JEAN-PIERRE KALFON – MÉFISTOFÉLANGE

DEVIATION RECORDS
Rock Indé
JEAN-PIERRE KALFON - Méfistofélange

Non ce n’est pas une fake news pour jouer le rock critic avant-gardiste bien que hors- jeu, ni une blague de très mauvais goût à faire se gausser Diabolo, l’infâme cabot de Satanas, encore moins un poisson d’avril plus vraiment de première fraîcheur et aux écailles en déliquescence, car je vous le confirme bel et bien, le légendaire et inoxydable Jean-Pierre Kalfon, acteur de renom (ciné, théâtre et télé) et accessoirement chanteur de rock sans concession, vient de sortir le second album de sa très longue carrière, énigmatiquement intitulé “Méfistofélange”, sur le sémillant label de rock, world music et afro-beat Déviation Records qui réédite également et simultanément les Dogs de Rouen et l’album 4 Of A Kind, groupe à géométrie variable du regretté Dominique Laboubée, autre dandy, autre parcours parallèle fait de moult similitudes avec Kalfon, comme par exemple  l’esthétisme tous azimuts au sein de cette musique blasphématoire, pour sauvageons à la recherche de sensations fortes. Mais attention, les amis, cette folle gageure n’était pas gagnée d’avance, car quand Jean-Pierre Kalfon a annoncé à corps perdu, à s’époumoner aux quatre vents, avec la conviction d’un marathonien sur la route d’Olympie, qu’il préparait un nouvel opus, après Black Minestrone sorti chez New-Rose Records en 1993, l’intelligentsia des salons de thé de la rive gauche parisienne et autres musicologues ennuyeux qui hantent le tube cathodique depuis bien trop longtemps, sans aborder l’épineux problème des majors de l’industrie du disque et leurs pseudos-directeurs artistiques, aussi impliqués dans la musique et l’art en général, qu’un trader à la BNP Paribas, faillirent s’étouffer comme si un Bretzel avait fait fausse route.

