RICHIE LAWRENCE – Moving At The Speed Of Trees

Big Book Records
Americana
RICHIE LAWRENCE - Moving At The Speed Of Trees

Outre sa dégaine de contremaître de plantation sudiste au siècle avant-dernier (stetson élimé à la Doug Sahm, chevelure et barbichette façon Wild Bill Hicock), Richie Lawrence arbore le curriculum doré sur tranche d’un Zelig en matière d’Americana. Né à Tulsa (Oklahoma) sous la présidence de Dwight Eisenhower (non loin des bleds natals de JJ Cale et Leon Russell), le jeune Richie connut une enfance campagnarde, illuminée par sa rencontre avec le grand piano Steinway de sa famille, sur les touches duquel il se familiarisa d’abord avec le blues d’Otis Spann, le Louisiana R&B de Professor Longhair, le rock n’ roll de Jerry Lee Lewis et le riche panel de Garth Hudson au sein du Band. Il migra vers le Colorado au tournant des seventies, pour s’y acoquiner avec la scène locale (et notamment Ray Bonneville, auprès duquel il eut l’occasion d’ouvrir les shows respectifs de Willie Dixon, John Hammond, Mance Lipscomb et les Ramones – oui), avant de se relocaliser à L.A. pour la décennie suivante. Tout en entamant une carrière de session man, il continua d’y cachetonner en grenouillant parmi des pointures telles que Steve Goodman, Bonnie Raitt, Crystal Gayle, America et George Thorogood, avant d’y faire la rencontre déterminante de Paul Lacques (futur membre éminent de I See Hawks In L.A.). Complices comme larrons en foire, nos deux lascars commencèrent par collaborer sept ans durant au sein de Rotondi (revue musico-théâtrale à tendance polka burlesque, qui réalisa quatre albums et fit les beaux jours de maints programmes télévisés nationaux), à l’occasion duquel Richie ajouta l’accordéon à sa palette sonore. Des fourmis dans les jambes (et dans le cœur aussi) le poussèrent ensuite jusqu’à Sacramento (où il épousa la chanteuse Katie Thomas, avec laquelle il se produisit dès lors au sein de Horse Sense, puis du Loose Acoustic Trio), ainsi que I See Hawks In LA, où il rejoignit son ami Lacques. Ce n’est qu’en 2010 (à la veille de la soixantaine) que Richie se résolut enfin à enregistrer son premier album solo (l’instrumental “Melancholy Waltz”), suivi deux ans plus tard de “Water” (avec son propre band, The Yolos), et enfin de “Rue Sanxay” en 2015.
Il aura donc fallu une décennie pour que ce musicien très occupé nous gratifie enfin de ce quatrième opus, que s’apprêtait à produire son fidèle compadre Paul Lacques. Hélas, ce dernier ayant été emporté par la maladie l’an dernier, ce sont Richie et sa régulière qui s’y sont finalement collés, et si ces tourtereaux y co-signent le bel “Isla” (où l’accordéon et le clavier de Richie soutiennent le timbre mutin de Katie), sept plages sont de Lawrence seul, tandis qu’il en a également écrit une avec son regretté ami Lacques et Robin Ginsburg, et une autre avec Robert Rex Waller Jr (frontman de I See Hawks In LA, chroniqués ICI, ICI et ICI, et dont le récent album solo le fut également ICI). Le fidèle Ray Bonneville preste son languide “Lone Freighter’s Wail”, tandis que Victoria Jacobs, actuelle batteuse d’I See Hawks In LA, officie sur deux plages (et vocalise sur une troisième). Outre notre petit couple (respectivement au chant, ainsi qu’au piano et à l’accordéon), une dizaine de musiciens contribuent aux arrangements de cet album qui s’ouvre sur la poignante ballade “On The Boat”, où la dextérité de Richie sur les ivoires sous-tend son timbre à la justesse précaire mais touchante (à la manière d’un Ray Davies en pareil exercice). Fan de feu Nicky Hopkins, Lawrence confère à cette pièce (ainsi qu’au splendide “The Poetry Of Lust”) une préciosité toute européenne, proche de celle du non moins regretté Gary Brooker (ou encore du raffiné Ben Sidran). Le batteur Shawn Nourse (Dwight Yoakam, mais lui aussi ex-Hawks In LA) assure la majeure partie du drumming avec subtilité, tout en occupant les fonctions d’ingénieur du son, et Mr et Mme duettisent sur le nostalgique mais bienheureux “Life Long Lived”, avant que la country flavor de I See Hawks In LA ne s’invite pour un “Oh Me Oh My” biographique co-écrit par Robert Rex Waller (avec la pedal-steel de Dave Zirbel, et le même Waller au lead vocal). Pour achever de confirmer cette lignée, c’est le bassiste de cette formation, Paul Marshall, qui intervient sur ce titre, ainsi que sur le ragtime swing “Big Fun” qui suit. Katie interprète la bluegrass walz “Leaving You” (où s’illustre la mandoline de Rick Shea, collaborateur du grand Dave Alvin), avant que le piano stride façon Mose Allison ne s’invite pour un “Infable” au swing proprement irrésistible. On mesure alors à quel point ce diable de Lawrence connaît aussi son jazz sur le bout des phalanges (tout en repérant sur sa coda le titre générique de l’album). Le couple chante à l’unisson “The Wonderful Waltz”, avant que l’instrumental au piano solo “Emily Dickinson” ne prenne les atours d’une B.O. de film expressionniste, précédant l’émouvant “I Believe in You” où Richie renouvelle au clavier ses vœux à sa bien-aimée. Belle conclusion pour un album pétri d’émotion.

Patrick DALLONGEVILLE
Paris-Move, Illico & BluesBoarder, Blues & Co

PARIS-MOVE, March 11th 2025

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