SAVOY BROWN – Blues All Around

Quarto Valley Records
Blues-Rock

Après 57 années de carrière et 45 albums (sans compter les cinq qu’assuma son leader en solo), voici donc hélas le terminus pour Savoy Brown. Forcé par la maladie et la mort d’abandonner le projet de sa vie, Kim Simmonds a en effet plié les gaules le 13 décembre dernier, six jours à peine après son 75ème anniversaire. Au départ, il y eut en effet, dès 1965, le Savoy Brown Blues Band. L’un des innombrables combos britanniques à s’engouffrer dans la brêche ouverte par les Stones, les Yardbirds et les Bluesbreakers, pour écumer le circuit des youth clubs auprès du John Dummer Blues Band, des Groundhogs, Artwoods, Shotgun Express et autres Jaybirds (ces derniers figurant alors un Alvin Lee arborant la même coupe afro que le Clapton de Cream). Outre le lutin à peine pubère qui y triturait une Gibson SG presque trop grande pour lui, Savoy Brown présentait la particularité de comporter un frontman Noir, en la personne d’un certain Brice Portius. Après un premier album en 67, cet exotique chanteur céda prestement la place à plus excentrique encore. Avec son monocle, son chapeau claque et les barreaux de chaises qu’il fumait ostensiblement en toute circonstance, Chris Youlden exhalait le charisme d’un aristocrate déclassé, troussant au passage quelques lyrics qui valurent au groupe ses premiers succès. Hélas, la formation (managée par le propre frère de Kim) peina d’emblée à maintenir un line-up stable, et de ses origines à la fin des seventies, compta pas moins de 35 membres successifs. Un record, qui instaura Kim Simmonds pour seul membre permanent, tandis que la valse des chaises musicales démultipliait encore ce score jusqu’à nos jours… Cette instabilité exerça forcément un impact sur l’identité du groupe, et dès les années 70, Savoy Brown évoquait davantage une marque déposée, plutôt qu’un orchestre à proprement parler. Les packages façon supergroupe (ainsi de “Boogie Brothers”, qui réunit en temps sous la même bannière Stan Webb, Miller Anderson et Kim Simmonds) cédèrent parfois le pas à quelques affligeantes bouffonneries (ainsi de “Rock N’ Roll Warriors”, sanctionnant la transplantation américaine de Simmonds, avec le même déficit artistique que celui qui sclérosa les Kinks à la même période). Que les phalanges du petit homme demeurassent étonnamment agiles malgré l’outrage des ans eût pu suffire à inspirer le respect, mais il survint plus surprenant encore. À l’abord de sa septième décennie, celui dont on n’attendait plus grand chose entreprit en effet de se recaler sur ses rails initiaux, et l’on assista à cette improbable mutation: bien qu’américanisé de longue date (selon la formule de son dérivé, Foghat, voire celle de l’un de ses mentors, John Mayall) le groupe se mit soudain à revendiquer à nouveau son héritage british. N’en doutons pas, comme toujours en pareil cas, les archives du groupe continueront encore à approvisionner les plateformes pour quelques temps encore, mais puisque voici bel et bien l’ultime enregistrement de Kim Simmonds de son vivant, prenons le pour ce qu’il vaut: son testament. La plage d’ouverture (annonçant son retour en coda de l’album) en résume à elle seule l’état d’esprit, celui d’un homme se sachant condamné par le mal qui le ronge. Ce thème hante d’ailleurs d’autres plages (l’anxieux “Gypsy Healer”, les nostalgiques “Can’t Go Back To My Hometown” – magistral mambo dans le veine de “All Your Love” – et “California Days Gone By”, ou encore ce “Winning Hand” bourré de remords). Mais Kim n’y manque pas non plus de revisiter une dernière fois les élans et tourments de l’amour (“My Baby”, “Texas Love”), et sur le plan strictement musical, il confesse dans les liner notes le processus particulier qui présida à cet enregistrement. A la différence de ceux de ses prédécesseurs, Kim y enregistra d’abord seul toutes ses parties de chant et de guitare, avant que la section rythmique (Pat Desalvo, basse et Garnet Grimm, drums) n’y appose les siennes. La progression de la maladie (et son traitement) affectant par ailleurs la sensibilité et l’agilité de ses terminaisons tactiles, Kim se reposa plus encore que d’ordinaire sur son jeu de bottleneck (dont il demeurait l’un des maîtres). Au final, cette douzaine de pépites ne dépare en rien l’héritage de l’une des formations les plus endurantes du british blues boom initial. “Black Heart” se réfère ainsi à un de ces riffs typiques de Howlin’ Wolf dont les contemporains brittons de Savoy Brown firent en leur temps leur ordinaire, tandis que des plages telles que “Going Down South” et  “Hurting Spell” attestent de la persistance de son attachement à cette musique qui le foudroya adolescent. Avant de nous dire adieu, Kim prit encore le temps d’assurer quelques salutaires parties d’orgue et d’harmonica, attestant de son investissement jusqu’au terme. Chapeau bas, et sachons lui rendre les honneurs qu’il mérite. Long live Savoy Brown…

Patrick DALLONGEVILLE
Paris-MoveBlues Magazine, Illico & BluesBoarder

PARIS-MOVE, February 16th 2023

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Tracks:
01. Falling Through
02. Black Heart
03. Going Down South
04. Gypsy Healer
05. Blues All Around
06. Texas Love
07. Winning Hand
08. Hurting Spell
09. Can’t Go Back To My Hometown
10. California Days Gone By
11. My Baby
12. Falling Through The Cracks

Filmed at The Great British Rock And Blues Festival, Butlins, Skegness, Lincolnshire, Friday 17th January 2020: