Véronique Sanson – De l’autre côté de mon rêve

WARNER MUSIC FRANCE
Chanson française

Comme pour le dernier opus de Michel Jonasz teinté de blues, rédiger une chronique sur une véritable légende vivante de la chanson française telle que Véronique Sanson est pour moi une première, un grand honneur et je m’en réjouis. Il s’agit de la réédition par Warner Music France du second album studio de Véronique, au titre à la fois énigmatique et poétique “De l’autre côté de mon rêve”, pour fêter dignement le 50ème anniversaire de sa sortie, qui était dans les bacs des disquaires le 8 décembre 1972 et qui avait été certifié double disque d’or (200.000 ventes) dans les plus brefs délais. Cette réédition tant attendue existe en CD édition Deluxe, avec maquettes inédites et une version instrumentale de “Chanson sur ma drôle de vie” + Blu-Ray, et en version vinyle translucide collector. Il faut quand même préciser, qu’après l’album “Amoureuse” sorti la même année et avant les aventures américaines, au début des 70’s, Véronique Sanson faisait figure de météorite, de véritable OVNI au sein du paysage musical français, une artiste dépareillée essayant de trouver sa voie, voire sa voix, mais certainement pas sans issue, au milieu de la majorité de ses consœurs de l’époque avec paroles à l’eau de rose et insipides, d’une mièvrerie affligeante, entre strass et paillettes aussi lumineux que les phares de l’île d’Ouessant, et d’une musicalité digne des flonflons municipaux de la fête patronale villageoise, avec crécelles et clairons poussifs de l’orchestre de monsieur le curé. Véronique Sanson était comme un poisson-clown évoluant d’ordinaire dans les lagons azurs du Pacifique, perdu dans les méandres d’un fleuve sinueux et austère, grouillant de piranhas. Mais d’où sortait cette petite et frêle blondinette, auteure-compositrice, interprète et pianiste, à la culture musicale débordante, de la pop et du rock à tous les étages, avec comme pour William Sheller à la base, une rigide mais salutaire formation classique, qui sera intégrée dans un melting-pot de pop anglo-saxonne et de folk-blues? Mais qui était la belle et talentueuse Véronique Sanson? Toutes ces multiples influences majeures de Véronique, allant des Beatles, des Stones, des Kinks, des Animals, en passant par la chanteuse Dionne Warwick, égérie du duo Burt Bacharach et Hal David, l’œuvre intarissable de George Gershwin, pour arriver à l’esthétisme d’un Randy Newman ou d’un Stevie Wonder, entre autres… Car au contraire de la majorité de ses petites collègues du début des années 70, Véronique Sanson avait des univers musicaux bien trempés et de solides racines, alimentant quotidiennement sa frénésie créatrice mise en exergue par sa voix originale et son vibrato reconnaissable entre mille, fait d’ondulation et de modulation de son timbre vocal, d’un niveau au piano qui excelle, d’un son novateur et de textes intelligents qui changeaient des sempiternels: “je t’aime, tu m’aimes, pourquoi m’as-tu quitté, reviens baby…”. Les textes de Sanson étaient plus proches du Prix Nobel de Littérature et de l’Académie Charles Cros que du Hit-Parade RTL, car avec Ringo Willy Cat qui se prenait pour Elvis, Sheila ou Vicky Leandros, c’était plutôt Waterloo morne plaine que l’historique et légendaire bataille de Camerone, ou plutôt le magazine Podium que des studios magiques de Londres ou L.A. Au pire c’était de la musique pour ascenseurs, au mieux c’était de la musique pour égayer les auto-tamponneuses de la fête à Neuneu. Car à part Nicoletta, Catherine Lara, Esther Galil et bien entendu Véronique Sanson, en 72, très peu de chanteuses possédaient les tessitures de voix nécessaires et les racines génétiques indispensables pour interpréter avec crédibilité du rock, de la pop, du blues et du rhythm and blues,… Fabienne Shine n’ayant pas encore formé le groupe Shakin’ Street. Avec cet album “De l’autre côté de mon rêve”, comme Jésus sur la mer de Galilée, Véronique semble marcher sur l’eau, comme en état de grâce. En totale symbiose avec ses remarquables musiciens, indubitablement, elle crève l’écran. Comme Michel Jonasz, Eddy Mitchell ou Dick Rivers, Véronique dès le début de son épopée, a toujours eu le leitmotiv de s’entourer de pointures, de musiciens fantastiques qui aiment véritablement la musique et se mettent au service de l’interprète pour sublimer sa voix. On peut citer Michel Delaporte et Mike Egan aux guitares subtiles, ce dernier ayant croisé la route d’Elton John, Linda Lewis, Nicky Hopkins et tant d’autres… Christian Padovan à la basse (Johnny Hallyday, Michel Berger, Saint-Preux, Martin Circus…), ou André Sitbon à la batterie, ex Le Système Crapoutchik. Sous la houlette du jeune mais déjà très précieux et très intransigeant Michel Berger (production), on ne badine pas avec