Frasiak – Parlons-nous

(Crocodile Productions)
Rock
Fils spirituel de Leo Ferré dont il reprend ici ‘Vingt ans’, Frasiak est un mélange de Dylan crasseux et de Leonard Cohen déjanté qui auraient fréquenté Pierre Vassiliu et Georges Brassens pour leur parler vrai en français. Cette ‘French touch’ qui fait de tous les thèmes abordés par Frasiak de superbes Polaroïd de notre société et qui donnent à sourire, même quand le mec appuie là où c’est vrai.
 
Prenez la première chanson, tout simplement, ‘T’étais pas né’, dans lequel Frasiak vous jette à la tronche votre réalité d’aujourd’hui, avec vos relations virtuelles et immatérielles, tandis que la notre, les amis, y’a bien des années, elle était… Allez, vas-y, Frasiak, chante-leur notre époque à nous:
 
Nos vies c’étaient un p’tit peu l’souk,
On les mettait pas sur Facebook
…/…
Quand on trouvait une fille potable
Pas d’SMS sur son portable
…/…
On n’chattait pas sur des forums
Avec des pseudo à la gomme
…/…
Les mots d’amour dans les modem
Ca n’remplace pas les vrais je t’aime
 
Et comme il vous le dit, le Frasiak: Va voir dehors, c’est la vraie vie. Une vie qui vous tend les bras et que vous négligez, préférant passer tout votre temps sur vos réseaux sociaux.
C’est pour cela que cette chanson devrait passer en boucle sur toutes les radios, pour que revienne ce temps où les gens se disaient ‘bonjour’ en se croisant dans le métro, ce temps où les voisins se retrouvaient au bistrot du coin, où les jeunes musiciens jouaient dans les MJC, portaient des pattes d’eph et grimpaient sur des mobs. Ce temps où l’on avait vingt ans, comme le chantait Ferré.
 
‘Vingt ans’, une chanson de Ferré qui est la seule reprise sur cet album, les quatorze autres titres étant tous signés Frasiak. A l’instar de son mentor, Frasiak nous hurle des vérités, ce qui le révolte et ses espoirs, aussi, tout comme ses cris du cœur, comme ce ‘Parlons-nous’ dans lequel le rythme rock et la guitare électrique font ressentir encore plus cette urgence de se parler.
 
Acide quand il le faut en utilisant les mots qu’il faut, Frasiak vous chante ce qu’il vomit, comme cette ‘Edvige’ qui ‘pige’ sa vie, ou ce monde de la Jet Set (‘Le Tango de la Jet Set’), mais il vous ouvre également son cœur sans retenue lorsqu’il est touché, comme par l’élection d’Obama qu’il relie à sa manière à Martin Luther King au travers de sa chanson ‘Le rêve de MLK’.
 
Le talent de Frasiak est de vous offrir des chansons que vous allez fredonner et qui resteront dans un coin de votre tête, à la manière de grands standards de la chanson française. Il faudrait un rien, un quasi presque rien pour que des chansons comme ‘Parlons-nous’, ‘Merci d’être là’ ou ‘L’air Bleu’ fassent partie à leur tour du patrimoine de la chanson française à texte. Un presque rien qui s’appelle succès. Un succès que le garçon mérite amplement et que le public peut, et doit lui offrir, même si ses chansons sont boudées par les radios.
 
Grand moment d’émotion également avec cette chanson dédiée à Francois Béranger et à laquelle Frasiak a donné comme titre le nom du chanteur. Une chanson qui fera regretter d’autant plus l’oubli qui pèse sur cet artiste qui savait mettre en chansons ses cris de colère. De quoi inciter des générations à foutre le bordel dans les radios pour qu’enfin passent les vraies chansons tandis que pour les autres, hé bien, y’a Facebook et des songs compressés MP3. Saleté d’époque, aurait dit Ferré.
 
Un Ferré auquel Frasiak rend un hommage appuyé en interprétant ‘Vingt ans’, une chanson qui date de 1961et qui pourtant reste toujours d’actualité. Une chanson qui restera éternellement présente et qui, à chaque fois, s’adressera à tous ceux qui auront toujours vingt ans, jusqu’à la fin des temps, car ‘pour tout bagage on a vingt ans, …/… pour tout bagage on a sa gueule…’ et la gueule de Ferré nous reste là, plantée au cœur. Une gueule qui nous manque, contre laquelle on gueule aussi, lui disant que jamais il n’aurait du partir, ce Ferré là. Un Ferré qui revit au travers de Frasiak car Ferré, comme Frasiak, auront toujours vingt ans.
 
Et comme dernier bagage, Frasiak vous pose comme dernier titre ‘Je sais tout ça’, une chanson à laquelle on voudrait dire zut tant le mec nous a serré les tripes avec ses vingt ans.
 
Un très bel album qui touche à l’excellence, et qui aura toujours vingt ans.
Un album indispensable, comme mes vingt ans.
 
Frankie Bluesy Pfeiffer
 
Frasiak