Southern blues-rock |
Pile un an après la sortie du dernier album en date de son groupe (chroniqué ICI), le leader de Gov’t Mule publie donc son premier album solo depuis dix ans (le précédent fut également chroniqué ICI). Entre-temps, les trois ultimes figures historiques de la légendaire formation sudiste au sein de laquelle il s’était révélé (Butch Trucks, Gregg Allman et enfin, cette année, Dickey Betts) ont passé l’arme à gauche, mais leurs héritiers caracolent encore (Derek Trucks à la tête de son band marital, et deux des rejetons de Betts et Allman au sein du bien nommé Allman-Betts Band). On pourrait ajouter à cette funèbre liste la récente disparition de Gary Rossington (dernier survivant en lice de Lynyrd Skynyrd), mais nous ne sommes pas la rubrique funéraire, et cet album célèbre plutôt l’espoir et la résilience que le deuil. Pour témoigner de sa fidélité à cette lignée historique, Warren invite le dit Derek à l’épauler sur le “These Changes” d’ouverture, où l’organiste John Medeski se fend d’un superbe chorus, tandis que le bassiste Andy Hess, et une section de cuivres complètent ce line-up. Inutile de préciser que les guitares y rivalisent de lyrisme, évoquant sans complexe leur matrice originelle. Soutenu par Kevin Scott (bassiste actuel de la Mule) et Terence Higgins (batteur du Dirty Dozen Brass Band), “Go Down Swinging” mérite bien son titre, par la grâce des cuivres et de l’orgue qui le propulsent. Revenu au strict quartet, le churchy blues “You Ain’t Above Me” confirme quel grand guitariste (et chanteur) demeure Warren en pareil registre, et avec le solo d’orgue de Medeski, le spectre de l’ABB y plane à nouveau de façon palpable, de même qu’au fil du smooth dancing “This Life As We Know it”. “Day Of Reckoning” accueille Lukas Nelson et Jamey Johnson (de Promise Of The Real, l’un des backing bands actuels de Neil Young). Ses lyrics (dont est tiré le titre de l’album) résonnent comme un manifeste contre-intuitif, si l’on se réfère aux résultats navrants des récentes élections US, mais sur le plan musical stricto-sensu, l’héritage de CSNY y demeure patent. Derek Trucks rejoint son ex-complice à la slide pour “Real Real Love”, émouvante composition que ce dernier co-signe avec le regretté Gregg Allman. et qui culmine en chant choral avec Saundra Williams sur tapis cuivré. L’éclectisme de la Mule s’exprime avec les funky “Lies Lies Lies>Monkey Dance>Lies Lies Lies” et “Terrified”, tours de force rythmiques tous cocottes, clavinet et orgue dehors, traversés néanmoins de ponts typiquement early-Allman. Dans l’esprit du “Blue Sky” de “Eat A Peach”, “From Here On Out” continue d’en perpétuer la tradition, et grâce à la combinaison des claviers et des cuivres, on y décèle également une parenté avec les Van Morrison et Little Feat de la même période. Veine que confirment le poignant “Till The Sun Comes Shining Through” (supplique d’un amant dévoué envers une dulcinée en désarroi) et “Hall Of Future Saints” (de nouveau avec Derek). Le bonus album de quatre titres s’ouvre sur “Baby’s On The Move” où la guitare se fend de licks lumineux, avant que “Smooth Sailing” n’embraye sur un riff stonien en diable, et que Warren ne s’y octroie un solo de slide assaisonné à la wah-wah. Introduite par une citation du “Find The Cost Of Freedom” de Stephen Stills (qui concluait a capella le “Four Way Street” des American Fab Four), la reprise de “Day Of Reckoning” bénéficie à nouveau de la participation de Lukas Nelson et Jamey Johnson. Dans la veine agreste de l’Allman Brothers Band circa “Melissa”, le sensible “Back Where I Started” conclut la version Deluxe de cet album sur de superbes parties de slide acoustique. En fidèle apôtre d’un legs sudiste (mais éclairé), Warren Haynes confirme qu’il est bien davantage qu’un guitar shredder de plus, mais avant tout un artiste sincère, habité par une vision.
Patrick DALLONGEVILLE
Paris-Move, Illico & BluesBoarder, Blues & Co
PARIS-MOVE, November 10th 2024
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