RICK ESTRIN & THE NIGHTCATS – The Hits Keep Coming

Alligator
Blues
RICK ESTRIN & THE NIGHTCATS - The Hits keep Coming

Sixième livraison depuis que l’harmoniciste, chanteur et co-fondateur de Little Charlie & The Nightcats en a repris le fond de commerce, après la défection en 2008 de son complice originel, le regretté guitariste Charlie Baty. Que celui-ci ait quitté ce monde depuis n’obère en rien la légitimité de son band à poursuivre sa route, d’autant que son frontman historique y a toujours assumé l’essentiel du songwriting. Si ce n’est le changement de batteur (entériné voici cinq ans déjà sur son prédécesseur, “Contemporary”, chroniqué ICI), nous voici donc en présence du line-up le plus stable de cette formation légendaire. Malice, énergie et créativité demeurent le viatique du gang Estrin, qui le confirme dès le “Somewhere Else” d’ouverture Tous sur le pont pour l’abordage, les Nightcats embrayent sur le riff au chromatique que leur intime le patron, et l’orgue de Farrell pulse à pleins pistons, tandis que les six cordes du “wunderkid” Andersen y prennent leur premier envol cinglant.  C’est l’immense Jerry Jemmott (récemment apprécié sur le “Nothing But Time” de Monster Mike Welch, chroniqué ICI) qui tient la basse, comme sur la moitié des 12 titres présents, ainsi que la plage titulaire, (swamp chaloupé et hanté baigné de reverb, dans la veine du regretté Screaming Jay Hawkins). Le gospel choir des Sons Of The Soul Revivers y officie les chœurs. Co-signé par Rick avec Jim Liban, le twist à double-sens  “The Circus Is Still In Town (The Monkey Song)” énumère sans emphase les risques de rechute qui pèsent sur tout réformé des addictions. Farrell s’y fend d’un solo de Hammond B3 à faire blêmir Charlie Oleg et Domingo “Sam” Samudio en personne. Nos amis s’essaient ensuite à une adaptation du “Everybody Knows” de Leonard Cohen, sur lequel les balais de Derrick “D’Mar” Martin et les chœurs fervents des SOS Revivers font amplement la farce. L’ironique “I Finally Hit The Bottom” est un mid-tempo dans la veine immémoriale du regretté Otis Rush. Estrin y prend un de ces soli qui l’ont hissé au panthéon des harmonicistes contemporains, avant de céder le pas à celui d’un Farrell rugissant, suivi de l’inénarrable Kid Andersen, en phase absolue avec son défunt modèle gaucher. Seconde cover au programme, celle du jump “Diamonds At Your Feet” de Muddy Waters s’avère en tout point fidèle à l’original, solo d’harmo jazzy façon Little Walter inclus. Farrell y a toutefois droit à son petit solo à la Jimmy Smith, et Andersen au sien dans la veine de grands stylises tels que Earl Hooker et Grant Green. Dans celle du “Wooly Bully” de Sam The Sham, le tonitruant “911” lance un désopilant appel à l’aide (le 911 est l’équivalent du 17 en France: le numéro de police-secours). On imagine sans peine le jeu de scène que nos lascars peuvent tirer de cette pochade, avant que “I Ain’t Worried About Nothin'” ne rende hommage à l’un des mentors de Rick, le grand Rice Miller (aka Sonny Boy Williamson II). D’Mar y ressort les pinceaux, et Andersen y assure la partie de basse, en sus de celle de guitare. Autre clin d’œil à Otis Rush, le mambo “Learn To Lose” renvoie d’évidence à certaines plages de ce dernier telles que “All Your Love”, et Farrell y va de nouveau à son tour de manège, tandis que Jemmott y tient la baraque, et que le Kid s’en accorde une nouvelle tranche. Autre twist notoire, l’instrumental “Sack O’ Kools” réintroduit l’harmo chromatique, sans négliger pour autant une répartition équitable des soli entre les Nightcats. Drivé par l’orgue de Farrell (et cisaillé d’un solo de slide d’Andersen), le languide “Time For Me To Go” rappelle la version de “I Put a Spell On You” de Them avec Van Morrison. Fermant le ban, le funky et désopilant “Whatever Happened To Dobie Strange?” traite avec humour de l’obstination de certains quidams à demander à Rick pourquoi il a changé de prénom (assumant qu’il avait toujours été Little Charlie auparavant). Andersen y prend un remarquable chorus dans la ligne du grand Johnny Guitar Watson (et les plus fidèles aficionados du band se souviendront que Dobie Strange était le batteur du groupe il y a 28 ans). Né en 1949, Rick Estrin ne semble toujours pas résolu à raccrocher les gants, et avec pareil bulletin de santé, on espère que l’on a pourra profiter un bon moment encore de sa verve, ainsi que du talent de ses compères. Amen!

Patrick DALLONGEVILLE
Paris-Move, Illico & BluesBoarder, Blues & Co

PARIS-MOVE, April 28th 2024

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