MATTHIEU MARTHOURET HOMELAND(S) – Lori

We See Music Records / Back Distribution
World Jazz
HOMELAND(S) MATTHIEU MARTHOURET - Lori

Bien que paru l’an dernier (et alors dûment chroniqué en anglais ICI par notre vénéré rédac’ chef), la moiteur de l’été nous incite à revenir sur ce sixième album du pianiste Matthieu Marthouret (également organiste au sein du quartet Springbok, et dont les deux précédents efforts furent aussi chroniqués ICI et ICI). Inspiré par les sonorités du tabla et par les rythmiques et mélodies de la musique traditionnelle indienne, ce dernier a imaginé ce projet musical hybride, aux confins du jazz et de la tradition hindustani. Nommé artiste de l’année 2022 dans la catégorie claviers par les rédactions de Jazz News et Jazz Magazine, Matthieu a eu l’occasion de collaborer avec Serge Lazarevitch, Toine Thys, Nicolas Kummert, David Prez, Sandro Zerafa, Romain Pilon, Gautier Garrigue, Philippe Soirat, Sophie Alour, David Sauzay, François Chassagnite, Pierre Drevet, Samy Thiebault et David Reinhardt. Il s’entoure pour cet enregistrement de deux autres musiciens hors pair, en les personnes du guitariste Loïc Réchard et du vocaliste et joueur de tabla indien Mosin Kawa. Résidant parisien depuis plus de dix ans, ce dernier a collaboré avec des artistes comme David Murray, Bernard Lubat, Hocus Pocus, Vincent Segal, Omar Sosa, Magik Malik, Paolo Fresu et André Manoukian. Quant à Loïc, formé auprès de l’American School Of Modern Music, il a côtoyé George Brown, Christian Escoudé, Michel Zenino, Philip Catherine, Eric Le Lann, Baptiste Trotigon, Gaël Horellou et Philippe Garcia, tout en co-fondant les groupes No Logo et Tabasco. Ensemble, ces trois comparses proposent huit compositions originales (dont la moitié signée par Matthieu seul, tandis que ce dernier en co-signe trois avec Mosin Kawa, et Loïc Réchard une autre), dont les inspirations croisées s’illustrent dès le “Zamin” d’ouverture. Oscillant entre jazz et brazilian music, cette samba rythmée par les tablas de Mosin offre à Matthieu et Loïc une première piste d’envol, tout à tour romantique et dansante. Introduit par le chant proche de l’appel du muezzin qu’y module Kawa, “Bathi” (signé Réchard) se développe selon une modalité et des rythmes empruntés à la musique modale éthiopienne, tandis que Mosin y scande un scat vernaculaire. C’est en hommage à ce dernier que Matthieu a écrit ce “Mo’s Blues” entre Erroll Garner et Oscar Peterson, à nouveau traversé d’un impressionnant solo de tabla scandé de scat. Après cette démonstration rythmique effrénée, le contemplatif “Moving Hopes” propose de languides sonorités latino-tropicales, où la guitare fluide de Loïc et les ivoires ludiques de Matthieu s’ébrouent avec une tranquille virtuosité sur le tapis rythmique qu’y tisse Mosin avec brio. Basé sur le raga indien éponyme, “Hindol” est un tour de force au cours duquel les instruments respectifs de Loïc et Matthieu se répondent dans une course folle dont les tablas de Kawa dessinent le parcours. Concernant le piano, on ne peut s’empêcher d’y songer à Chick Corea au zénith de ses capacités, tandis que “Moonlight” (où la guitare offre un contrepoint judicieux au clavier) se revendique collégialement de Debussy, Wayne Shorter et Larry Young. À nouveau introduit par la mélopée vocale de Mosin, “Elle Baag” (qui se scinde en deux parties) se poursuit sur un irrésistible latino beat où Matthieu se taille la part du lion, avant que la plage titulaire ne ferme le ban sur un mode méditatif. “Lori” se traduit en effet en hindi par “berceuse”, mais désigne aussi un oiseau de l’Océanie. C’est surtout une confondante démonstration de ce que le terme world-jazz comporte d’ouverture et d’universalité. À un an de distance, on ne peut donc que corroborer le verdict de Frankie Pfeiffer à son encontre: ça y en a effectivement un grand album, d’une indéniable singularité… Régalez vous, si ce n’est déjà fait!

Patrick DALLONGEVILLE
Paris-Move, Illico & BluesBoarder, Blues & Co

PARIS-MOVE, August 11th 2025

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