LIL’ RED & THE ROOSTER – Keep On!

Blue Heart Records
Blues
LIL' RED & THE ROOSTER - Keep On!

Couple franco-américain à la scène comme à la ville, la chanteuse, percussionniste et guitariste de l’Ohio Jennifer Milligan et le guitariste normand Pascal Fouquet ont uni leurs talents respectifs voici une douzaine d’années déjà. Après un premier album en 2018 (Soul Burnin’, enregistré à Chicago et produit par Dave Specter), ils se sont illustrés l’année suivante en tant que finalistes de l’International Blues Challenge de Memphis. Les revoici donc, après l’épisode de confinement mondial qui les a tenus isolés comme chacune et chacun, de retour dans le même studio tenu par Blaise Barton dans les faubourgs de la Windy City. La section rythmique s’y compose de Kenny Smith (rejeton de Willie ‘Big Eyes’ Smith, dernier drummer historique de Muddy Waters) et du bassiste Felton Crews, acolytes que l’on retrouve souvent côte à côte, tant auprès des Cash-Box Kings que de Mississippi Heat, ou encore voici quelques années déjà sur l’album Blues Turn de l’harmoniciste canadien Guy Bélanger (chroniqué ICI). Au registre des invités figure également un autre géant du blues local en la personne de Billy Branch, qui assure le chant et l’harmonica sur la plage titulaire. Hormis leur adaptation du traditionnel “Nobody’s Fault But Mine” (dans une veine radicalement distincte de celle de Led Zep), les dix autres titres sont tous des originaux de leur plume, et dès le “Cool Trap” d’ouverture, on saisit le concept de “retro modern blues” selon lequel le duo entend définir sa musique. Au beat lascif qu’imprime la section rythmique à leur “Whiskey Sip Of Time” répondent le sax de Jean-Marc Labbé et les six cordes ensorceleuses de Pascal, tandis que le timbre enjôleur de la ‘tite Red fait déjà monter la température de quelques degrés. Billy Branch fait ensuite scintiller ses lamelles à trous, à la manière du regretté Rice Miller (aka Sonny Boy Williamson II) sur ce “Keep On Lovin’ You” où il duettise en prime au chant avec Jen, tandis que le solo de Pascal y oscille entre Lonnie Johnson et Django Reinhardt. Transposant à la guitare le ragtime risqué à la mode Kansas City de Julia Lee, l’alerte “Love The Hell Right Out Of Ya” précède autant qu’il l’annonce le quasi-instrumental mambo-surf “Shakin’ Em Up”, où sax baryton et guitar reverb se tirent allègrement la bourre, tandis que les préposés au rythme s’en donnent à nouveau à cœur-joie. “Bootstraps Break” illustre la vieille obsession de Pascal pour Otis Rush, tandis que leur version de “Nobody’s Fault But Mine” mêle de futés accents maliens et nord-mississippiens, dans la ligne de notre chère Tia Gouttebel. C’est en hommage à Rosa Parks, héroïne de la lutte pour les Droits Civiques, que notre duo a composé “Back Of The Bus”. “American Made” n’aurait pour sa part pas déparé le répertoire des Blasters, non plus que le funky “Little Girl”, ceux d’Albert et Freddie King. Le jump instrumental “Step It Up” conclut avec brio cette roborative rondelle. Comment qualifie-t-on déjà, ces formations qui parviennent ainsi à surpasser leur premier essai dès le second…? La classe, oui!

Patrick Dallongeville
Paris-MoveBlues Magazine, Illico & BluesBoarder

PARIS-MOVE, November 23rd 2022

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Album à commander sur leur Bandcamp, ICI