JEREMIE ALBINO – Our Time In The Sun

Easy Eye Sound
Soul blues
JEREMIE ALBINO - Our Time In The Sun

Quand on mentionne auprès de l’amateur de rock moyen la simple notion de blue-eyed soul, il y a peu de chances que ce terme dépasse dans son esprit quelques noms mainstream (et anglais) tels que Paul Young, Robert Palmer, Simply Red ou Paul Weller. C’est toutefois méconnaître gravement les fondements d’un courant qui nous offrit, voici quelques calendes déjà, des artistes de la trempe des Righteous Brothers, Bobbie Gentry, Leon Russell ou Delaney & Bonnie, car sous la Bible Belt pourtant réputée ségrégationniste (là où l’on dirait le Sud, pour paraphraser Nino Ferrer), les racines communes transcendent souvent la dichotomie raciale, et maints musiciens Blancs ont de tout temps frayé (pour le meilleur) avec ces fondamentaux qu’y demeurent le blues moite, le gospel transi et une certaine country alanguie. Parangons de cette recette infaillible, les légendaires studios Muscle Shoals et Capricorn disposaient ainsi de requins dûment appointés (que les locaux surnommaient les Swampers), parmi lesquels la section rythmique que constituaient alors David Hood et Roger Hawkins, ainsi que des claviéristes comme Barry Beckett et des guitaristes tels que Jimmy Johnson, Duane Allman et Eddie Hinton contribuèrent à maintes productions de leur époque (de Wilson Pickett à Aretha Franklin, en passant par Dr. John, Johnny Jenkins et Boz Scaggs). Et on prétendra ce que l’on veut, mais en matière de musiques confédérées, le ci-devant Dan Auerbach connaît assurément son bréviaire sur le bout des onglets. Après avoir récemment produit Robert Finley (à la récidive), Nat Myers, Jon Muq, Britti, Shannon & The Clams et Hermanos Guitérrez, ce dernier jette à présent son dévolu sur un jeune guitariste et songwriter canadien originaire de Toronto, déjà auteur de deux albums depuis 2019 (ainsi que d’un troisième en duo avec Cat Clyde). Comme de coutume, ce bon vieux Dan met les doigts dans la sauce en co-signant l’intégralité de ces douze titres (captés dans ses propres studios à Nashville), et en orchestrant lui-même le casting de zicos à la manœuvre (parmi lesquels on distingue à profit l’immense bassiste et guitariste Thomas Brenneck, pilier du label Daptone et ex-bras droit de la regrettée Sharon Jones, ainsi que le claviériste Mike Rojas, présent sur les récents albums de Chris “BadNews” Barnes, Hermanos Guitérrez et Jon Muq (chroniqués ICI, ICI et ICI) et l’impressionnant batteur Malcolm Catto). Le moins que l’on puisse en dire, c’est que ça le fait vraiment, et que de hoodoo swamp funks poisseux à la Tony Joe White (dont Auerbach produisit en 2021 le posthume “Smoke From The Chimney” chroniqué ICI) tels que “Rolling Down The 405”, “Struggling With The Bottle” ou “Dinner Bell”, en soul grand teint (“Give It To Me One More Time”, la plage titulaire, “Baby Ain’t It Cold Outside”, “Since I’ve Been Knowing You” et “Gimme Some”, avec cette combinaison orgue-piano à laquelle seuls les véritables cadors peuvent se risquer sans verser dans le ridicule), en passant par le proto-vintage blue beat (“I Don’t Mind Waiting”, “Hold Me Tight”) et l’americana lascive (“So Many Ways To Say I Love You”, “Let Me Lay My Head”), Albino et Auerbach nous déballent le grand jeu. Quand l’auditeur lambda ne parvient pas à discerner s’il entend du rhythm n’ blues, du folk ou de la country, il y a de fortes probabilités qu’il s’agisse pour de bon de southern soul. Faîtes le test: l’essayer, c’est l’adopter.

Patrick DALLONGEVILLE
Paris-Move, Illico & BluesBoarder, Blues & Co

PARIS-MOVE, December 3rd 2024

Follow PARIS-MOVE on X

::::::::::::::::::::::::::