BRUCE COCKBURN – O Sun O Moon

True North
Americana
BRUCE COCKBURN - O Sun O Moon

Alors qu’il s’apprête à entamer sa 79éme année (dans moins de trois semaines), l’auteur-compositeur et activiste canadien Bruce Cockburn délivre sans sourciller son 38ème album à ce jour. Considéré de longue date comme “le songwriter des songwriters”, nombre de ses chansons furent reprises par ses pairs, au rang desquels figurent Judy Collins, k.d. Lang, Jimmy Buffett, Chet Atkins, Tom Rush, Dan Fogelberg, Leo Sayer ou encore Jerry Garcia. Enregistré à Nashville sous l’égide de son producteur et ami Colin Linden, cet opus présente, outre la guitare de ce dernier, quelques autres usual suspects tels que le subtil batteur Gary Craig (dont on peut également apprécier la patte sur les récentes productions de Harrison Kennedy, Matt Patershuk, Steve Dawson ou encore Suzie Vinnick). Dès le “On A Roll” d’ouverture, cette équipe plante un décor sonore réminiscent de ce mix folk-blues-country ombrageux, dont des Maîtres tels que J.J. Cale et Ry Cooder établirent les fondations de ce que d’aucuns baptisèrent l’Americana. Conscient que le crépuscule de son existence se profile à l’horizon, Bruce décline ce thème de multiples façons au fil de ces 12 plages, mais en bon croyant qu’il demeure, il ne se dépare jamais d’une poignante sérénité en la matière. “On A Roll” célèbre ainsi avec une certaine auto-dérision son obstination à aller de l’avant face à l’inéluctabilité de son propre déclin. Cet humaniste convaincu n’en questionne pas moins sa foi en la fraternité sur “Orders”, au regard des multiples vanités, faiblesses et perversions que présentent ses semblables (dont il ne s’exclut en rien pour autant). L’amour se teinte d’un fatalisme serein sur le soft swing “Push Come To Shove” (illuminé d’un splendide solo de violon de Jerry Scheinman), tandis que “Colin Went Down To The Water” commente le caractère particulièrement inopiné de certaines disparitions (et Bruce tient à préciser qu’il ne s’agit nullement de celle de Linden). Avec l’accordéon de Jeff Taylor ainsi que la mandoline et les chœurs de Sarah Janosz, le three steps “Into The Now” prend les accents Tex-Mex cantina du Dylan de “Pat Garrett & Billy The Kid”. Scheinman double ses parties de violons pour offrir une majestueuse section de cordes au bouleversant “Us All”, que Craig scande placidement d’un discret glockenspiel, et cette supplique à la persistance de l’amour (par delà les souffrances que nous nous infligeons les uns les autres) s’avère l’un des indiscutables sommets de cette collection : un instant classic, indeed. Dans la veine countrysante des Kinks de l’immémorial “Muswell Hillbillies” (voire de Lindisfarne), “To Keep The World We Know” est un call-to-arms écologiste, au regard des conséquences déjà tangibles du réchauffement climatique. Quasi-pastiche du Tom Waits de “Mule Variations”, “King Of The Bolero”, est un saisissant lounge-swing noir poetry number où le timbre vocal de Cockburn se love dans une section de cuivres et un bandonéon à la Piazzola, sur tapis mouvant de balais et de contrebasse – un autre pic saillant et manifeste. Cousin musical du “Blackbird” de McCartney, le dévôt “When The Spirit Walks In The Room” est une profession de foi sincère sur trame folk, rehaussée du violon de Scheinman et de l’orgue Hammond B3 de Janice Powers, précédant l’instrumental aérien “Haiku” (où l’on peut mesurer que l’arthrose n’a pas encore affecté les phalanges du patron). La plage titulaire est un peu le “Knocking On Heaven’s Door” de Bruce: un lent gospel sépulcral, au fil duquel l’auteur s’en remet avec confiance et placidité au Créateur pour son ultime voyage. Gageons que cette plage connaîtra un certain succès lors de maintes funérailles à venir, mais le “When You Arrive” conclusif (avec ses saillies “tu boîtes comme un chien à trois pattes, et tes vertèbres grincent comme un godillot usé”) referme ce disque sur un ironique clin d’œil cabaret, évoquant à nouveau les débuts vaudevillesques du jeune Tom Waits. Un album plein de vitalité, d’humour et de sagacité, serti dans un écrin musical de premier ordre!

Patrick DALLONGEVILLE
Paris-MoveBlues Magazine, Illico & BluesBoarder

PARIS-MOVE, May 9th 2023

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