Chanson rock |

Ça fait un moment qu’on le suit, le ci-devant Éric Frasiak (chroniques ICI, ICI, ICI, ICI et ICI). Et comme il en est fan déclaré autant qu’éperdu, après “Mon Béranger” en 2014 et “Mon Béranger 2” en 2020, il fallait bien qu’il finisse par récidiver… Voici donc “Mon Béranger 3”, proposant quinze nouvelles relectures du si riche répertoire du regretté Père François. Avec déjà douze albums au compteur en 22 ans (dont trois live), Éric persiste donc à perpétuer également cet héritage. S’ouvrant sur “Difficile À Dire” (initialement paru en 1978 sur “Participe Présent”), ce nouveau florilège se poursuit par les plus que jamais d’actualité “Combien ça Coûte ?” et “Ma Fleur” (“réprimez moi si vous voulez, vous êtes les plus forts, mais tous vous êtes morts, et je vous emmerde”: à part chez Siné et Charlie, difficile d’exprimer mieux son esprit libertaire, non?). Défilent ainsi la plupart des thèmes de prédilection de Béranger, depuis le colonialisme cynique et raciste qui saigna le Tiers-Monde à blanc (“Mamadou M’A Dit”) jusqu’à l’indifférence criminelle des nations dites développées envers la misère qu’elles répandent, dans leur course aveugle à la croissance non partagée (“Dure Mère”, de 1989). Cependant, par-delà les angoisses et hauts-le-cœur que lui inspirait son époque (qui annonçait bien la nôtre: “Joue Pas Avec Mes Nerfs”, “Qui Est Responsable?”, “Avril 78″…), Béranger savait aussi se montrer émouvant (“Le Téléphone, “Ça Doit Être Bien”, “Tous Ces Milliers De Kilomètres”) et facétieux à la manière d’un Vian ou d’un Dutronc (“Twist Des Clés”), mais surtout colporteur d’espoir (“Évidence”, “Aux Exclus”). Ses mots résonnent en tout cas avec plus d’acuité que jamais par les temps troublés et effrayants que nous traversons. Outre sa méritoire fidélité aux arrangements originels, il faut souligner la richesse de l’instrumentation qui préside ici en majesté (la guitare électrique d’Éric parvenant même à y tutoyer souvent celle du lieutenant de Béranger, Jean-Pierre Alarcen), tandis que les claviers en tout point remarquables de Benoît Dangien n’ont guère à envier à ceux de Georges Rodi en son temps, et que la pedal-steel de Jean-Yves Lozac’h et la basse (ainsi que les cuivres) de Philippe Gonnand enluminent ce panorama. Merci donc, Frasiak, de continuer à faire vivre avec pareil brio un tel patrimoine. Passez le mot autour de vous: ni la résignation, ni la soumission ne sont inéluctables, et l’on se prend à subodorer où les parents de François Ruffin sont allés pêcher son prénom…
Patrick DALLONGEVILLE
Paris-Move, Illico & BluesBoarder, Blues & Co
PARIS-MOVE, February 21st 2025
Follow PARIS-MOVE on X
::::::::::::::::::::::::::
Notule à destination des néophytes: né en 1937 et disparu en 2003, François Béranger fut, du début des années 70 jusqu’à celui du millénaire actuel, l’un des artisans les plus saillants du renouveau de la chanson française libertaire et engagée, dans la ligne d’artistes telles que Colette Magny et Catherine Ribeiro. Un certain Renaud Séchan lui emprunta d’ailleurs beaucoup à ses débuts, et outre Éric Frasiak, HF Thiéfaine et Sanseverino ne manquent jamais non plus de lui rendre hommage ni de célébrer sa mémoire (cf. “The Beber Project” de ce dernier en 2018).