BRUNO PUTZULU – LES RITALS (pièce de théâtre)

Les Ritals

Compte-rendu de la pièce de théâtre de Bruno Putzulu, “Les Ritals”, inspirée du roman de François Cavanna.
Lieu: Théâtre Lucernaire, Paris
Reportage: Serge SCIBOZ, Paris-Move
Un spectacle noté par notre rédaction: ‘Indispensable”, à voir absolument!

Victime de son succès, la pièce de théâtre “Les Ritals”, d’après l’œuvre de François Cavanna de 1978, était de nouveau à l’affiche à Paris, plus précisément au théâtre Lucernaire, rue Notre-Dame-des-Champs, à quelques encablures du bucolique jardin du Luxembourg, havre de paix de nos sénateurs à l’âge canonique. Adaptée par Bruno Putzulu, à l’aide de sa plume raffinée et de son cerveau fécond, mise en scène par Mario Putzulu, agrémentée par intermittence de trois accordéonistes talentueux, Grégory Daltin, Aurélien Noël ou Sergio Tomassi, dont la musique pleine de tendresse et de nostalgie, habille la prestation de Bruno Putzulu, telle une joaillerie d’exception sur un mannequin de l’agence Elite à la beauté vénitienne.

Du 10 mai au 4 juin 2023, dans un Lucernaire sold out, plein à craquer, comme chez Fulvio, la meilleure table des spécialités culinaires sardes, les soirs où le Chianti et le Prosecco coulent à flots et sans aucune modération, Bruno Putzulu a réalisé tous les soirs, une incroyable performance dans une pièce (voire un one man show) oscillant entre mélancolie et nostalgie, mais avec l’humour dévastateur et d’une finesse inouïe de François Cavanna, un artiste aux multiples casquettes, écrivain, journaliste, dessinateur humoristique, cofondateur des magazines satiriques Hara-Kiri, Charlie, Charlie Hebdo, au sein desquels il croisera la route des regrettés Professeur Choron, Cabu, Wolinski, etc. Un melting-pot entre Rabelais et Desproges pour la verve, mais avec les baccantes d’un gaulois réfractaire ou d’un hirsute pensionnaire d’un cabaret de la butte Montmartre, au temps béni des poulbots et autres gavroches.

Un spectacle profondément humain et autobiographique, un moment magique et intense, dans lequel le grand mouchoir à carreaux imprégné d’eau de Cologne s’avère indispensable, puisque l’on pleure de rire, et l’instant suivant, on pleure de tristesse. Et ça, c’est propre aux grands comédiens de faire passer le public, sans crier gare, du sourire Ultra Brite aux larmes, mais pas de crocodile. Cette pièce raconte l’histoire d’un gosse (Cavanna) né d’un père italien et d’une mère française, à l’instar de Bruno Putzulu, dans les années 30, rue Sainte-Anne à Nogent-sur-Marne, endroit où vit une grande partie de la diaspora italienne de la banlieue-est de Paris. Les années 30, la décennie du Front Populaire, de la montée du fascisme et de Benito Mussolini, quand la bête inhumaine avait pris forme humaine de l’autre côté des Alpes. Les Ritals! Les Macaronis! Les Spaghettis! Eh oui, sans en avoir l’air, la pièce aborde également les douloureux problèmes d’intégration et de racisme qu’ont rencontrés les familles italiennes, à cette époque et même bien après, malgré une religion identique et les durs labeurs qui leur étaient destinés, sans jamais rechigner à la tâche, dans les secteurs du bâtiment ou de la métallurgie. D’ailleurs, ce sempiternel fléau persiste encore de nos jours. Rappelez-vous de cette fameuse finale de coupe du Monde de Football en 2006, France-Italie, lorsque l’icône Zinédine Zidane donna un coup de boule au joueur transalpin Marco Materazzi. Acte complètement débile et irréfléchi, quel qu’en soit la raison initiale, lors d’une finale de coupe du Monde, devant les télévisions du monde entier. Et bien, dès le lendemain, au bar-tabac du coin, le journal L’Equipe en main et entre deux gorgées de Muscadet, la haine du Rital était bel et bien de retour, les piliers du zinc, les hussards de l’armée des ombres n’avaient plus que les mots Ritals et Macaronis à la bouche, la bave aux lèvres et l’Opinel entre les dents. Malgré la chanson de Claude Barzotti, malgré Gino le sympathique pizzaiolo, malgré Luigi le maçon toujours prêt à rendre service et à jouer de la truelle même le dimanche, malgré Platini et son maillot bleu n° 10 frappé du coq qui les avait fait vibrer, tout recommençait comme dans les années 30! Alors que c’est Zidane, colosse aux pieds d’argile, qui aurait dû être fustigé et cloué au pilori de la réprobation publique. La fraternité franco-italienne reste fragile, et à tout moment quelques crétins, nostalgiques des topinambours et des valses de Strauss, peuvent resouffler sur les braises.
Cette pièce, “Les Ritals”, est une totale réussite, un moment divin de pure poésie et de tendresse dont on ne ressort pas indemne. Et félicitations à Bruno Putzulu pour ses remarquables imitations de Tino Rossi, Michel Simon, Charlot, Fréhel, Piaf… du grand art dans un décor minimaliste, avec la modeste table et sa toile cirée fatiguée, achetée chez le marchand de couleurs de la rue Sainte-Anne un jour de paye.

