Rock |

N’en déplaise aux Bee Gees, Boston ne se réduit pas à la capitale du Massachussetts. Depuis près de soixante ans, ce port de la côte Nord-Est des États-Unis demeure en effet l’un des points névralgiques des musiques actuelles sur ce continent. Qu’il s’agisse de gloires locales exportées à l’international (Aerosmith, le J.Geils Band ou The Cars) ou de figures légendaires (bien que réservées à une chapelle de zélateurs pointus) telles que les Remains, les Modern Lovers de Jonathan Richman, The Real Kids, DMZ ou Willie Loco Alexander, cette agglomération fut le creuset de scènes parfois aussi confidentielles que paradoxalement essentielles. Il suffit de se remémorer que de son vivant, le Velvet Underground (dont l’Amérique entière se contrefichait allègrement) y détenait son rond de serviette au sein de la mythique Boston Tea Party (où les Byrds, bien qu’originaires de la côte opposée, avaient également établi l’une de leurs bases avancées), et que de Ronnie Earl à Monster Mike Welch, la scène blues y est aussi toujours demeurée vivace. Plus sophistiquée que L.A. ou Frisco, moins turgescente que Detroit et bien moins déviante que New-York, cette cité financière et universitaire présentait alors davantage de dénominateurs communs avec notre bonne vieille Europe qu’avec les bouseux du Mid-West et les freaks californiens. Il n’est dès lors guère étonnant qu’à l’ère où des étudiants en art et quelques authentiques délinquants juvéniles (de Television et Talking Heads jusqu’aux Ramones) entreprenaient de reprendre le flambeau vacillant des New-York Dolls, ce furent surtout des lycéens en rupture de ban(c) qui lancèrent depuis Boston leur propre version du back to basics bientôt prôné par la blank generation. En ce mitan pivot des seventies, tandis que l’Angleterre ensemençait de son côté le terreau du punk en réactivant une certaine urgence et une salutaire simplicité avec l’émergence du pub-rock, Boston voyait pour sa part éclore un circuit court de lieux et clubs dont la modestie était compensée par une débrouillardise de chaque instant. Pour cocooner des impétrants tels que les Real Kids (fondés par un John Felice récemment affranchi des Modern Lovers), la cantine Cantone’s (au dessus de laquelle le groupe répétait), mais aussi le Lizard Lounge, le Club 47 et le Rat constituaient la pépinière d’où éclôt un mouvement dont l’excellent Philippe Garnier rendait alors compte chez nous dans Rock&Folk. Auteur de la bible “The Sound Of Our Town: A History Of Boston Rock & Roll”, Brett Milano en fut le témoin assidu, et c’est à lui que Rhino eut la riche idée de confier l’assemblage de cette compilation. Outre les inénarrables Real Kids (avec l’un des fleurons de leur premier album, paru en 1977 sur Red Star, label de Marty Thau qui cornaquait alors aussi les Fleshtones), défilent ici 18 autres combos, dont les plus célèbres s’avèrent les Lyres, The Cars (avec David Robinson, autre ex-Modern Lovers), Willie Loco Alexander et les Del Fuegos. Du reste des inconnus au bataillon se détachent La Peste, trio au batteur keithmoonesque pratiquant le grand écart entre le Hawkwind de “Silver Machine” et les Ramones, ainsi que les désopilants Unnatural Axe (“They Saved Hitlers Brain”), The Neighbourhoods (avec un “No Place Like Home” manifestement influencé par Stiff Little Fingers), Human Sexual Response avec le power pop “Jackie Onassis” et les Nervous Eaters qui accomplissent ici l’exploit improbable d’un mash-up entre “White Light, White Heat” et les Beach Boys (!). On ne peut non plus passer sous silence Mission Of Burma, dont le “That’s When I Reach For My Revolver” affiche de troublantes similitudes avec le Jam d'”All Mod Cons”, les Classic Ruins (avec l’ancien Real Kids Billy Borgioli), ainsi que The Neats (dont le “6” à l’orgue obsédant s’approche des Doors des tout débuts – et donc aussi des premiers Stranglers), les Del Fuegos, dont le “I Always Call Her Back” évoque les Unknowns de Bruce Joyner, voire les juvéniles Outlets, pour leur “Knock Me Down” réminiscent des Buzzcocks. Sorte d’équivalent des fameuses “Pebbles” et autres “Nuggets” de la décennie précédente, cette collection est le neuvième (et dernier) volet de la série “DIY”, dont chaque volume était dédié à une scène spécifique et représentative des nouvelles esthétiques rock à l’œuvre dans la seconde moitié des années 70. Jamais rééditée depuis plus de trente ans, celle-ci est encore disponible à des tarifs exubérants chez ces escrocs d’Amazon, mais heureusement beaucoup plus abordables chez Discogs. On se magne, il n’y en aura sans doute pas pour tout le monde …
PS : Huge thanks to our friend Bobbo Byrnes for his helpful advice!
Patrick DALLONGEVILLE
Paris-Move, Illico & BluesBoarder, Blues & Co
PARIS-MOVE, July 20th 2024
Follow PARIS-MOVE on X
::::::::::::::::::::::::::
John Felice – Interview: here (December 24, 2016)
extrait: “We started playing in ’74. And in ’75 the gigs at the Rat were four nights in a row, Thursday through Sunday. Friday and Saturday you could get a lot of people in there. Then we started playing places that were further out, like the North Shore where Billy Borgioli and Alpo were from, from that we got a lot of fans in New Hampshire. And a lot of those fans would come down to Boston to see us play. And the scene was getting big. Every year it was bigger and bigger. And then the day I walked into Cantone’s everything changed.”
Margaret Kramer – About Cantone’s: here
extrait: “Ground zero was a small, dank club, Cantone’s, which served as a cheap Italian restaurant by day and a music club at night. It was sandwiched between two empty buildings and was a good fifteen-minute walk from public transportation.” …”The place was tiny, utilitarian, packed, dark, with a forbidden aura. Everyone smoked in clubs in those days. Leather garb, ripped jeans, combat boots, sunglasses, dog collars. Sneering, heavily made up bleached blondes and pale indifferent-looking guys in rolled up sleeve suit jackets and high-top sneakers. We squeezed into a red-vinyl padded booth, and Vicky immediately ordered a Long Island iced tea. I had no idea what was in that; I had a Kahlúa Sombrero, like the coffee-milk I was used to at home. That’s all I knew about alcoholic drinks, besides swigs of my dad’s beer.”