Blues, Chanson |
Dans le passé, j’hurlais volontiers avec les loups, bêtement et aveuglement, lorsqu’un acteur (ou une actrice), aussi talentueux soit ‘il, décidait soudainement de pousser la chansonnette, du jour au lendemain, comme si la musique était un art mineur accessible à tout un chacun, comme un caprice de stars mal maitrisé, comme un enfant gâté qui passerait de la guitare à la flûte traversière rien que pour emmerder ses parents. Bien entendu, même si je ne bêle toujours pas avec les moutons de Panurge chers à Rabelais, j’ai volontairement laissé la meute aux crocs acérés à l’orée du bois, afin d’apprécier comme il se doit, les magnifiques albums et le remarquable boulot d’auteur-compositeur-interprète de Jean-Pierre Kalfon et Bruno Putzulu, pour ne citer qu’eux (albums qualifiés d’indispensables par la rédaction de Paris-Move, chroniques ICI et ICI, et ITW de J-P Kalfon ICI), deux figures emblématiques du 7ème art et du théâtre. Le magnifique album de Gérard Loussine intitulé “in the sky with…” ne déroge pas à la règle des acteurs brillants, dotés également d’indéniables prédispositions pour la musique. Gérard Khidichian alias Gérard Loussine, parallèlement à sa prolifique carrière d’acteur ou de comédien au théâtre, au cinéma ou à la télé, qui marqua de son empreinte indélébile l’Opéra-Comique, les Bouffes-Parisiens ou encore la Gaîté-Montparnasse, a toujours fait de la musique et s’avère être un guitariste émérite flanqué d’un excellent chanteur au timbre vocal singulier et reconnaissable entre mille. Un véritable chanteur en somme, comme ses collègues susnommés Kalfon et Putzulu, pas comme la plupart des acteurs ayant changé de costard pour enfiler celui du chanteur, pari casse-gueule et pente savonneuse assurée, bref un costard bien trop grand pour leurs frêles épaules, soucieux malgré tout de pousser la ritournelle, sans véritablement chanter, mais en parlant ou au mieux, en susurrant de façon inaudible quelques couplets puérils, même avec le sonotone dernier cri le plus performant. C’est bon, vous remettez un visage sur le nom de Loussine? Oui voilà, c’est lui qui a tourné dans des dizaines et des dizaines de films ou de téléfilms, oui c’est lui qui jouait le gardien de la paix Blanchard, au tarbouif fragile et ensanglanté, dans “Pinot simple flic” de Gérard Jugnot ou celui qui jouait les trublions au sein du jeu télévisé des 80’s L’Académie des 9 sur Antenne 2, aux côtés de Daniel Prévost, Pierre Doris ou Roger Pierre… devant un Jean-Pierre Foucault hilare, tous les midis à l’heure de l’entrecôte marchand de vin avalée sur le pouce, juste avant de reprendre des activités dites “normales”. Toute une époque d’insouciance et de bien-être, très loin des courbes des parts de marché d’une télé devenue aseptisée et de la censure de l’Arcom qui plane au-dessus des têtes comme l’épée de Damoclès. A pratiquement 70 piges, Gérard Loussine sort son premier album, “in the sky with…”. Un album de chansons françaises teintées de blues dans le sens le plus noble du terme, allant bien au-delà des trois accords et des douze mesures, l’hémisphère nord lorgnant vers l’œuvre de Jonasz et l’hémisphère sud vers le blues plus académique du regretté Patrick Verbeke, chanté dans la langue de Molière de ce côté-ci de l’Atlantique, le blues d’un petit blanc, pas né dans le Mississippi et immatriculé 92! Sans occulter le rock, dans l’attitude, dans l’esprit et dans les textes: Je loge à l’hôtel près d’un club de blues, depuis quelque temps dans la chambre douze, le soir quand je rentre à n’importe quelle heure, y’a un guitariste qui joue en mineur. Un texte qu’auraient pu aisément interpréter Richard Bohringer ou Paul Personne. Pour contribuer à la totale réussite de cet opus, Gérard Loussine a fait appel à son frère de sang, ce sang du peuple arménien rouge écarlate qui coule fièrement dans leurs veines respectives, aux globules rouges chargées d’histoire et aux globules blancs mettant en exergue leurs racines ancestrales, je veux bien entendu parler de l’inoxydable et incontournable Georges Bodossian. Véritable guitar hero comme en rêvent secrètement les teenagers anglo-saxons, Georges Bodossian a été et est toujours, le guitariste, leader et membre-fondateur du fameux groupe de hard-rock français Océan, dont l’album éponyme (Barclay) de 1981, avec des titres comme, Aristo, Rock’N Roll, Louise, Dégage… n’a pas pris une ride et reste encore gravé dans toutes les mémoires. Ainsi, en 2024, on peut toujours écouter