Blues, Boogie, Swing |

Selon la double expression consacrée : cela n’aura échappé à personne, ça sent le sapin… Alors qu’il nous avait déjà gratifiés il y a trois ans d’un “Christmas Rain” (sur son album “Still Here”, alors chroniqué ICI), le jeune prodige des 88 touches, Ben Levin, cède à son tour à la vogue périodique du disque de Noël. Mais tout en respectant maintes traditions musicales et patrimoniales, au lieu de nous y rabâcher la sempiternelle litanie de covers éculées en l’occurence, il ne nous en inflige que deux, pour proposer huit originaux de sa propre plume (dont la moitié co-signées avec son paternel Aron, par ailleurs toujours fidèle au poste en tant que guitariste émérite). Et à la différence de la formule Blues Revue courante (où les invités se bousculent à qui mieux-mieux), notre bon Ben a cantonné sa guest-list à quatre noms connus (mais pas des moindres). À commencer par Lil’ Ed Williams (déjà présent il y a deux ans sur le “Take Your Time” de la Levin family, parmi un casting incluant alors d’autres cadors tels que Bob Stroger, Rockin’ Johnny Burgin ou Lil’ Jimmy Reed, et chroniqué ICI), qui preste ses six cordes, son bottleneck et son timbre vocal caractéristiques au “Candy Cane” d’ouverture (dans la veine de ses modèles Elmore James et JB Hutto). De fait, le communiqué de presse nous enseigne que Ben s’est piqué d’enregistrer sporadiquement des Christmas tunes depuis ses tout débuts, ce qui explique la variété des line-ups figurant au générique: outre les pré-cités, on y dénombre ainsi pas moins de deux saxophonistes, trois bassistes et quatre batteurs, respectivement répartis sur cinq sessions distinctes. Ben enchaîne avec le classique “It’s Christmas Time”, dont le grand Charles Brown avait tiré un hit en son temps. Il y double ses parties de piano d’un orgue de circonstance, tandis que daddy Aron fait tinter les clochettes en un solo de guitare cristallin. Retour enfin à l’une des spécialités de notre jeune homme, avec “Elf’s Boogie”, un boogie dans la ligne historique de Kansas City, où les six cordes de papa empruntent pour leur part à T-Bone Walker. Issu du chitlin’ circuit où O.V. Wright, Bobby Rush et Little Milton usinèrent une bonne part de leur carrière, Sonny Hill est un soul crooner auquel sied parfaitement le slow mambo langoureux “Next Christmas”, orné des rimshots de Cole Baker et de la pompe discrète du saxo de Joe Polen. Son auteur Ben s’y fend d’un chorus estampillé 100% cocktail party, et on se dit qu’il aurait pu faire florès sur un de ces paquebots qui proposent des croisières all-inclusive aux bénéficiaires des fonds de pension. Heureusement, son orgue mutin façon Jimmy Smith nous réveille à point nommé, pour un “Christmas Mood” qu’interprète remarquablement la soul-jazz singer Candice Ivory, Le guitariste y est le trop méconnu Takuto Asano, que l’on retrouve aux côtés du saxophoniste Eli Gonzalez sur le réjouissant shuffle “Forgot Mrs. Claus”, rappelant la verve de Wynonie Harris. L’ombre de l’inoubliable Charles Brown surplombe à nouveau l’accablé “Regifted”, que la guitare d’Aron gratifie d’une rythmique élégante et d’un superbe solo concis, tandis que les balais de Baker y prodiguent le swing discrètement posé de rigueur. On pénètre en territoire jazzy avec la valse instrumentale “Skating”, que Ben exécute magistralement au Hammond B3, évoquant avec persuasion les circonvolutions des patineurs sur glace. “Lump Of Coal” figurait dans la même version déjà sur le “Take Your Time” d’il y a deux ans, et ce doublon pénalise hélas les complétistes, même s’il demeure agréable d’y réentendre le vétéran Lil’ Jimmy Reed à la guitare et au chant. Cette collection se clôt sur le second-line beat louisianais du malicieux “SantaCon”, où le véritable Santa Claus se désole de ne croiser que des pseudo-sosies partout où il se trouve! S’il ne constitue sans doute pas son meilleur album à ce jour, celui-ci s’avère peut-être bien son plus varié et enjoué. Merry Christmas everybody!
Patrick DALLONGEVILLE
Paris-Move, Illico & BluesBoarder, Blues & Co
PARIS-MOVE, October 27th 2024
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L’intégralité des chroniques des quatre premiers albums de Ben Levin est toujours disponible ICI, ICI, ICI et ICI