ANGELA STREHLI – Ace Of Blues

Antone’s records / New West Records
Blues, Soul
ANGELA STREHLI - Ace Of Blues

Il y a 35 ans déjà paraissait sur le label Antone’s le tout premier album d’une artiste qui n’en était pourtant pas à ses débuts: Soul Shake, par Angela Strehli. Native de Lubbock, au Texas (bled de moins de 50.000 âmes à l’époque, d’où était également issu Buddy Holly), elle s’établit à Austin après avoir étudié brièvement au sein d’une art school à Carleton, dans le Minnesota. À la fin de son cycle universitaire, elle y forma son premier groupe, les Fabulous Rockets avec Lewis Codrey, avant de faire ses armes en tant que choriste au sein de James Polk & The Brothers. Deux ans plus tard, elle se joignit à Denny Freeman et W.C. Clark au sein de Southern Feeling, qui allait évoluer ensuite en l’Angela Strehli Band. C’est au cours de cet expérience qu’elle fit la connaissance d’un Gréco-Libanais issu de Port-Arthur, Clifford Antone, avec lequel elle fonda le club éponyme d’où essaima une myriade de bluesmen texans qui secouèrent ensuite les circuits locaux et planétaires (des Fabulous Thunderbirds aux Cobras, et de Mike Morgan & The Crawl à Stevie Ray Vaughan, sans oublier Lou Ann Barton, Marcia Ball et Sarah Brown, avec lesquelles Angela collabora). Bien que n’ayant que relativement peu enregistré en tant que leader (ceci ne constitue que son sixième album solo, en comptant l’autoproduit Live From Rancho Nicasio de 2001), Angela Strehli demeure une figure tutélaire de la scène texane contemporaine (en dépit de son installation à Marin County en Californie, où elle gère un club restaurant avec son mari depuis 1989). Hormis le Blues Broads collectif auquel elle participa il y a dix ans (avec Tracy Nelson, Annie Sampson et Dorothy Morrison), elle n’était plus entrée en studio depuis 2005, et ce nouvel album constitue donc un événement en soi. À quelques jours de son anniversaire (on ne révèle pas l’âge d’une dame, bien qu’elle n’en fasse pas mystère), elle consacre donc ce nouvel opus à célébrer nombre de ses héros musicaux personnels, et ouvre le ban avec le “Two Steps From The Blues” de Bobby ‘Blue’ Bland (dont Southern Feeling ouvrit le show à Austin en 1976), suivi du “Person To Person” d’Elmore James. Les cuivres y pétaradent avec panache, tandis le quatuor que forment le guitariste Mike Schermer, le bassiste Steve Ehrman, le batteur Kevin Hayes et le pianiste-organiste Mike Emerson prodigue l’écrin qui sied au timbre d’Angela (qui, bien que d’une justesse toujours impeccable, n’en semble pas moins être descendu d’un demi-octave). Le funky “Ace Of Spades” de O.V. Wright prend le relais, dans le registre rhythm n’ blues auquel nous a accoutumés Angela depuis “Soul Shake”, suivi du “I Love The Life I Live” de Willie Dixon, dont Angela adopte ici l’arrangement qu’en restitua Muddy Waters (sensiblement différent des versions qu’en rendirent Mose Allison et Georgie Fame). C’est Mark Kazanoff (plus connu en tant que saxophoniste) qui y officie à l’harmonica (son premier instrument, encore adolescent), et le bougre s’y avère étonnamment convaincant dans un registre proche de celui de Junior Wells. Les cuivres sont de retour pour une épatante cover du “You Never Can Tell” de Chuck Berry (dont Tarantino raviva le souvenir sur la B.O. de son “Pulp Fiction”). Johnny Allair, pianiste de tournée avec Van Morrison, y assure avec brio la partie bastringue du regretté Johnnie Johnson, tandis que Bill Gibson (de Huey Lewis & The News) y tient les baguettes sur un drum kit minimal. La version du “Gambler’s Blues” de B.B. King est ici proposée en hommage au non moins regretté Otis Rush (qui l’inscrivit longtemps à son propre répertoire), et les six cordes de Mike Schermer y étincellent méchamment, tandis que ce dernier endosse avec le même talent le rôle de Hubert Sumlin sur le “Howlin’ For My Darling” de Howlin’ Wolf (cheval de bataille scénique d’Angela depuis des lustres). Le “Trying To Live My Life Without You” d’Eugene Frank Williams apparaît dans la pompe soul dont Otis Clay fit le standard que tant d’autres reprirent ensuite (de Bob Seger à Dr. Feelgood), et les choristes féminines et les cuivres y réalisent un job remarquable. Le “Take Out Some Insurance” de Jimmy Reed sied parfaitement au traitement swamp blues dont les Texas bluesmen se firent une spécialité, et c’est Kid Andersen qui y tient la guitare rythmique initiale du grand Eddie Taylor. Retour au soul funk du chitlin’ circuit avec le “More And More” de Little Milton (cuivres rutilants à l’appui), avant le trépidant vintage gospel “I Don’t Mind Dying”, où s’illustre l’ensemble choral Sons Of The Soul Revivers. Transporté par une saine nostalgie, cet album se referme sur le poignant “SRV” qu’Angela écrivit pour son défunt ami Stevie Ray Vaughan (et dont figurait déjà une première version sur son précédent LP, “Blue Highway”). Quand une grande dame repasse les plats pour honorer ses mentors, cela donne un grand disque. Thank you, Miss, we’ve been missing you so…

Patrick Dallongeville
Paris-MoveBlues Magazine, Illico & BluesBoarder

PARIS-MOVE, November 11th 2022

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Angela Strehli défendra cet album sur la scène mythique d’Antone’s les 15 et 16 novembre 2022, avant d’entamer une brêve tournée via Houston, Oakland, Santa Cruz et son fief actuel de Marin County. Happy Birthday!
Adresse: Antone’s, 305 East 5th Street, Austin, TX 78701, USA

Album à commander sur son Bandcamp, ICI