| Musique de film |
A Marseille, il n’y a pas que la bouillabaisse, le Pastis 51, l’OM, la légendaire sardine qui bouche le port depuis le XVIIIème siècle, la French connection, la bonne Mère, le spectre de Gaston Defferre, ses sublimes calanques, les calissons d’Aix, la tapenade, Jean-Pierre Foucault, le chant des cigales et des criquets cher à Marcel Pagnol, Titoff, Sébastien Delogu le nouveau cacou des quartiers nord et les frasques de Bernard Tapie… Il y a aussi et surtout le fameux label indépendant de l’incontournable et talentueux Daniel Sani, alias Dan Imposter, un label intensément et diaboliquement rock, d’inspiration garage 60’s, beat, pop, psychedelic: Les Disques Tchoc!
Aujourd’hui, Daniel Sani, les neurones en ébullition, la Rickenbacker en bandoulière, le jerk sous-jacent sous les stroboscopes et la sempiternelle étincelle dans les yeux, nous propose deux albums formidables, à savoir Moteur, ça tourne, action! Volumes 1 & 2, deux albums concepts ayant pour fil conducteur le 7ème art des années 60 et 70, le cinéma avant-gardiste, révolté et militant, celui d’avant et après mai 68, le cinéma glamour des années érotiques (et pas qu’en 69), celui de Jean-Luc Godard, François Truffaut, Claude Chabrol, Jacques Rivette, Anna Karina, Anne Wiazemsky, Anne-Marie Miéville, Catherine Deneuve, Brigitte Bardot, des aventures de OSS 117, des mélodies sensuelles et voluptueuses de Serge Gainsbourg, entre volutes de Gitanes et vapeurs de Gin Fizz, des hectolitres de Moët & Chandon ingurgités avidement au Martinez sur la Croisette, des planches de Deauville, des Martini on the Rocks sur la French Riviera, des remakes des amoureux de Vérone, des pulpeuses et iconiques starlettes en strass et paillettes, des rutilantes Pontiac et Lincoln Continental sur les avenues venteuses des littoraux respectifs, avec l’œuvre de Phil Spector en fond sonore, et d’une certaine liberté sexuelle, de ton et d’expression artistique qui, un demi-siècle plus tard, est totalement passée à la trappe des sphères liberticides et de contrôle, préconisées par nos élites, gendarmes et inquisiteurs du nouveau monde.
Le Volume 1 commence dare-dare avec un titre de Daniel Sani, composé par son complice Jean-William Thoury, ex 4ème Bijou (petite précision pour les infortunés qui sortiraient seulement d’une hibernation d’une bonne cinquantaine d’années, après avoir été piqués par une horde de mouches tsé-tsé) et Dan Imposter himself, JLG, trois initiales bien évidement en hommage à l’immense Godard, entre A bout de souffle et Le Mépris, grand inspirateur de ces deux disques voués au ciné. On peut citer également Doc Vinegar & Grand Jour dans La Bave Du Crapaud… celle qui n’empêche pas la caravane de passer. Encore une belle référence cinématographique. The Jana’s avec Akou, aux influences de Gloria, le standard de Them et de Van Morrisson de 1964. Petit Soleil avec Underneath the Mango Tree, titre de Monty Norman et BO de James Bond 007 contre Dr No de 1962, avec Sean Connery et Ursula Andress. Sheila Evans avec Last Of Secret Agent de Nancy Sinatra, la chanteuse originale de Ces bottes sont faites pour marcher… Jean-William Thoury avec Ne Dis Rien de Serge Gainsbourg et Anna Karina, extrait du film musical Anna de 1967. Et oui, Daniel Sani a réussi l’exploit de faire chanter JWT comme à l’époque où il se faisait appeler Guillaume Godard pour interpréter Danse avec moi de Bijou. Si vous possédez le 45 tours, chérissez-le précieusement, car c’est un collector. Quoi qu’il en soit, l’expérience vocale avec JWT sur un titre de Gainsbourg est une totale réussite. Pour conclure avec ce premier volume, on peut citer aussi Bronco Panzer avec Plus vite Pussycat! Clin d’œil à la sculpturale Tura Satana et au film Faster Pussycat! Kill! Kill! Les Tchoquers avec Requiem pour un Con de Gainsbourg, en référence au film Le Pacha de Georges Lautner en 1968, avec des dialogues de Michel Audiard. The Fuzz & Drums avec Pretty Woman de Roy Orbison ou encore Mure & Dan Imposter avec Recette pour un cake d’Amour, composition de Michel Legrand, interprétée à l’époque par Anne Germain avec la voix de Catherine Deneuve, la BO du film Peau d’âne. Et bien d’autres pépites qui composent ce Volume 1…
Le Volume 2, du même acabit, commence avec Picnic on Mars Mars Attacks, clin d’œil au film de Tim Burton avec Jack Nicholson et Glenn Close. Les Bizoos avec Anna Carina, cette fois orthographié avec un C, en hommage à l’égérie de Jean-Luc Godard, à la figure de proue du Marais, de Saint-Germain-Des-Prés et Des Deux Magots. Big Feet avec It’s So Easy, pas le classique de Buddy Holly mais le titre de Willy DeVille. No Exit Only avec I’m Deranged de Brian Eno et David Bowie… Et bien d’autres trésors concoctés par Daniel Sani, à découvrir d’urgence au fil de cet opus, indissociable du Volume 1!
Nostalgiques des salles obscures des années 60 et 70, d’une certaine idée du cinéma aujourd’hui révolu, de l’œuvre intemporelle de Serge Gainsbourg, bien avant que Gainsbarre ne prenne la prééminence sur Serge, de l’œuvre de Godard et de Billy Wilder, des stars d’hier sur les posters jaunis, du Ginger Beer, ces deux albums INDISPENSABLES des DISQUES TCHOC sont pour vous! Merci infiniment au brillant Daniel Sani et aux Disques Tchoc de Marseille, de nous faire replonger avec délice dans une nostalgie bienfaitrice, qui n’est absolument pas surannée ni poussiéreuse. Croyez-moi, mes chers amis, en 2024 ça fait vraiment du bien au cœur et à l’âme… Alors, comme le hurlerait Jean-Pierre Mocky dans son inséparable mégaphone, “Attention, Moteur, Ça Tourne!!!”
Serge SCIBOZ
Paris-Move
PARIS-MOVE, July 23rd 2024
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