. En France, on parle de Johnny Hallyday comme on parle de la Tour Eiffel, de l’Arc de Triomphe, des Champs Elysées, du château de Versailles, de Piaf, de Delon, de Gabin… L’idole transgénérationnelle à la gloire immarcescible, inaltérable… Une véritable légende vivante, que l’on croyait immortelle et qui se croyait invulnérable aux sarcasmes de la vie. Car avocat de Johnny était loin d’être une sinécure, loin du Club Med de Marbella, avec piscine et tequila sunrise ou punch coco, en se faisant dorer la pilule. Avocat de Johnny était un job H24, 365 jours par an. Même la nuit, l’intéressé devait penser Johnny, respirer Johnny, rêver Johnny, faire des cauchemars à cause de Johnny, pour se réveiller en voyant le sourire Ultra Brite et enjôleur et le regard bleu acier de Johnny, dans son café ou dans sa tasse de Darjeeling. Mais au fil de ces 25 ans en qualité de conseil, d’affaires défrayant la chronique, de procédures judiciaires, de signatures de contrats, Jacques Verrecchia deviendra bien plus que son simple avocat. Il sera à la fois l’ami, le confident, la bouée de sauvetage, la bouteille d’oxygène, le psychologue, sa prophétie, son guide spirituel, sa lumière dans la nuit noire d’ébène, l’alter ego de l’idole, dans un cadre professionnel ou en vacances, de St Tropez à Ramatuelle, en passant par Courchevel et Los Angeles. Le point culminant de cette amitié, sera lorsque Johnny invitera Jacques, le 4 octobre 1990, à le rejoindre sur scène, pour une dernière à Bercy en apothéose, en jouant du piano sur Be Bop A Lula de Gene Vincent.
Hélas, trois fois hélas, en 2007, Maître Jacques Verrecchia, comme beaucoup d’autres acteurs primordiaux autour de Johnny, sera évincé sans aucune explication, par une simple lettre de licenciement, tel un ouvrier victime de la crise de la sidérurgie dans le bassin lorrain, mais avec beaucoup moins d’empathie à son endroit. Qui se cachait derrière cette purge sans ménagement autour de Johnny, une éviction d’une ingratitude inouïe? Nul ne le saura jamais… Comme la France entière, lorsque Johnny est tombé malade et lors de son décès, j’avoue avoir eu des idées préconçues sur Laeticia Hallyday, que je qualifiais volontiers de mante religieuse ou de veuve noire jouant les éplorées en minaudant sur les plateaux TV. Elle était devenue la femme la plus détestée de France. Et comme le ronchon Eddy Mitchell (pour une fois que je suis d’accord avec celui que je surnomme affectueusement la Tatie Danielle du rock’n’roll), je désapprouvais avec véhémence le fait que David et Laura soient déshérités par leur père, sans rien connaître préalablement du dossier, qui d’ailleurs ne me regarde pas. Peut-être que mon opinion première était le fruit inconsciemment de mon admiration pour Sylvie Vartan et Nathalie Baye? Quoi qu’il en soit, mon opinion a sensiblement évoluée sur Laeticia, grâce à des personnes comme Pierre Billon ou Jacques Verrecchia, dénonçant inlassablement et avec pédagogie, le travail de sape de certains sujets mal-attentionnés. De ce fait, je suis beaucoup moins corrosif à son sujet. D’ailleurs, Laeticia a choisi Jacques Verrecchia pour sa propre défense et pour défendre les intérêts de ses deux filles, Jade et Joy Hallyday. Ce n’est pas un hasard…
Pour conclure, je dirais que ce livre nous fait entrer dans l’intimité de l’idole, sans pour autant être exhibitionniste, malsain et immoral, sans aucun cadavre dans le placard. Parfaitement écrit par Jacques Verrecchia, ce livre INDISPENSABLE vous fera découvrir l’homme, avec ses qualités et ses défauts, ses forces et ses faiblesses, avec son côté Docteur Jekyll et Mister Hyde, mi-ange mi-démon, un géant aux pieds d’argile, fait de chair, de sang et de rock’n’roll, qui se cachait derrière le mythe. Merci beaucoup à Jacques Verrecchia pour son élégance naturelle, sa classe, sa véracité et son honnêteté intellectuelle, et merci infiniment à mon ami Arcangelo Minacori, auteur et compositeur du titre en hommage à Johnny intitulé Où que tu sois et magnifiquement interprété par Pierre Benvenuti (chronique de cet album à retrouver ICI). Il se reconnaîtra et saura pourquoi…
Serge SCIBOZ
Paris-Move
PARIS-MOVE, August 22nd 2024
Follow PARIS-MOVE on X
:::::::::::::::::::::