Blues

Des nouvelles du prodige de Cincinatti! Ses 21 piges à peines sonnées, le pianiste et chanteur qui affole les scènes (ainsi que la critique) du monde entier s’est confiné quatre jours en juin dernier (au pic de la pandémie aux U.S.A.) avec son paternel de guitariste et sa section rythmique, dans un studio de Newport. Et ce nouvel album de Ben Levin (son troisième en quatre ans) achève de l’établir au firmament d’une scène blues n’en finissant pas de célébrer son propre patrimoine. Qu’il rende hommage à Henry Gray et Howlin’ Wolf (le délicieux “Stuck”, et “Have You Lost Your Mind?” où son père se fend d’un méchant chorus de guitare), à Ray Charles et Charles Brown (Papercut”, “Time Brings About A Change”, “Too Good For Me” au piano électrique, ou l’instrumental “The Buzzard”, à l’orgue, avec d’autres méchantes lignes des six cordes de daddy Aron), jusqu’à Jay McShann, Roy Brown et Wynonie Harris (la jubilatoire plage titulaire, avec ses chœurs proto doo-wop, et “Hadacol Bounce”), qu’il emprunte à Doc Pomus la touche Brill Building qui fit les beaux jours des Drifters de Ben E. King (en signant ici le bien intitulé “Some Other Time”, que l’on jurerait enregistré au tout début des sixties), ou qu’il ressuscite la folie rumba du regretté Professor Longhair (“Nola Night”), ou adapte encore au Hammond B3 le funky “My Back Scratcher” de Frank Frost, le kid confirme ici de bout en bout ce que sa modestie tente de démentir en vain. La production, pour sobre qu’elle demeure, ne s’en révèle pas moins aussi brillante que lumineuse, comme le requiert le registre choisi. N’écoutez pas les jaloux qui l’accusent de n’être qu’un jeune de plus interprétant une musique de vieux: désormais, Ben Levin n’incarne plus seulement la relève, c’est lui le nouveau patron.

Patrick Dallongeville
Paris-Move, Blues Magazine, Illico & BluesBoarder

PARIS-MOVE, October 5th 2020

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