Soul blues |
À ne pas confondre avec Lou Rawls (crooner de ces dames, pré-Barry White), ce Johnny-ci n’est pas non plus tombé de la dernière pluie. Né en septembre 1951 à Columbia, Mississippi (et élevé à Purvis, non loin d’Hattiesburg), ce chanteur, guitariste, arrangeur, producteur et songwriter est lui aussi allé à bonne école, celle de la soul et du rhythm n’ blues des années 60. Passé professionnel à l’orée des seventies, il fit ses classes auprès de pointures comme Joe Tex, Little Milton, Bobby ‘Blue’ Bland, Little Johnnie Taylor et O.V. Wright, tout en s’inspirant de modèles tels que James Carr et Z.Z. Hill. Si sa discographie solo ne débuta réellement qu’en 1996 (sur le label anglais de John Stedman, JSP Records, chez qui il exerçait également les fonctions d’arrangeur et de producteur), c’est sous la bannière de Catfood Records qu’il publie depuis 2008 l’essentiel de son rendement, tout en continuant à assurer jusqu’à nos jours ses 200 concerts annuels de moyenne. Bien que quasiment retiré du business (excepté pour son épouse, la chanteuse Sandy Carroll, chroniquée ICI), le grand Jim Gaines a daigné produire ces dix nouveaux titres, en gage d’amitié envers Johnny. S’étant distingué auprès d’artistes tels que Luther (et Bernard) Allison, George Thorogood, Carlos Santana, Huey Lewis, Steve Miller et Stevie Ray Vaughan, cet ermite daignait encore s’extraire sporadiquement de sa tanière pour superviser les enregistrements de certains artistes comme Derrick Procell, Ally Venable et Ronnie Baker Brooks (chroniqués ICI, ICI et ICI), mais puisqu’il s’est éteint en novembre dernier (à 83 ans), il y a fort à parier que cet album-ci constitue son testament de sorcier des consoles. Autour de piliers tels que le guitariste Will McFarlane et le session drummer de renom Steve Potts s’activent une bonne dizaine de session musicians, parmi lesquels on reconnaît les claviéristes Dan Ferguson et Clayton Ivey (Thelma Houston, Staple Singers) et l’ami bassiste Bob Trenchard (auteur de la plage titulaire et de “Say That You Love Me”, tout en co-signant 60% du répertoire présent). La plume de Johnny Rawls ne s’exprime qu’à une seule occasion (le truculent “Costs Too Much”), et Miss Gaines (Sandy) participe à l’écriture de “Move In My Direction”. Dominé par les cuivres (ils ne sont pas moins de quatre), le son de cet album se rapproche de celui de soul men contemporains tels que Curtis Salgado et Delbert McClinton (notamment sur la pertinente plage éponyme), et Andy Roman (préposé aux soli de sax) y bénéficie de maints billets de sortie. Tour à tour puissant et soyeux, le timbre de Rawls se rehausse, sur les langoureux “Dreams Of You” et “Move In My Direction”, des backing vocals soulful de Kimberly Horton et Trinecia Butler. En dépit de la foule trépidante de teen-agers blancs se trémoussant sur la photo intérieure de son digipack, cette rondelle semble plutôt destinée à la classe moyenne afro-américaine d’âge mur. Il n’y est en effet question que de soucis matrimoniaux, des espoirs que suscite la Saint-Valentin, et des remords causés par des relations toxiques ou divergentes. Que ce soit sur le plan des arrangements ou celui des thèmes abordés, ce disque parait voué à raviver le romantisme parmi nombre de couples combattant la routine en s’adonnant à la danse, que celle-ci se montre funky comme sur les irrépressibles “Give It To Me”, “Swimming With The Sharks” et “Rip Off The Bandage” (où les six cordes de McFarlane s’avèrent plus santanesques que nature), ou languide comme sur la supplique “Say You Love Me” (dont Little Milton, O.V. Wright et Otis Clay auraient également su quoi faire). Imprégné d’un feeling gospel, “The Long Road” conclut cet album sur une salutaire note d’accomplissement. Repose en paix, Jim, tu achèves ton parcours sur un winner…
Patrick DALLONGEVILLE
Paris-Move, Illico & BluesBoarder, Blues & Co
PARIS-MOVE, March 22nd 2025
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