THEE HOLY BROTHERS – My Name Is Sparkle

Regional Records
Pop
THEE HOLY BROTHERS - My Name Is Sparkle

Si les douze titres qui composent cet album forment une sorte de continuité narrative, sa genèse est déjà une longue histoire en soi. La complicité qu’entretiennent depuis plus de quarante ans le multi-instrumentiste Willie Aron et l’auteur-compositeur Marvin Etzioni date en effet des années de lycée de ce dernier, quand Willie tenait la boutique de disques située en face de l’établissement scolaire qu’il fréquentait à Los Angeles. C’était le temps béni où les disquaires indépendants subsistaient encore en marge des chaînes de grande distribution, avant que les GAFAs ne placent en coupe réglée la joyeuse anarchie de micro-labels et d’autoproductions consécutives à la vague punk. Grenouillant tous deux séparément au sein de la très active scène underground locale, les deux amis n’en manquaient pas moins de s’entraider chaque fois que possible. Marvin produisit ainsi les démos des premiers groupes de Willie (Blue Monday et The Balancing Act), tandis qu’il fondait de son côté l’une des formations séminales de l’alternative country (alors encore en germe), Lone Justice. Acclamé par la critique, mais incapable d’atteindre les objectifs commerciaux que leur assignait son label (Geffen), le groupe ne tarda pas à se désintégrer, tandis que ses musiciens s’étaient déjà vus suppléés en studio par des requins polyvalents. Passé maître dans le maniement de la mandoline, Marvin n’en poursuivit pas moins les carrières parallèles de producteur et de session man (auprès de Peter Case, Lucinda Williams et Rickie Lee Jones, ainsi que des Dixie Chicks, Counting Crows et autres Bob Dylan), tandis que signé avec son groupe chez IRS (label de l’affairiste Miles Copeland), Willie enregistrait deux LPs, sans parvenir pour autant à dépasser non plus les limites du succès local. Il joignit à son tour les rangs des musiciens de séances, exerçant dès lors ses talents auprès de Victoria Williams, Syd Straw, Joe Henry et Peter Case, avant d’incarner à l’écran l’un des membres de la fameuse Wrecking Crew dans le biopic consacré à Brian Wilson, “Love & Mercy”. En dépit de leur longue amitié, ces deux perdreaux de l’année n’avaient jamais concrétisé leur collaboration autour d’un réel projet commun, et l’idée tardive ne leur en vint que par la grâce d’une plaisanterie que leur adressa un jour le rabbin de la synagogue qu’ils fréquentaient ensemble. Comme ils avaient adopté pour s’y rendre le même accoutrement que les fameux Blues Brothers, ce dernier les interpella en tant que Holy Brothers, et ce déclic les incita à se lancer en duo sous ce vocable. Enjambons (de Bayonne) rapidement le concept de ce disque (la simple idée de concept-album ne revêt-elle pas de nos jours un caractère irrévocablement suranné?), pour nous focaliser sur sa dimension strictement musicale. On trouve ici les traces sensibles de nombre des idoles de notre tandem: Simon & Garfunkel (“Let The Great World Spin”, “A Sudden Gunshot”, “Keep Crushing Me”), The Who (la plage titulaire, que l’on croirait tirée du livret de “Tommy”), les Fab Four (dont “If God Let Go” et “Glad It’s Gonna Rain” constituent certains des pastiches les plus convaincants depuis les Rutles et Badfinger) et Lennon en particulier (dont le présent “Divine Love” n’aurait ainsi pas déparé les “Mother” et “Mind Games”). Ajoutons que la longue fréquentation des studios angelenos présente quelques avantages en matière d’entre-gens, puisque nos lascars s’offrent ici le luxe d’une contribution du master drummer James Gadson sur la moitié des titres, tandis que les Brothers se répartissent le reste des instruments (hormis les occasionnels cuivres et pedal-steel). Sur le plan des lyrics, on se trouve souvent à la lisière du second degré acerbe façon Steely Dan et Randy Newman (“Elvis In Jerusalem” ou le chaloupé “Woman Needs Man”: “il vaut mieux se trouver seul avec une femme pour parler de Dieu, plutôt que seul avec Dieu pour parler d’une femme”). Si vous êtes athée, achetez ce disque! Si vous êtes antisémite et dépourvu d’humour (ça va souvent de pair), achetez le quand même (il n’est en effet jamais trop tard pour tenter de remédier à sa propre connerie)! Mais surtout, si vous êtes mélomane et féru des musiques populaires du demi-siècle écoulé, ne manquez pas ce petit bijou, car vous risqueriez de le regretter un jour.

Patrick Dallongeville
Paris-MoveBlues Magazine, Illico & BluesBoarder

PARIS-MOVE, October 3rd 2020

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Thee Holy Brothers – Episode 1 – “Glad It’s Gonna Rain”, on Youtube: HERE

Thee Holy Brothers – Episode 4 – “Elvis in Jerusalem”, on Youtube: HERE

Thee Holy Brothers – Episode 2 – “If God Let Go”, on Youtube: HERE

Thee Holy Brothers – Episode 9 – “My Name Is Sparkle”, on Youtube: HERE