Michel Jonasz – Chanter le Blues

MJM / ADA / ADAMI
Blues
Michel Jonasz - Chanter le Blues

Ce matin, je suis tout ouïe, le cœur qui palpite et qui s’affole dangereusement et les yeux embués, car je prends la plume pour rédiger une chronique sur le nouvel album de monsieur Michel Jonasz, au titre éloquent et d’une incroyable lapalissade, Chanter le Blues. Mais que ce titre fait du bien à l’âme, à l’ère du formatage tous azimuts, du papier peint qui me sort par les yeux et des voisins qui me bassinent un peu. Ca faisait des décennies que je souhaitais écrire un papier sur Michel Jonasz, car ce dernier n’a jamais renié ses premières influences musicales qui ont bouleversé sa vie, allant de la musique tsigane, de la chanson française estampillée AOC et dénuée d’édulcoration superflue, des Piaf, Ferré, Brel, Brassens, Nougaro, pour arriver jusqu’au blues, au rock and roll, au rhythm and blues et à la musique soul (voire saoule, comme le chantait jadis Françoise Hardy), mais malgré l’énorme succès commercial que deviendra quelques années plus tard “La Boîte de Jazz”, ce style musical n’apparait pas dans ses premiers émois musicaux, qui remuaient le jeune Jonasz au plus profond de ses entrailles et titillaient ses neurones, de Drancy à la Porte de Brancion, pour arriver jusqu’à Vigon et les Lemons et le King Set, formations qui enflammèrent le Golf Drouot, avec Ray Charles, Otis Redding et Little Richard comme détonateurs et qui allaient graver dans le marbre les premiers balbutiements bluesy de la légende Michel Jonasz, alias Mister Swing. J’entends déjà les indécrottables puristes du blues ou du rock and roll hurler avec les loups (Howlin’ Wolf), kalachnikov en bandoulière et couteau entre les dents, que Jonasz ce n’est pas du blues et qu’on est à des kilomètres du rockabilly 50’s de SUN Records de Sam Phillips et de Beale Street, à des années-lumière de l’écurie STAX et du label CHESS Records, de la guitare Gretsch de Cochran et du duck walk de Chuck Berry. Ce sont les mêmes ayatollahs obtus de la petite note bleue, qui à la fin des années 70, fustigeaient les premiers albums de french blues dans la langue de Molière, des Benoît Blue Boy, Patrick Verbeke, Bill Deraime… en qualifiant leur blues de vulgaire plaisanterie. Crime de lèse-majesté! Quel scandale à leurs yeux, car Michel Jonasz n’est même pas noir. Hé oui, il est tout blanc, il est né à Drancy de ce côté-là de l’Atlantique, à quelques encablures des bayous de La Courneuve et des juke-joints de Pantin aux volutes de fumée et aux vapeurs de bourbon, même pas né dans le Mississippi, immatriculé 94 et ne chantant absolument pas dans la langue de Shakespeare, malgré son amour irrationnel pour Ray Charles, John Lee Hooker, T-Bone Walker, B.B King, Papa Lightfoot ou encore Bo Diddley. Car oui, la langue française swingue de folie et colle parfaitement au blues et au rock and roll. Boris Vian, Mac-Kac, Claude Moine, Michel Mallory, Benoît Blue Boy l’ont prouvé à moult reprises. Certes, Jonasz ce n’est pas exclusivement du blues au sens propre du terme, le blues des trois accords, douze mesures et quatre temps, certes Jonasz ne reprend pas sempiternellement des standards comme “Sweet Home Chicago” ou “Little Red Rooster”, mais comme étymologiquement la définition du blues s’avère être une complainte issue du folklore afro-américain, Jonasz fait du blues au sens large, au sens le plus noble du terme, que ce soit dans sa musique ou dans ses textes d’une sensibilité et d’une poésie inouïes. Lui qui sur son cœur qui saigne a déjà collé quelques rustines, il fait du blues, c’est indéniable. Piaf et Fréhel faisaient déjà du blues sans le savoir, le blues des faubourgs et de l’asphalte de Pigalle à Belleville, le blues des bouges et des zincs, entre accordéon et Picon bière. La démarche de Jonasz est respectable et sa cause est juste et l’intéressé ne doit faire l’objet d’aucune suspicion de quelque nature qu’elle soit. Alors, greffier, veuillez acter et notifier à ces béotiens sans vergogne, chevaliers masqués des réseaux sociaux, dossier Jonasz Michel classé