Dans cette pièce, Bruno Putzulu est tout simplement énorme, stratosphérique, bien plus vertigineux que les ponts de Normandie et de Tancarville et que le cathédrale Notre-Dame d’Evreux. Grand frisson et chair de poule assurés!
A quelques décennies d’écart, que ce soit à Nogent-sur-Marne ou à Toutainville dans l’Eure, Bruno a un parcours similaire à celui de Cavanna. Un parcours modeste de Rital parmi les Ritals, où règne le respect envers le pays accueillant et l’amour familial sans borne. Mais aussi les 400 coups, les premières expériences interlopes, les premiers flirts maladroits, la fierté de ces racines… Mais il ne faut pas se leurrer, le papa de Bruno Putzulu a lui-aussi connu des problèmes de racisme, malgré sa volonté d’intégration et l’amour de la France. Et plus d’une fois, sur son lieu de travail, devant les quolibets, il a dû serrer les dents, ravaler sa colère et ressortir son grand mouchoir à carreaux parfumé à l’eau de Cologne pour essuyer ses larmes et pleurer en cachette, la tête entre ses mains d’ouvrier, ses grosses mains calleuses avec certains doigts enroulés dans du chatterton. Et surtout, il ne fallait absolument rien dire, de retour à la maison, pour protéger sa famille. Ne rien laisser apparaître. On a vraiment de la chance, car Bruno aurait pu devenir footballeur professionnel au Stade Malherbe de Caen ou au Havre Athletic Club, ou bien allier ses deux passions que sont le cinéma et les arts martiaux, devenir le Chuck Norris ou le Jackie Chan français, ou la Cynthia Rothrock au masculin…

Attention les amis, car Bruno Putzulu et ses acolytes vont prendre la route et jouer “Les Ritals” en province. Surveillez bien les dates et les affiches dans les colonnes Morris de vos villes respectives, car les Ritals arrivent! Surtout que la culture, en province, voire simplement en dehors des limites du périphérique parisien, n’intéresse absolument pas les grands médias élitistes et parisiens comme Télérama, les Inrockuptibles, Libé et compagnie… Les Ritals arrivent chez vous!!! Surveillez bien vos filles et vos femmes!!! Avanti!!!
“J’étais parti pour raconter les Ritals, je crois qu’en fin de compte, j’ai surtout raconté papa.” Personnellement, je n’ai jamais entendu quelqu’un dire “papa” avec autant d’amour et d’émotion que dans la voix que Bruno Putzulu. Pièce à voir absolument, pièce notée par notre rédaction comme “INDISPENSABLE”! Et parallèlement au succès des Ritals et aux standing ovations amplement méritées qui en découlent, il ne faut pas oublier l’excellent CD “C’était Quand”, le second de Bruno, une pure merveille et actuellement dans les bacs des meilleurs disquaires. Chronique de l’album à retrouver sur Paris-Move, ICI. Un “indispensable”, également.

Site internet de l’artiste

Album à commander sur le site de la FNAC