cet album transgénérationnel, sans craindre d’être fustigé et montré de l’index par une bande de trouducs acnéiques et pubères, à la culture musicale proche du désert de Gobi, ni de passer pour un ancien combattant d’une certaine idée du rock français, sénile et acariâtre, et que plus personne n’écoute au milieu de ses vestiges du passé. Sans oublier, bien entendfu, l’excellent “C’est la fin” chroniqué ICI et noté “indispensable” (**) par la rédaction de PARIS-MOVE. Georges Bodossian, à l’image d’Océan, a toujours été un guitariste classieux et subtil, un authentique esthète dans la lignée de Norbert Krief ou des guitaristes successifs de Shakin’ Street, qui a traversé les décennies avec talent et allégresse, sans froc moule-burnes rose fuchsia à la Warning ou à la Satan Jokers, mais avec Angus Young, Ritchie Blackmore ou Jimmy Page, sans oublier ce bon vieux blues que des mains noires lui donnèrent le jour, en ligne de mire et en vénération quotidienne quasi biblique. Hélas, le décès prématuré du chanteur du groupe Océan, Robert Belmonte, aura l’effet de la tragédie grecque, d’un mélodrame de la Commedia Dell’Arte, d’une œuvre crépusculaire de Zola ou de l’enfer de Dante. Heureusement, sous l’égide de Georges et avec un nouveau chanteur, le groupe renaîtra miraculeusement de ses cendres pour continuer de prêcher la bonne parole d’un rock à la fois élégant et pêchu. A noter qu’on retrouve également entre autres, le génial Diabolo (ex Jacques Higelin) et ses harmonicas diaboliques, qui à l’image de Kik Liard, la légende de Montreuil City Rockerz, le sublime narvalo acolyte de Johnny Montreuil, ou de Mickey Blow (Johnny Thunders, Little Bob, Dick Rivers…) a mis une bonne dose de rock’n’roll dans son blues. Diabolo, le vrai, l’unique, le prodigieux, à la crinière sauvage peroxydée, l’harmoniciste hexagonal le plus sexy et le plus glamour qui révolutionnera la pratique de son instrument de prédilection et fera des émules, un musicien prodigieux qui sortait des sentiers battus, à écouter mais aussi à voir, pas ce satané cabot un tantinet fourbe, conformiste et sempiternelle girouette, aux insupportables gloussements de gallinacés. Gérard Loussine a composé la totalité des 12 titres et des auteurs talentueux tels que Vincent Baguian, Sandie Masson, Marc Fayet et Jean-Marie Moreau, lui ont écrit des textes personnalisés sur mesure. Magistralement par ses interprétations de haute lignée, Loussine exorcise ses douleurs et ses maux, par ces 12 complaintes bluesy, 12 tranches de vie mises sur orbite par les guitares éblouissantes de Loussine himself et de Georges Bodossian qui assure également la réalisation et les arrangements de main de maître. Une fois de plus, Gérard Loussine prouve qu’on peut chanter des chansons en français saupoudrées de blues, sans sombrer dans la variété sirupeuse et visqueuse. Du grand art! En espérant vivement que l’intéressé pourra défendre bec et ongles cet album (un bain de jouvence profondément humain) sur scène, avec à ses côtés Georges Bodossian et Diabolo, ce line up aurait vraiment de la gueule, non? INDISPENSABLE!!!!
Serge SCIBOZ
Paris-Move
PARIS-MOVE, July 7th 2024
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Pour commander “in the sky with…”:
– dans sa version CD
– ou vinyle
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Recommandé par la rédaction de PARIS-MOVE, l’album “C’est la fin”, du groupe Océan et dont vous pouvez retrouver la chronique ICI sur PARIS-MOVE. Un album qui a été noté “indispensable” par la rédaction de PARIS-MOVE.
Extrait de la chronique: “… OCEAN, c’est une référence des groupes rock de l’hexagone et Georges Bodossian a réussi avec ses compères à ne pas faire l’erreur de proposer un album de groupe sur le retour ou de ‘reformation’ en replongeant dans le catalogue passé. Ici, avec ‘C’est la fin’, vous avez du chrome et des étincelles, de l’explosif et du pimenté. Les 10 titres alignés portent en eux maturité et travail finement ciselé, associant avec magie l’énergie débordante qu’avait ce groupe lors de sa formation, en 1974, et le charisme d’une formation qui a de la bouteille et que l’on respecte, que l’on aime.
Fidèle à ses valeurs, OCEAN n’a pas livré un effort vite pondu et vite enregistré. Chaque chanson a dû faire l’objet d’un travail d’orfèvre, tant pour les paroles que pour la musique. Signé d’une maturité que d’autres formations peuvent jalouser, il n’y a aucune surcharge musicale ou effet démonstratif dans les 10 titres. …”