définitivement dans l’armoire du blues et des archives gorgées de groove. Renvoyez illico tous ces pignoufs, qui desservent la musique, à leurs chères études. Affaire suivante… Michel Jonasz ne fait ni dans la schizophrénie aigüe, ni dans la mythomanie sous-jacente. Il s’est construit et bonifié entre le 15ème arrondissement jouxtant le périphérique et sa bonne ville de Saint-Maur-des-Fossés. C’est là son Crossroads, sa croisée des chemins, son Graceland, sa Tamla Motown, son authenticité, sa sincérité, son intégrité et son talent ont fait le reste… Sa bonne étoile nommée Ray Charles l’a propulsé dans cette utopie collective dont personne ne sortira indemne, traversant les décennies avec allégresse. Joueur de blues un jour, joueur de blues toujours, avec la détermination d’une pierre qui roule ou d’un garçon dans le vent et à 76 piges, c’est ce qu’il le rend encore plus précieux, encore plus incontournable, même si les cheveux se sont fait la malle et que le twist est devenu difficile. Adieu la coupe de cheveux façon professeur Maboulette et les frisettes abondantes d’un physicien fou tel Albert Einstein. Mais rassurez-vous, mes chers amis, Jonasz vieillit très bien et tel un grand cru classé du Haut-Médoc, il semble se bonifier avec le temps. L’expérience, les hauts, parfois les bas, les galas, parfois les galères, l’ont rendu imperméable aux éventuels traquenards et autres embûches. Telle une Cadillac Eldorado de 1957, rien ni personne ne peut enrayer sa belle mécanique, qui ronronne inlassablement comme un chat sauvage sans pitié devant sa proie. Attention, nervous breakdown, stop, fini de faire joujou, (pour paraphraser Eddie Cochran ou Françoise Hardy), car Michel Jonasz nous revient avec un album majeur en hommage à son pote le blues, Chanter le Blues. Dans le passé, Jonasz nous avait habitué à soigner ses line up et à ne s’entourer que de pointures. Mais alors là, au regard des musiciens qui ont participé à cet opus, ça dépasse l’entendement et toutes nos espérances les plus secrètes et les plus inavouables. En effet, Jonasz, outre ses fantastiques performances vocales, s’est entouré de la crème des musiciens français et internationaux, le nec plus ultra du moment, oscillant entre blues, funky music et rock and roll. Le résultat est incroyable et donnes les meilleures définitions des mots “groove”, “feeling” et “osmose”. Quelle complémentarité entre le chanteur et les musiciens à son service, pour qu’il place sa voix bluesy dans les meilleures dispositions, pour un voyage en classe affaires vers des sphères d’excellences et vers les racines du blues. Leurs curriculums vitae, aussi volumineux que l’annuaire téléphonique, que le catalogue des 3 Suisses ou que l’almanach Vermot 1886, feraient trembler d’effroi les philistins les plus hermétiques à la musique. Comme ils sont tous remarquables, je vais tous les citer, en essayant de n’oublier personne: on retrouve bien évidemment le fidèles et talentueux Jean-Yves D’Angelo au piano, à l’orgue Hammond et à la réalisation. Jean-Yves D’Angelo a joué sur disque ou sur scène avec le groupe Magnum composé de Verbeke, Prévotat, Joe Leb, Jacky Chalard, le groupe Préface avec Manu Katché et Kamil Rustam, mais aussi avec Eddy Mitchell, Bill Deraime, Vince Taylor, Patrick Verbeke, Jean-Jacques Milteau, Hallyday, etc… Le non moins fidèle et talentueux Manu Katché, un véritable tueur à la batterie mais aussi à la réalisation et aux arrangements, qui a joué entre autres avec Marcus Miller, Véronique Sanson, Sting, Manu Dibango ou encore Peter Gabriel… Pour moi, Manu Katché est l’un des meilleurs, sinon le meilleur batteur actuel sur cette petite planète. Darryl Jones, bassiste des Rolling Stones depuis 1993 en remplacement de Bill Wyman, même si on peut regretter toutefois que l’excellent Darryl Jones ne soit jamais sur la photo de famille, car il n’est toujours pas un membre officiel des Stones. L’impitoyable duo Jagger/ Richards (que j’adore malgré tout!), après le triste épisode et épilogue Brian Jones, l’âme des Stones, font encore preuve d’égoïsme, de narcissisme et