GOV’T MULE – Peace… Like A River

Fantasy / Concord Label Group / Universal
Southern blues-rock
GOV'T MULE - Peace… Like A River

Fondé voici presque trente ans déjà par deux dissidents de la galaxie Allman Brothers (le bassiste Allen Woody et le guitariste Warren Haynes, d’abord sous la forme d’un power trio avec le batteur Matt Abst), Gov’t Mule (devenu quatuor, avec l’adjonction du claviériste Danny Louis après le décès de Woody) s’est imposé, après les précités et le Grateful Dead, comme l’un des jam bands les plus en vue de son temps, aux côtés de Phish et Primus. À la tête d’une trentaine d’albums (dont pas moins de huit live officiels), la formation perpétue cet esprit d’aventure et de liberté qui primait à l’orée des seventies, privilégiant l’improvisation et méprisant les barrières artificiellement dressées entre les genres. Tour à tour (et parfois même à la fois) blues, rock, soul, jazz, folk, country et reggae, Gov’t Mule se caractérise avant tout par cet ancrage dans ce que son leader définit comme “l’âge d’or du blues, du rock, de la soul et du jazz”. Le principal péril d’un tel éclectisme résidant dans la dispersion (n’ont-ils pas versé dans le jazz fusion avec John Scofield, tout en réinterprétant par ailleurs les Rolling Stones, Pink Floyd et AC/DC?), il est rassurant de les entendre se recentrer ici sur leurs fondamentaux. Enregistré il y a deux ans (au cours des mêmes sessions que son prédécesseur, “Heavy Load Blues”) ce “Peace… Like A River” s’ouvre sur le manifeste “Same As It Ever Was”, qui n’aurait pas déparé le “Seven Turns” des précités, tandis que le heavy southern rock “Shake Our Way Out” (featuring rien moins que Billy Gibbons en personne) et “Peace I Need” s’inscrivent dans la veine du Lynyrd Skynyrd millésimé. Les empreintes du Floyd de “Wish You Were Here”, du Lennon de “Mind Games” et du McCartney de “Band On The Run” s’impriment sur l’aérien “Made My Peace” (conclu par un solo des plus gilmouriens). S’ouvrant sur les mêmes arpèges agrestes que “Same As It Ever Was”, la ballade “Your Only Friend” n’aurait pas déparé le Led Zep III non plus que le “Pendulum” de Creedence: back to ’71 full tilt, cordes symphoniques en prime. Bon Dieu, ils nous refont “Nights In White Satin” ou quoi (manque plus que les flûtiaux)? Tandis qu’on se surprend à soupeser combien on eût pu emballer là-dessus dans les boums de l’époque, déboule le funk lascif “Dreaming Out Loud”, Sly & The Family Stone spirit en bandoulière. Pour en souligner le propos, les guest vocalists extraordinaires y ont pour blases Ruthie Foster et Ivan Neville, tandis que les claviers conjugués de Danny Louis s’y marient à des cuivres très New-Orleans. Avec ses twin guitars choruses, l’enlevé “Head Full Of Thunder” nous ramène aux Allmans musclés période “Hitting The Note”, avant que l’atmosphérique raggamuffin “The River Only Flows One Way” ne propose pour invité Billy Bob Thornton, qui y skanke son flow à travers un porte-voix compressé. Le genre de titre qu’on aurait davantage attendu du Clash de “Sandinista” que de dignes héritiers du southern rock, mais puisqu’on vous répète que l’éclectisme de Gov’t Mule les mène strictement où ils le veulent… À preuve, cet “After The Storm” évoquant (comme son titre l’indique) les Doors, par la grâce d’un latin beat façon “Break On Through” saupoudré d’un orgue Hammond B3 à la sauce “Riders On The Storm”: la similitude est à s’y méprendre, et ne doit sans doute rien au hasard si l’on se remémore que Gov’t Mule se produisit le 31 décembre 2013 aux côtés de Robbie Krieger, au Beacon Theatre de New-York. Avec pour ultime guest la soul singer qui monte, Celisse Henderson, le slow swamp funk “Just Across The River” prend des accents late-Stax, entre les Staples Singers et les Meters. “Long Time Coming” et “Gone Too Long” confirment une dernière fois leur filiation ABB, si ce n’est qu’en lieu de slide, Warren Haynes opte plutôt sur le premier pour une wah-wah non moins saignante, réservant le bottleneck au second. Bref, un disque qui devrait recueillir une rotation enviable et méritée sur les classic rock & roots radios.

Patrick DALLONGEVILLE
Paris-MoveBlues Magazine, Illico & BluesBoarder

PARIS-MOVE, June 7th 2023

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Lorsque l’on sait que le nombre d’albums de la formation approche la trentaine (et de qualité!), on ne peut que donner un grand coup de chapeau à Warren & Co. Surtout quand on sait également que le leader incontesté de la formation a enregistré au minimum 5 albums solo et qu’il a plus d’une collaboration dans son sac, avec aussi bien avec The Allman Brothers Band que Dickey Betts ou Derek Trucks. On ne peut qu’être admiratif devant tout le “travail” accompli par Warren Haynes! D’autant plus que les tournées de la Mule sont du genre plutôt conséquentes (35 dates entre mi-juin et fin décembre, sans parler de ce qui a précédé… (*), sans même parler de toutes les tâches dont s’occupe par ailleurs Warren, qui est aussi producteur et véritable chercheur de nouveaux talents à dénicher et à faire jouer. On se souvient du rôle qu’il a joué dans l’affaire Marcus King! On remarquera d’ailleurs que le nouvel opus ne contient pas 8, 9 ou 10 morceaux, mais bien 12, comme il était d’usage il y a encore peu de temps, avant que les groupes ne la jouent “petit bras” (sauf pour ceux qui ont réalisé des CD en pensant ensuite, ou d’abord, à leur version vinyle, simple LP ou double LP). La Mule est composée de Warren Haynes, chant et guitare, Matt Abts, batterie, Danny Louis, claviériste multi-instrumentiste, et Jorgen Carlsson, basse. Des pros et de vrais musiciens comme on n’en fait plus beaucoup, ma bonne dame!

(*) Je dois vous dire que j’avais été assez étonné, le jour où j’ai rencontré Warren, qu’il se souvienne exactement du nombre de titres joués lors du concert de la veille alors qu’il m’avait dit, par ailleurs, qu’ils ne jouaient jamais les mêmes titres pendant deux concerts à la suite…, ce que pourra vous confirmer notre rédac en chef, qui les a suivis pendant trois concerts de suite aux USA. Les set lists des trois concerts étaient différents. Tout aussi étonnante est leur capacité à adopter différents styles musicaux, tout en les personnalisant à chaque fois, et avec brio! Mais tout cela prouve, après tout, que ce sont simplement des musiciens hyper-talentueux et habités d’une réelle passion pour la musique. Comme il fallait s’y attendre, voici un excellent album de la Mule!

Dominique Boulay
Paris-Move & Blues Magazine (Fr)

PARIS-MOVE, June 13th 2023

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https://www.youtube.com/watch?v=-6LJkehGC1Q

Un grand moment, le Dave Matthews Band with Warren Haynes, “Cortez The Killer”, LIVE From MSG New York 11.30.2018

https://www.youtube.com/watch?v=lYrD2SthaMU