A la recherche désespérée d’une production, les portes se refermèrent illico au nez et à la fine bacante de notre Kalfon et les sourires de façade suivis du fatal et inéluctable baiser de Judas étaient de mise. En effet, aucun bookmaker n’aurait misé un kopeck sur ce vieux canasson sur le retour, incapable aux yeux de tous ces béotiens, de remporter le moindre prix d’une modeste sous-préfecture de province, perdue dans un no man’s land et victime de la désertification. Dans les dîners en ville et autres cocktails mondains, certains m’as-tu-vu ne pouvaient dissimuler un rictus moqueur, rien qu’à l’évocation de cette idée saugrenue d’un hypothétique come-back discographique de ce vieux punk de Kalfon. Un projet trop audacieux pour ses frêles épaules et un costard à enfiler bien trop grand pour lui. L’intéressé n’est pas dupe, il a de la bouteille et une expérience incroyable qui force le respect, et il savait pertinemment que rien, absolument rien, ne lui serait épargné, ni pardonné, que tous ces bien-pensants conformistes l’attendraient patiemment à l’orée du bois, kalachnikov en bandoulière et Sig Sauer 9 millimètres à la ceinture, guettant le moindre faux pas pour lui donner le coup de grâce. Que Dieu soit loué, le providentiel et très éclectique label Déviation Records et notamment son boss, Phil Margueron, qui est loin d’avoir les portugaises ensablées, croisèrent miraculeusement la route de JPK, pour le résultat que l’on connait. Pas de panique les enfants, Jean-Pierre Kalfon a fait fermer la bouche à tous les sceptiques mentionnés ci-dessus, car son nouvel album Méfistofélange est une totale et incommensurable réussite. Le résultat entre rock, punk-rock, soul et ballades poignantes “Train Fantôme”, à sortir les kleenex et à se noyer le nez dans sa Jenlain, dépasse toutes nos espérances même les plus enfouies dans notre subconscient qui ne demandaient qu’à redécoller dare-dare, après une cure de sommeil plus ou moins longue, l’œuvre nauséabonde de philistins sans vergogne qui espéraient secrètement que le rock’n’bluesman se brûle les ailes, tel Icare héros malheureux de la mythologie grecque, au soleil de cet ambitieux projet discographique. Non, le rock’n’roll n’est pas mort et avec des fidèles disciples comme Kalfon, tel le Sphinx il renaît sempiternellement de ses cendres et se pointe toujours là où on ne l’attend plus. Jean-Pierre Kalfon, à ne pas confondre avec son homonyme des sixties, qui se faisait appeler Hector le Chopin du Twist, l’excentrique du Golf Drouot. Quoique tous les deux ont pour réciprocité la même excentricité et la même singularité artistique. Pour cet album, Jean-Pierre Kalfon a tout contrôlé de A à Z et maîtrisé l’enregistrement, les erreurs du passé ont servi de leçon. Il a magnifiquement écrit les paroles des 14 titres et composé la musique de 2 titres. Ses mots (maux) sont d’une poésie périurbaine inouïe, la poésie des faubourgs et des zincs, la poésie des laissés-pour-compte, la poésie de ceux qui traversent un hall de gare tout en étant rien, de ceux qui hurlent leur désarroi en silence et pleurent en cachette, par pudeur, pas à la vue du public, la poésie des perdants magnifiques  La sensibilité extrême d’un écorché-vif de l’underground et de la contre-culture rock, tout en gardant les deux pieds bien calés dans les starting-blocks de la rébellion, toujours prêt à casser les codes et les diktats de nos élites, qui trouvent leurs inspirations froides et mercantiles, sous les lambris dorés des ministères ou dans les salons Murat des palais de la République, en se désaltérant goulument au Moët & Chandon. Pour notre plus grand bonheur et à 84 piges, Kalfon a toujours la rock’n’roll attitude à fleur de peau et le rocker n’accepte toujours pas la moindre autorité hiérarchique directive. Bien avant les Patrick Dewaere et Gérard Depardieu, Jean-Pierre Kalfon était le rebelle du 7ème art, une sorte de Jean-Pierre Mocky qui aurait croisé la route d’Elvis Presley et d’Aretha Franklin. Lui qui a connu toutes les expériences tout au long de son immense carrière, même les plus inavouables et les plus improbables, comme dès ses 15 ans la case police en Belgique pour aboutir dans un lugubre centre de redressement en France, suite à une fugue. Au grand dam de ses parents, le jeune Jean-Pierre ne sera jamais médecin ou avocat, les échelons de la très respectable échelle sociale semblaient trop vermoulus et trop inaccessibles pour lui, mais il deviendra saltimbanque, entre le ciné, le théâtre et la musique. Vous l’imaginez dans la peau d’un notable de province, avec sa femme, ses deux enfants et son Labrador, allant chaque semaine déguster chez sa belle-mère le gigot d’agneau dominical et passant chaque Noël dans la très huppée station de Courchevel? N’oublions pas que ce dernier a sorti son premier E.P en 1965, une galette qui deviendra culte avec notamment un titre proto-punk “Chanson Hebdomadaire”. N’oublions pas qu’il a été le compagnon de Valérie Lagrange et l’éphémère guitariste de Jacques Higelin pour la tournée “BBH 75”, qu’il a participé avec ses joyeux lurons du fameux Kalfon Rock Chaud, le 21 août 1976, au premier et épique festival punk de Mont-de-Marsan, sous l’égide du regretté Marc Zermati (Skydog Records), avec Bijou, Little Bob Story, Eddie and the Hot Rods, The Damned, etc… Dans les 80’s, Kalfon sera le chanteur du groupe Look de Paris, créé par l’ex bassiste du groupe Alice, Alain Suzan. Look de