DERRICK PROCELL – Hello Mojo!

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Rhythm 'n' Blues
DERRICK PROCELL - Hello Mojo!

Originaire du Milwaukee, Derrick Procell est à la fois chanteur, pianiste, harmoniciste et auteur-compositeur. Désormais relocalisé à Chicago, il fut longtemps le frontman du groupe Arroyo, avant de se résoudre à en interrompre les tournées incessantes pour se concentrer à partir des années 90 sur le travail de studio. C’est dans ce cadre qu’il prêta son timbre de baryton à quantité de spots publicitaires (pour McDonald, Chevrolet, Ford, Kellogg’s, Coca-Cola et une floppée de bières de grande distribution), se consacrant par ailleurs davantage que jamais au songwriting. Maintes de ses compositions ont ainsi vu le jour sur les enregistrements d’artistes tels que Melissa Manchester, Logan Daniels, Shemekia Copeland, Annika Chambers ou les Cashbox Kings. Après un premier album solo, “Why I Choose To Sing The Blues” (dont la promotion le ramena sur les planches, après plus de deux décennies de retrait de la scène), c’est sur le label de Bob Trenchard (basé à El Paso) qu’il confirme désormais son retour en première ligne, sous la houlette de son collègue d’écurie, le grand Zac Harmon, tandis que le producteur de ce dernier (le légendaire Jim Gaines, désormais octogénaire) en a réalisé le mixage depuis son propre studio, dans le Tennessee. Pour ces sessions, Harmon a assemblé un sémillant aréopage de musiciens locaux, et preste également ses six cordes sur trois titres (le boss Trenchard assurant personnellement toutes les parties de basse): le guitariste Johnny McGhee, le claviériste Dan Ferguson, le batteur Richy Puga et une conséquente section de cuivres. Dès le “Skin In The Game” d’ouverture, on saisit le knack qui situe Procell dans la first league du songwriting actuel: sur une trame shuffle rappelant le “Pretzel Logic” de Steely Dan (cuivres ciselés à l’appui), et tandis que les licks de Zac en zèbrent allègrement les interstices, Derrick revisite l’éternelle parabole liant le poker aux jeux amoureux. Si l’on précise que le lascar s’y révèle un vocaliste aussi puissant qu’expressif (que d’aucuns se risquent à situer entre Delbert McClinton et Gregg Allman), on mesure à quel client on a affaire. Avec leur beat chaloupé caractéristique, la plage titulaire et “Baby I’m Lost” nous embarquent vers le Golfe du Mexique (entre Cuba et New-Orleans), offrant aux cuivres plusieurs billets de sortie, tandis que Procell y duettise au piano et à l’harmonica avec le Hammond de Ferguson. Tout en partageant trois des writing credits avec Trenchard (et quatre autres avec Terry Abrahamson), Derrick surprend son monde en reprenant en funky jazz mode le “Who”ll Be The Next In Line” de Ray Davies, qui figurait en B-side du single “Everybody’s Gonna Be Happy” des Kinks en mars 1965. Faut-il rappeler que les Black Keys en firent autant avec “Act Nice And Gentle”, de même que Shemekia Copeland avec “I’m Not Like Everybody Else”? La Steely Dan touch reprend ses droits avec les funky “Broken Promise”, “A Tall Glass Of You”, et “I Can’t Say No” (leurs chœurs mutins et leurs cuivres gaillards, la wah-wah qui cocotte avec  l’harmonica en embuscade sur le premier, le faux air de “Midnight Cruiser” du second avec son typical seventies clavinet, ou encore celui de “Daddy Don’t Live In New-York City” du troisième, solo de sax juteux à la clé), tandis que “Color Of An Angel” et “Bittersweet Memory” adoptent de réconfortants accents gospel soul. Que ce soit pour l’éclectisme et la qualité de ses compositions, ou au regard de ses arrangements et de sa fervente interprétation collective, voici donc un old school record que nous vous recommandons vivement: d’après notre inspecteur Derrick, tout ne serait donc pas encore cliniquement et cyniquement aseptisé.

Patrick Dallongeville
Paris-MoveBlues Magazine, Illico & BluesBoarder

PARIS-MOVE, August 5th 2022

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