d’égocentrisme, englués dans un star-system peu ragoûtant (à preuve, ils ne sont même venus aux funérailles de leur batteur Charlie Watts!). Quoiqu’il en soit, Darryl est bien sur la photo de famille de Michel Jonasz et ses musicos, et je m’en réjouis. Le fabuleux guitariste originaire du Texas, Dean Parks, qui a collaboré avec Sonny & Cher, Michael Jackson, David Crosby et Graham Nash… Adrian Utley le second guitariste anglais, qui collabora entre autres avec Bashung, Jeff Beck ou encore Marianne Faithfull… Terminons par le trio qui compose la section de cuivres avec Michel Gaucher aux saxophones ténor et soprano, ex Chaussettes Noires, Eddy Mitchell, Hallyday, etc… Il est tellement bon, qu’il aurait pu jouer au sein des Chats Sauvages de Dick Rivers! (Lol!)… Éric Mula à la trompette, qui collabora avec Ray Charles, Nino Ferrer, Tony Joe White, Jean-Félix Lalanne, Tom Jones, Wilson Picket ou encore Les Vieilles Canailles (Hallyday, Mitchell, Dutronc)… Sans oublier Pierre D’Angelo, le frère de Jean-Yves, aux saxophones baryton et ténor, qui collabora avec Harry Connick Jr, Ray Charles, Eddy Mitchell Big Band, ou encore Véronique Sanson… Bref, une section de cuivres rutilante à souhait, étincelante, qui apporte un swing magique et une surprenante musicalité à l’œuvre de Michel Jonasz. Voilà pour la longue mais indispensable présentation de tout ce beau linge, indissociable à la totale réussite de cet album hommage au blues. Même si Jonasz n’intéresse pas la presse people, car chez lui, pas de cadavre dans le placard, pas de call-girl planquée sous le plumard conjugal, pas de scandale aux impôts, il n’en demeure pas moins un artiste essentiel, d’une popularité jamais remise en question, lui qui n’a pas choisi ce métier de saltimbanque pour la célébrité et la brosse à reluire, mais simplement pour l’amour du blues, l’amour de la musique, pour la créativité et pour tout bonnement distiller du bonheur à son fidèle public. Cet album de Jonasz, ça fait plus de 30 ans que je l’attendais, fébrilement, patiemment, et aujourd’hui, j’ai la précieuse galette entre les mains. “Fais du blues fais du rock and roll”, sa profession de foi, l’ordonnance du bon Docteur Jonasz pour soigner les maux et embellir mes mots, “J’avais mis ‘Rip it Up’ sur la platine”, petit clin d’œil à Little Richard et à ses voisins, “Mon pote le Blues” qui me fait un peu penser aux titres “Le Blues au bout de mon lit” de Benoît Blue Boy, “Monsieur Blues” de Verbeke, ou “Vieux Blues” de Paul Personne. Et plein d’autres pépites à découvrir en se procurant le CD de Michel Jonasz Chanter le Blues, qui est, à mon humble avis, le meilleur opus de ce début 2023, dans lequel le chanteur est dans son élément, comme un poisson dans l’eau, d’une évidente crédibilité artistique et musicale. Eddy chantait “S’il n’en reste qu’un je serai celui-là”, et bien avec cet opus et la tournée qui se précise pour le défendre, je ne suis plus certain, mais alors vraiment plus, que Schmoll avait raison… Alors tous unis vers l’uni pour entrer dans l’univers “bluesical” de Jonasz. Tu plais, t’emballes et tu frimes, ou t’attends la mort et tu trimes, la balle est dans ton camp. Si tu connais par cœur Blueberry Hill de Fats Domino, si tu apprécies les chewing-gums à la vraie chlorophylle, le vieux style sans être suranné et les vacances au bord de la mer en suçant des glaces à l’eau, gare ta DS car cet album est pour toi! Demandez donc à Lucille, cette super nana, ce qu’elle pense de Michel Jonasz. Merci à lui d’exister, tout simplement. Album “INDISPENSABLE” à se procurer dare-dare! Avec lui, Jonasz atteint des sommets et tutoie les étoiles et l’excellence. Il sera en concert avec ses fabuleux musiciens les 25 et 26 mars 2023 au Dôme de Paris (Palais des Sports – Porte de Versailles) et en tournée dans tout l’hexagone. “Joueurs de blues, on est des joueurs de blues, si t’en as marre que la vie te prenne pour un punchingball, fais du blues, fais du rock and roll”!

Serge SCIBOZ
Paris-Move

PARIS-MOVE, February 5th 2023

:::::::::::::::::::::

Album à commander ICI

Discographie