Paris jouera souvent au Privilège, à L’Excalibur, au Gibus  et au City Rock Café… Le punk-rock à tous les étages, jusqu’au plus profond de ses entrailles, avec Elvis dans son ADN et “That’s All Right (Mama)” bien visible dans son électrocardiogramme. Kalfon aura toujours fait le grand écart entre SUN Records et les New York Dolls, entre Amy Winehouse et la culture pop’art d’Andy Warhol avec un nuage de glam-rock et des Doors… Sans occulter l’œuvre considérable de Victor Hugo et le bouquin de Jean-Jacques Schuhl “Rose Poussière” de 1972. Quelle souplesse de corps et d’âme, il a des adducteurs aussi souples qu’un chewing-gum à la chlorophylle et l’envie irrésistible de découvertes artistiques pour ne jamais rester les deux pieds dans le même sabot et sombrer dans une léthargie intellectuelle irréversible. Lui qui a tourné avec les plus grands, de Pierre Granier-Deferre à Godard, en passant par Chabrol et Verneuil, connu Lauren Bacall, côtoyé Sylvain Sylvain et David Johansen des New York Dolls, Serge Gainsbourg dans les boites enfumées à l’heure du laitier et des premiers canards imprimés, goûté avec excès aux paradis artificiels chers à Jean Cocteau et Charles Baudelaire, il aurait pu mourir cent fois, mille fois, faire partie du funeste club des 27 à l’instar de Brian Jones, Robert Johnson, Jim Morrison ou Amy Winehouse, vivre vite et mourir jeune comme James Dean ou Eddie Cochran, tirer sa révérence dans un bruit cataclysmique de tôle froissée… Quoi mieux que le vieil adage de Ian Dury, “Sex and Drugs and Rock’n’Roll”, pour le qualifier. Comme Keith Richards ou Iggy Pop, Kalfon est un miraculé. A 84 piges, le dos légèrement vouté comme s’il portait une tonne sur ses épaules et le poids d’une vie trépidante, frénétique et saccadée, une vie brûlée par les deux bouts, avec sa tronche de mafioso napolitain et de taulier de bar interlope à Pigalle, son regard franc et déroutant, son sourire Ultra Brite, sa moustache en trait de crayon à la Little Richard ou Dario Moreno, ses cheveux plaqués à la Rudolph Valentino, le classieux, l’archétype du dandysme et des nuits parisiennes, Jean-Pierre Kalfon, nous revient, sans jamais avoir véritablement abandonné la musique, avec un album majeur qui s’impose comme l’une des meilleures productions actuelles, un opus indubitablement et intensément rock. Sa sortie aurait dû créer des émeutes, avec feux de poubelles et cordons de CRS devant les disquaires pour contenir la fougue des teenagers, la matraque et le lacrymo en goguette. Méfistofélange est un album envoûtant, obsédant, et de sa voix rocailleuse, suave et hypnotique, comme celle de Jacques Higelin après un gargarisme au vitriol ou celle de Bashung sous LSD, Jean-Pierre Kalfon nous distille une multitude de purs joyaux, un nombre incalculable de pépites, allant de l’ambiance film noir et atmosphère sombre au rock’n’roll le plus endiablé, entre utopie collective et gouaille à la Michel Audiard: le folk-blues “Le Train Fantôme”, le rock’n’roll “Gypsies rock’n’roll band”, le punk-rock “Chope le cash”, l’ambiance funky “Costard” et le titre hommage à Amy “Méfistofélange”… Kalfon pourrait chanter le menu du Plaza Athénée et le faire vibrer! Il s’agit d’un album recommandé d’intérêt public avec pour soigner les maux et autres coups de blues “Une main amie”, ou pour s’émoustiller le très sensuel “Sextoy”… Outre les talents d’interprète, d’auteur et de compositeur de l’intéressé, pour la réussite de cet album, JPK s’est entouré d’excellents musiciens, tous voués corps et âme à sa cause, afin de bonifier son interprétation. Je citerai Rurik Sallé (guitares-compos-arrangements), l’expérimenté bassiste Christophe Garreau (Dick Rivers, Benoît Blue Boy, Paul Personne…), Hugo Indi (guitares-pré-arrangements), ou encore François Causse (batterie). Sincèrement désolé de ne pouvoir citer tous les protagonistes de ce remarquable opus, car ma chronique pourrait devenir rapidement aussi volumineuse que l’annuaire du téléphone du département du Cantal ou que l’Almanach Vermot 1886. Cet oiseau de nuit qui avait jadis son rond de serviette et sa bouteille de whisky nominative au Palace, aux Bains Douches, au Bus Palladium, au Whisky à Gogo ou au City Rock Café, vient de frapper un grand coup avec son nouvel album. Il a placé la barre très haute et il va falloir ramer et mettre les mains dans le cambouis pour le déloger de son piédestal. Ce come-back discographique de Jean-Pierre Kalfon, sempiternellement écorché vif à l’instar d’un Daniel Darc, grenouillant dans ce marasme culturel et cette infâme bouillie musicale, fait vraiment plaisir à voir et surtout à entendre. N’hésitez-pas une seule seconde à entrer dans son univers musical singulier et hors du commun. Quant aux sceptiques de la première heure de ce projet, les pignoufs des maisons de disques, de part leur incompétence et leur parti pris, que dorénavant ils rasent les murs, qu’ils changent de job dans les plus brefs délais en allant vendre des robots de cuisine ou des cravates devant les Galeries Lafayette et qu’en guise de gage et de pénitence, qu’ils descendent les Champs Elysées avec un nez rouge et leur slip sur la tête! INDISPENSABLE…!

Serge SCIBOZ
Paris-Move

PARIS-MOVE, April 26th 2023

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Jean-Pierre Kalfon sera en concert les 27 et 28 avril 2023 à l’Espace Jemmapes, 116, Quai de Jemmapes, 75010 Paris

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