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Pour quiconque ayant pu fréquenter certains établissements scolaires traditionnalistes tels que l’Institut Catholique de Riaumont (ou encore celui de Bétharram), l’évocation des Saints Frères risque de raviver quelques souvenirs douloureux… Aussi commencerons nous par désamorcer d’emblée le débat. Thee Holy Brothers n’ont en effet rien d’une congrégation, et leur seule relative connotation religieuse réside dans le fait que ses deux membres fondateurs (s’étant connus dès leurs années lycée) fréquentaient la même synagogue à L.A., où ils se présentèrent un jour de shabbat accoutrés en Jake & Elwood Blues. À leur vue, le rabbin s’écria: “mais voici les Holy Brothers !”. Nos deux amis le prirent au mot, et décidèrent sur le champ d’en constituer le groupe éponyme. Ne restait plus qu’à en écrire le répertoire, ce qui ne représentait pas le plus grand défi, au regard du pedigree de chacun d’entre eux. Membre fondateur de Lone Justice (auprès de Maria McKee), le multi-instrumentiste Marvin Etzioni a ensuite entamé une prolifique carrière de producteur et musicien de séances (œuvrant auprès de Stephen Stills, Counting Crows, Judy Collins, et plus récemment encore, Grey DeLisle – voir chroniques ICI et ICI). Quant à Willie Aron (lui aussi multi-instrumeniste), il s’est affirmé en tant que compositeur pour la télévision et le cinéma, tout en se produisant aux claviers au sein de formations néo-psychédéliques telles que The Dream Syndicate et The Third Mind, ou encore de son propre combo indie-folk, The Balancing Act. Après un premier album commun paru voici déjà quatre ans et demi (“My Name Is Sparkle”, chroniqué ICI), notre duo revient pour le second volet de ce qui s’annonce comme une trilogie. Sparkle, leur personnage récurrent, s’y voit cette fois confronté à une menace majeure: le cancer. Et ce thème ne s’avère en rien fortuit, puisque ce maléfice a non seulement frappé personnellement Marvin (qui en semble en rémission depuis peu), mais aussi la propre épouse de Willie (qui y a hélas succombé). Nos deux larrons ont traversé ces épreuves ensemble, que ce soit en se soutenant mutuellement, ou en trouvant dans leur collaboration un exutoire salutaire dont ils nous livrent à présent les fruits. Le carillonnant “Born Torn” qui ouvre le ban s’inscrit dans la ligne intemporelle des Byrds d’il y a six décennies (ceux de “Turn, Turn, Turn”, qui traumatisèrent tant les Flamin’ Groovies seconde époque), et “The Holy In Everything” en fait autant avec les Beach Boys de “Sunflower” (tout en y maintenant la douze cordes façon McGuinn). C’est Willie qui y assure seul la tessiture multiple des harmonies vocales (à s’y méprendre). Bref, si l’on n’y reconnaît pas leurs racines californiennes, il faut consulter d’urgence, mais “Guru Honk” opère ensuite un conséquent bond transatlantique, pour atterrir en 67 dans les EMI studios londoniens d’Abbey Road, en plein enregistrement de la B.O. de “Magical Mystery Tour”. C’est Rami Jaffee (claviériste des Foo Fighters) qui y officie sur cette antiquité que représente désormais le mellotron, pour en parachever la touche psyché. Quitte à revisiter les Fabs, “Sunshine In My Veins” évoque la chimiothérapie dans une veine “Revolver” que n’auraient ensuite pas dédaignée Badfinger. Nos deux lascars s’étant à l’origine reconnus dans leur amour commun pour les Who, “Magic Jacket” sonne comme un out-take de “Sell Out” (avec ses faux-airs d'”I Can See For Miles”). Marvin y assure tous les instruments (sauf le Moog, dévolu à Willie), et nos deux comparses y exercent les chœurs en canon si chers alors à la bande à Townshend. C’est vers le Big Star de Chris Bell et Alex Chilton que nous entraînent ensuite “I Am Time” et l’éthéré “Emily Parade”. En dépit de sa touche country (pedal-steel, harmonica et chœurs harmonisés), “I Can See Through My Window Now” n’en est pas moins rehaussé d’une section de cuivres (six saxophones barytons à l’unisson !), tandis que “Ode To Harry Cell” plante résolument ses deux boots dans ce genre (mandoline et solo de violon appalachien inclus sur la coda). Nos amis concluent sur l’optimiste plage titulaire, plus Beatles 66 que nature (avec ses chœurs et son Hammond B3 de fête foraine). Un disque de résilience, dont le pathos sous-jacent ne prend toutefois jamais le dessus sur le positivisme: cette fois, c’est certain, le printemps est bien là!
Patrick DALLONGEVILLE
Paris-Move, Illico & BluesBoarder, Blues & Co
PARIS-MOVE, April 28th 2025
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