SHEMEKIA COPELAND – Blame It On Eve

Alligator
SHEMEKIA COPELAND - Blame It On Eve

Pour la digne héritière de Johnny Clyde Copeland, on ne change manifestement pas une formule qui gagne. Depuis son retour au sein de l’écurie de Bruce Iglauer (après une brève escapade chez Telarc) et la triplette d’albums consécutifs (“Outskirts Of Love”, “America’s Child” et “Done Come Too Far”, tous chroniqués ICI, ICI et ICI), voici donc son quatrième LP consécutif à être produit par Will Kimbrough (lequel officie aux six cordes sur ses douze titres, ainsi qu’à l’orgue sur trois d’entre eux), et co-signé aux trois quarts par ce dernier avec John Hahn (par ailleurs manager exclusif de notre lady). Si les cameos d’invités célèbres s’y bousculent moins (pas de Buddy Guy ni de Billy Gibbons en vue, cette fois), on ne pourra toutefois manquer d’y signaler les participations respectives de notre Pascal Danae national (de Delgres, sur un titre dont il signe les lyrics), ainsi que des guitaristes Luther Dickinson, Charlie Hunter et Kevin Gordon, ainsi que du lap-steel wizard Jerry Douglas et du steel guitarist DaShawn Hickman. Dès l’ondulatoire mambo titulaire (cuivré du saxophone baryton de Jim Hoke, et ourlé de la slide électrique de Dickinson), cette rondelle se révèle en parfait équilibre entre roots parfaitement assimilées et rocking sound contemporain, comme le confirme derechef ce “Tough Mother” basé sur le riff de l’immarcescible “Boogie Chillun” (toujours avec Dickinson aux manettes). L’évanescente ballade “I Only Miss You All The Time” s’avère une bouleversante supplique à l’endroit d’un amoureux enfui, précédant le rocking “Broken High Heels”, dans la veine Creedence où excellait la regrettée Tina Turner (et dont “Cadillac Blue”, ainsi que le furibard “Is There Anybody Up There?” – chanté en duo avec Alejandro Escovedo – s’avèrent deux autres exemples). C’est vers Jimmy Reed que lorgne le judicieusement intitulé “Wine O’Clock”, traînant son blues aviné comme le faisait l’immense Bessie Smith voici un siècle déjà. Dans l’esprit du Delgres acoustique, “Belle Sorcière” exhale les senteurs créoles qu’évoque son titre, avec l’apport du violoncelle subtil de Cara Fox et le doublage vocal de Pascal Danae en personne. Entre gospel et rockabilly, “Tell The Devil” garantit de faire trémousser les auditoires dans les travées, tandis que Kimbrough y passe à l’orgue d’église et que l’endiablée steel guitar de DaShawn Hickman y boute le feu sur un tempo d’enfer. Le country-blues “Tee Tot Payne” rend hommage à un obscur bluesman des rues, Rufe Payne (disparu en 1950), qui initia un certain Hank Williams, alors encore gamin, aux rudiments de la guitare. Chaque album de Shemekia Copeland comprend au moins une composition de son défunt paternel, et c’est au lancinant “Down On My Bended Knees” qu’incombe ici cette tradition. Avec son riff de guitares à l’unisson et en contrechant, c’est un blues texan cru et brut, dont Shemekia confirme son indéniable légitimité à perpétuer la flamme. Repris en son temps par Ray Charles et Stevie Wonder, le standard gospel soul “Heaven Help Us All” conclut en beauté le nouvel opus de cette égérie du blues actuel. Cousu main et sur mesure, il relève cette fois encore de la haute couture.

Patrick DALLONGEVILLE
Paris-Move, Illico & BluesBoarder, Blues & Co

PARIS-MOVE, August 26th 2024

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