| Blues |
Disparu trop tôt (à 41 ans), le guitariste Earl Hooker (né à Clarksdale en 1929) ne connut certes pas l’ample reconnaissance de son cousin aîné du même nom, John Lee. Il n’en demeure pas moins qu’il surclassait de loin ce dernier sur le plan de la technique instrumentale et de la versatilité, et il suffit pour s’en convaincre de prêter l’oreille aux enregistrements qu’il a légués. De même que l’harmoniciste Mo Al Jazz naguère pour Little Walter (chroniqué ICI) ou encore GA-20 avec Hound Dog Taylor (chroniqué ICI), le trio The Vine Street Shuffle (allusion au titre du roman noir de Dominic Nolan, ou au “Wall Street Shuffle” de 10cc?) rend à présent hommage à ce génie encore trop méconnu des six cordes, au fil d’un impressionnant premier album. Ses protagonistes, Aliocha Thévenet (guitare), Philippe Quinette (basse et contrebasse) et Marc Delmas (batterie) y accueillent quelques invités, au rang desquels on signalera Neal Black (qui prête sa voix à un titre), le non moins grand Laurent Cokelaere (actuellement membre de Jessie Lee & The Alchemists, parmi bien d’autres aventures), dont les quatre cordes graves illuminent deux plages, ainsi que la chanteuse et guitariste Sophie Malbec et le batteur Denis Agenet (respectivement au micro sur deux autres), sans oublier l’harmonica goûteux de Jean-Marc Hénaux (sur deux autres encore). Affecté de tuberculose dans ses jeunes années, Earl Zebedee Hooker ne présentait pas les capacités vocales des frontmen de son époque, et s’est donc via des instrumentaux qu’il s’est principalement exprimé. C’est vers ce répertoire que se sont naturellement orientés nos amis, et captés majoritairement live pour recréer les conditions en vigueur dans les studios à l’époque des originaux, ces douze titres parviennent non seulement à retranscrire le jeu spécifique d’Earl Zebedee, mais également le son particulier de ses enregistrements. Le grain et la réverb des six cordes et de leur ampli complètent ainsi à merveille ceux de la rythmique, et que ce soit à la slide électrifiée (“Blues Guitar”), en country-picking (“Galloping Horses A Lazy Mule”) ou à la wah-wah (“You Got To Lose”, que chante Neal Black), en jump-swing (“The Misfit”, “The Hucklebuck”), en Chicago-shuffle (“You Don’t Want Me”), en surf-twist (“Two Bugs & A Roach”) ou en rumba (“Guitar Rhumba), la guitare de Thévenet épouse à s’y méprendre les tourneries et la diversité de celle de son modèle, tandis que “Dynamite” offre pour sa part à Hénaux l’occasion de rendre un vibrant hommage à Little Walter. On repère au mastering le grand Bernard Sellam (gage de qualité s’il en fût), et loin d’un simple hommage contrit, ce recueil constitue au contraire une recréation bien vivace de la verve et de la virtuosité d’un artiste dont l’influence perdure. Demandez donc à Sue Foley quelle fut sa principale inspiration, ou à Ronnie Earl où il est allé pêcher son pseudonyme…
Patrick DALLONGEVILLE
Paris-Move, Illico & BluesBoarder, Blues & Co
PARIS-MOVE, October 24th 2025
Follow PARIS-MOVE on X
::::::::::::::::::::::::::