Blues |
Autant l’avouer de suite, j’avais placé la barre très haut. Avant même de prêter la moindre attention à cette rondelle, je m’étais repassé “Boss Blues Harmonica”, de l’original. Pas sympa, certes, tant Little Walter demeure, près d’un demi-siècle après s’être fait repasser, une icône insurpassable au panthéon du blues moderne. Je serai donc catégorique: ce qui frappe d’emblée dès la première écoute de cet hommage appuyé, c’est le SON. Comment ces cinq musiciens, réunis trois jours seulement dans un studio français paumé (La Trappe, à Donneville en Haute-Garonne), ont-ils pu capter à ce point l’esprit et la lettre des studios Chess (2120 South Michigan Avenue) à Chicago, voici plus de soixante piges ? OK, Little Victor était aux manettes, et ces sessions furent finalement mixées à San Diego, m’enfin ! Des hommages à Little Walter, en un demi-siècle, on en a vu défiler. Et comme pour Hendrix (son équivalent pour les six cordes amplifiées), on ne compte plus les échecs et les rictus embarrassés. Car Little Walter, merde enfin, c’est l’acmé absolu, la Chapelle Sixtine du Chicago sound moderne. Le mec inaccessible par excellence, casse-gueule au possible. Mo Al Jaz (également connu sous le sobriquet de Mo & The Reapers, son band depuis un bail) n’a pas voulu en démordre. Chez lui, Walter Jacobs est un peu l’équivalent de Jean-Paul II en Pologne, on n’appelle même plus ça de la vénération, c’est en deçà de l’euphémisme. Eh bien, je me rends, et je pèse néanmoins mes mots : voici sans doute l’une des deux ou trois plus crédibles re-créations à ce jour de la grammaire vernaculaire du Maître putatif du Chicago blues harp. Non seulement Mo parvient à restituer le timbre pâteux des originaux (Little Walter n’enregistrait que rarement à jeun), mais il a surtout capté (et régurgité) ici l’essence même de son jeu, aussi débridé qu’articulé et sophistiqué. Vous pouvez donc croire (pour une fois) le concert unanime de louanges qui s’expriment des deux côtés de l’Atlantique : ce CD est à la fois un ovni, et le produit d’une admiration aussi sincère qu’érudite. Incroyable mais vrai, a labour of love, indeed.
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Patrick Dallongeville
Paris-Move, Blues Magazine, Illico & BluesBoarder
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C’est un pari osé, et même un peu fou, disons-le, qu’avait choisi de faire MO AL JAZ en s’attaquant à la reprise des principaux succès de la légende du “ruine babines” qu’est Marion Walter Jacobs, aka Little Walter. Avoir aux manettes un autre Little (Little Victor) était déjà un petit plus, mais le challenge à relever était énorme à qui allait oser proposer un album en reprenant “It Ain’t Right”, “Blues with a Feeling”, “Tell Me Mama” ou encore “My Babe”. On savait MO AL JAZ harmoniciste et chanteur de talent, on le savait imbibé de Little Walter, mais là, le résultat est époustouflant, énorme. Avant lui, ils ont été beaucoup à avoir tenté de retransmettre le feeling qu’insuflait Little Walter dans son harmo comme dans ses enregistrements, et ils sont tout aussi nombreux à s’être ramassés pour avoir tenté de faire comme, mais sans ce coeur et cette âme sans lesquels un enregistrement sonne neutre, froid. Ici, l’instrument et le chant semblent comme habités par le fantôme du maître parti trop tôt, à 38 ans, chaque note vous fait dresser les poils, le son façon old school est excellent et ce CD mériterait une sortie vinyle édition limitée, collector, car l’objet est, avec toute la retenue nécessaire, EXCEPTIONNEL. Un album que la fille de Little Walter avait adoubé en proposant à MO AL JAZ de venir jouer au Buddy Guy’s Legend pour l’anniversaire de la naissance de son père, en mai dernier. Willie Dixon avait dit de lui : “Little Walter était un très grand harmoniciste, mais Big Walter – nous l’appelions Big Walter – était un harmoniciste d’Enfer”. Rien à dire de plus si ce n’est que désormais nous avons nous aussi un harmoniciste d’Enfer. Respect, Monsieur “BIG” MO AL JAZ.
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Frankie Pfeiffer
Rédacteur en Chef
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