la musique, sortira toute une pléiade de titres majeurs, entrés depuis dans la postérité et dans les mémoires des générations successives: “Morale”, “Une nuit sur son épaule”, “Loreleï”, “Comme je l’imagine”, ou encore “Chanson sur ma drôle de vie”, tube dantesque qui bénéficiera d’une seconde jeunesse avec le film de 2010 “Tout ce qui brille” et le fameux vidéoclip de Géraldine Nakache et Leïla Bekhti. Véronique Sanson était alors notre Janis Joplin pour le groove et le feeling, et elle aurait pu être produite par un Phil Spector au meilleur de son inspiration. Elle qui a été biberonnée aux œuvres transgénérationnelles de John Lennon et ses acolytes à Schubert, de Paul McCartney à Gershwin, traversant depuis toutes les décennies, avec une élégance naturelle déconcertante et son célèbre vibrato un tantinet arrogant, mille fois imité mais jamais égalé. Accompagnée de son meilleur ami, un Steinway blanc, tel un ange sorti tout droit sorti du paradis (blanc) imaginé par Michel Berger, Véronique, avec l’énergie du désespoir et sans avoir besoin de personne, compose inlassablement des mélodies à tomber par terre ou à grimper aux rideaux, c’est selon son propre ressenti, et elle trouve les mots qui sonnent, les fait pulser, quelques mots d’amour en somme, sans craindre le syndrome de la page blanche et le cauchemar du piano muet. A Triel-sur-Seine, très tôt le matin, parfois en pleurant des larmes de kirsch, alors que la brume de printemps se lève sur le fleuve et que les mouettes rieuses égarées du Port du Havre, donnent de la voix comme pour l’accompagner telle une chorale de gospel. Elle s’adresse aux âmes cabossées, aux corps abîmés et aux cœurs qui saignent… Est-ce autobiographique? Certainement! En matière de musique(s), même si le temps est assassin, Véronique est une main de fer dans un gant de velours. Elle qui s’est tellement manquée et tellement fait mal, semble si fragile qu’on a envie de la serrer très fort dans ses bras pour la protéger, mais lorsqu’elle se met au piano et qu’elle chante de façon magistrale, elle devient indestructible et solide comme un roc(k). On l’écoute alors religieusement en remerciant le ciel d’avoir en France une chanteuse aussi singulière, raffinée et talentueuse que Véronique Sanson. Une vraie musicienne. Elle qui, au début de sa carrière, n’était absolument pas en phase avec son époque, ou plutôt avec son pays, comme un mec couillu bardé de cuir et transpirant la Kronenbourg tiède, elle a mis les mains dans le cambouis, suant sang et eau pour s’imposer et imposer son art, au mépris des embûches glissées çà et là sur son parcours par des béotiens sans vergogne. Dans son style pop-rock, elle aura été une pionnière en France, comme Hallyday, Mitchell et autres Chats Sauvages en matière de rock’n’twist au début des 60’s. C’est pour ça que plus de 50 ans après la sortie de “De l’autre côté de mon rêve”, Véronique Sanson mérite notre plus grand respect et notre profonde gratitude. Après cet opus, avec “Maudit”, en 1974, sous l’œil bienveillant (enfin pas toujours…) de Stephen Stills, elle prendra une direction beaucoup plus rock que pop. Ses aventures américaines étaient lancées, pour le meilleur (musicalement), ou pour le pire… même si lors de son mariage avec l’excellent guitariste de Crosby, Stills, Nash & Young, les Beatles et les Stones étaient présents. Véronique était alors en plein dans le star-system, avec tout ce que cela représente en excès et autres dérives, mais sans jamais prendre le melon et en restant toujours sympathique et abordable. Une vie rock’n’roll brûlée par les deux bouts. Une vie trépidante digne d’une œuvre colossale à la Zola, entre rock au sens le plus noble et fiction à la Philip K. Dick… Après quelques problèmes de santé, heureusement aujourd’hui qui ne sont plus que de mauvais souvenirs, cette interprète magistrale et cette musicienne sublime pourrait chanter l’annuaire téléphonique ou le menu du Plaza-Athénée et les transcender, les faire swinguer irrésistiblement. Parallèlement à la réédition de cet album que je qualifierais d’INDISPENSABLE, avec cette très belle pochette signée Jean-Marie Périer, Véronique Sanson est en tournée “Hasta Luego” dans toute la France, et notamment les 22, 23, et 24 mars prochain au Dôme de Paris – Palais des Sports Porte de Versailles, pour quelques chansons intemporelles sur sa drôle de vie…
Comme je le dis parfois à certaines icônes entrées dans la légende par la grande porte, merci à Véronique d’exister, tout simplement! Car j’aime les esthètes à la sensibilité à fleur de peau. Prends bien soin de toi Véro!
Un merci particulier à sa sœur Violaine Sanson-Tricard pour sa gentillesse et à l’agence 96B.

Serge SCIBOZ
Paris-Move

PARIS-MOVE, February 17th 2023

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