PEDRO BACÀN & Le Clan Des Pinini – Remate

PeeWee! / Socadisc
Flamenco
Pinini

Autant l’énoncer d’emblée: si vous ne connaissez du flamenco que les Gipsy Kings (voire le “Spanish Caravan” des Doors), vous n’effleurez même pas la partie émergente de l’iceberg (si l’on peut toutefois désigner ainsi cette musique, aussi enflammée qu’incandescente). Car, comme le blues ou tant d’autres courants d’origine vernaculaire, le flamenco ne signifie rien si l’on ne parvient pas à le situer dans son contexte originel. C’est pourquoi, aussi virtuoses que l’on puisse les considérer sur le plan technique (de même que sur celui de l’expression), des figures médiatiques telles que Manitas de Plata ou Paco de Lucia ne peuvent restituer l’intégrité d’un art touchant autant à l’intime qu’au mystique, dès lors qu’on l’extrait artificiellement de son terreau. Issus d’une longue lignée d’artisans bouchers au village andalou de Lebrija, les Pinini n’ont pratiqué, des décennies durant, l’art du “cante jondo” (littéralement, le chant profond) qu’au sein de leur stricte communauté. Il ne s’agissait alors ni d’un folklore, ni même d’un art revendiqué en tant que tel, mais d’un souffle, d’une ferveur, dont se saisissaient les familles pour célébrer et exalter leurs liens les plus personnels. Issu de ce clan (tout comme sa sœur, la chanteuse de fandango Inès Bacàn) et cousin du chanteur Juan Peña “El Lebrijano” (pionnier du mariage entre flamenco et musique andalouse du Maghreb), Pedro Bacàn fut considéré comme l’un des apôtres les plus authentiques et enracinés de ces courants. À la fois perpétuateur scrupuleux, théoricien érudit et visionnaire, il débuta en accompagnant une multitude d’artistes sur scène comme en studio (enregistrant à leurs côtés une quarantaine d’albums), avant de se lancer dans une carrière solo. Si un malencontreux accident de la route n’avait interrompu début 1997 sa consécration déjà largement engagée (il n’avait que 46 ans), il se serait probablement hissé au pinacle d’un genre alors en pleine renaissance.  Capté en mai 1996 à la MC93 de Bobigny, ce live recueillit lors de sa parution le Grand Prix de l’Académie Charles Cros. Le label PeeWee! et le Studio Sextan en proposent une luxueuse réédition, sous la forme d’un double CD-livre cartonné, avec en bonus deux plages musicales inédites, issues pour l’une de la même même série de concerts, et pour l’autre de la même tournée, à Châteauroux en novembre de la même année (assorties de deux interviews sonores de l’artiste). L’édition limitée et de luxe se compose de l’album original remasterisé, “Pedro Bacán et le clan des Pinini – live à Bobigny”, et d’un nouvel album inédit consacré à Bacán en solo. Une somptueuse série de photographies en noir et blanc ouvre un livret de 84 pages (les mots et les réflexions de l’artiste, une entrevue, et un texte signé de Pedro G. Romero, grand connaisseur du champ de la production esthétique du flamenco). En espagnol, matar se traduit par “tuer“, mais “Remate” sonne plutôt ici comme une résurrection. Bienvenido a la casa gitana¡

Patrick Dallongeville
Paris-MoveBlues Magazine, Illico & BluesBoarder

PARIS-MOVE, November 26th 2022

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