LONG TALL DEB & COLIN JOHN – Light it Up

Vizztone
Blues
LONG TALL DEB & COLIN JOHN - Light it Up

Natif de Cleveland (mais relocalisé à Hawaï, après une longue villégiature londonienne), le guitariste Colin John fut successivement membre de Little Mike and The Tornadoes et du B.B. King Tribute band, tout en accompagnant des pointures telles qu’Henry Gray, Pinetop Perkins, Gary Brooker, Michael Hill et Hubert Sumlin (entre autres). Après avoir entamé une carrière solo dès 2003 (cumulant une quinzaine de références à la clé), il s’acoquina avec la chanteuse texane Deborah Landolt (alias Long Tall Deb), auprès de laquelle il a déjà publié un EP en 2015, ainsi qu’un album complet en 2017 (“Dragon Fly”, déjà sur Vizztone). Cette dernière s’était auparavant fait les dents au sein des Drifter Kings (un album en 2009), avant de se fendre d’un LP sous son propre nom, “Raise Your Hands” en 2012 (sur lequel figurait déjà Colin). Pour leur troisième publication commune, ce tandem livre huit originaux, et convoque quelques guests de renom, au rang desquels on se doit de signaler le grand Steve Marriner (dont le “Hope Dies Last” fut chroniqué ICI), ainsi qu’Alastair Greene (chroniqué ICI, ICI et ICI) et nos deux Lil’ Red & The Rooster, Pascal Fouquet et Jennifer Milligan (chroniqués ICI), qui apparaissent par ailleurs dans le clip du single. On s’étonnera que l’excellent batteur Jason Edwards ne soit pas co-crédité à l’écriture de la plage titulaire, tant ses impétueux roulements contribuent à y propulser le timbre non moins véhément de Deb. Harangue sans appel contre le cynisme et les injustices de notre temps (“Let’s take grief, let’s take hunger, let’s take fear, let’s take suspicion, misinformation, let’s light a spark and start a new kind of fire/ What about people over profit… what about peace?”), c’est un brûlot, un manifeste et un salutaire appel au sursaut populaire, porté par un riff hendrixien en diable. Sur le “My Love” qui suit (sans rapport avec l’antique bluette éponyme de McCartney), Edwards cède les drumsticks à un certain Zac Var, tandis que les six cordes de Colin et le chant de Deb y passent le kärcher (pour reprendre la formule historique d’un récent repris de justice). Sur le mid-tempo gospel “Lessons In The Ground”, Deb poursuit sa vindicte à l’encontre des dérives anti-démocratiques de son pays (waiting for a voice to turn this world around”), tandis que la guitare de Colin continue d’y payer sa dette à celle du divin gaucher de Seattle (et partant, à Curtis Mayfield). Première surprise de cet album, nos amis adaptent ensuite le “Sweet Dreams” des Eurythmics en Texas shuffle – et ça fonctionne du feu de Dieu! Avec les backing vocals de Jen Milligan, le timbre de Deb s’y révèle plus mutin, et cette relecture jubilatoire emporte l’adhésion avec le sourire. Le swamp louisianais s’invite sur le chaloupé “Hear Them Moan” (dûment crédité, outre Landolt et Greenan – état civil de John – au bassiste Chris Butler et à Jason Edwards, qui y assure les percussions tribales), auquel la lap-steel de Colin appose son sceau incandescent. Seconde cover, le “Spoonful” que Willie Dixon composa pour le Wolf (notoirement repris voici près d’un demi-siècle par ces furiosos de Cream) accueille l’harmonica déchaîné de Steve Marriner, tandis qu’outre sa slide incendiaire, Colin y assure la basse à six cordes et les chœurs: version d’anthologie, à la démarche saurienne avérée. Et quitte à mentionner le légendaire Chester Burnett, “Black Light Wolf” cite le hurlement du Loup entre les vers suivants: “There’s a most peculiar painting on the wall, a black light wolf, you can almost hear him howl. His eyes follow me all around the room…Sometimes I wonder if the Wolf were here, I wonder what he would do”… Autre gospel en anaphore, le puissant “Deflection Blues” (sur l’intro duquel on entend murmurer le “I can’t breathe” que souffla George Floyd dans son ultime soupir) traite de la désinformation qui bat ces temps-ci plus que jamais son plein, sous la botte proto-fasciste actuellement en vigueur “in the land of brave and free“… Dans la veine frénétique du James Brown du début des sixties, l’instrumental “Out For A Rip” est un festival pyrotechnique de licks électriques, au fil duquel Colin, Alaistair Greene et Pascal Fouquet démontrent, depuis Roy Buchanan, Tom Principato et Danny Gatton jusqu’à Freddie King, ce qu’un demi-siècle de virtuosité guitaristique a apporté au blues et au rhythm n’ blues, avant que le lent country three-steps “Crooks, Thieves And Liars” n’achève de démontrer quelle vocaliste supérieure demeure Long Tall Deb Landolt. Un album qui tombe à point nommé pour témoigner de l’ancrage persistant du blues dans son époque. Comme l’énonça un jour un des grands penseurs de la cause afro-américaine: if you want to hear the news, just listen to the blues

Patrick DALLONGEVILLE
Paris-Move, Illico & BluesBoarder, Blues & Co

PARIS-MOVE, September 29th 2025

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