STEVE DAWSON – Gone, Long Gone

Black Hen Music / Proper
Americana
STEVE DAWSON - Gone, Long Gone

Comme si les choses n’étaient pas déjà assez compliquées, voici donc que co-existent outre-Atlantique pas moins de deux Steve Dawson distincts, qui n’en demeurent pas moins chacun auteur, compositeur et interprète! Après avoir chroniqué avant l’été dernier la dernière livraison de celui de San Diego et désormais établi à Chicago (chronique à retrouver ICI sur Paris-Move), revoici donc celui de Vancouver émigré à Nashville. Poly-instrumentiste virtuose (et producteur émérite de nombre de talents frayant dans le même registre Americana), nous le découvrîmes il y aura bientôt quatre ans, avec son magistral (et entièrement instrumental) Lucky Hand (chroniqué ICI sur Paris-Move). Après avoir pu l’apprécier en tant que sideman et producteur de maintes réalisations récentes (John Wort Hannam, Steve Marriner, Matt Patersuk…), c’est avec un plaisir et une impatience non feints qu’on le retrouve pour dix nouveaux titres de son cru. Ou plutôt neuf, puisque cet album recèle une cover surprise dont nous vous ménageons le suspense! Pour sept des neuf autres, Steve s’est adjoint les talents de lyriciste de son ami (et compatriote) Patershuk. C’est sur un lazy funky beat que s’ouvre cette rondelle, avec un “Dimes” que n’auraient sans doute renié ni Allen Toussaint, ni Lowell George. Avec son trio de cuivres, les chœurs soulful à souhait d’Allison Russell (dignes d’une Bonnie Bramlett) et l’orgue de Kevin McKendree, la slide gouleyante de Steve adopte en pareil contexte des accents évoquant Little Feat à son pinacle. On ne quitte pas les rythmes louisianais pour le jubilatoire “King Bennie Had His Shit Together” : le piano de McKendree y prend des tourneries ragtime canailles, tandis que les sticks de Jay Bellerose apposent un second line beat lascif, que Fats Kaplin y fait crisser son violon, et que le bottleneck de Steve s’y repaît à nouveau de quelques rasades bien envoyées. Le Mississippi blues s’invite sur un “Bad Omen” de sinistre augure, où se mêlent la slide sur Weissenborn resonator et les cordes électriques de Steve, en écho à l’orgue juteux de McKendree (qui s’y octroie un solo rappelant celui de Kossie Gardner sur le “Right Down Here” de J.J. Cale). Sur la plage éponyme, la guitare acoustique, la pedal-steel et le timbre doublé de Steve s’appuient sur un simple duo à cordes (viole, violon et violoncelle), dans l’esprit du “Everybody’s Talking” de Fred Neil, dont Nilsson avait fait le hit que l’on sait sur la B.O. de “Macadam Cowboy”… Aussi atmosphérique que proprement irrésistible. Sur “I Just Get Lost”, Dawson ne manipule pas moins de sept instruments, avec le soutien de la rythmique de Jeremy Holmes et Gary Craig, tandis que l’orgue du fidèle McKendree et les contrechants gospel d’Alice Russell relèvent la sauce d’où les arabesques de slide prennent leur essor. Nous n’avons alors parcouru que la moitié de l’album sans rencontrer le moindre temps faible, mais la suite réserve encore quelques découvertes de taille. Ainsi de l’instrumental three steps “Kulantapia Waltz”, évoquant de manière saisissante les fantaisies hawaïennes rétro du regretté Bob Brozman, en associant guitares Weissenborn, National, ukulele et orgue de Barbarie! Le lowdown country blues “Skeletons In A Car” traite de ces funestes faits divers dont le Deep South est coutumier (cf. le “Mississippi Burning” d’Alan Parker), et Steve y démontre brièvement quel méchant guitariste électrique il peut aussi s’avérer quand on l’embête!.. La surprise annoncée est une superbe reprise, plus Band que nature, du “Ooh La La” que Ronnie Lane et Ronnie Wood co-signèrent pour l’antépénultième album des Faces. La propre fille de Steve, Casey Dawson, s’y joint à Alice Russell sur des chœurs à fondre, et McKendree y assure les parties combinées de piano et d’orgue, dans l’esprit du tandem que formaient Richard Manuel et Garth Hudson. C’est tellement bon que je me le suis repassé en boucle trois fois d’affilée! “Cicada Sanctuary” est l’instrumental solo acoustique de rigueur, au fil duquel Steve confirme si besoin combien Chet Atkins, Stefan Grossman, Jorma Kaukonen et Davey Graham n’ont plus grand chose à lui apprendre, et l’album se referme comme dans un rêve sur le cotonneux et apaisé “Time Has Made A Fool Out Of Me”. Bref, aucun risque de confusion: avec pareil talent, ce Steve Dawson-ci est proprement unique, et ce disque laid-back, un authentique sans-faute!

Patrick Dallongeville
Paris-MoveBlues Magazine, Illico & BluesBoarder

PARIS-MOVE, February 14th 2022

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Steve Dawson – “Dimes” – Official Lyric Video: