RICHARD DAWSON – The Ruby Cord

Domino
Psych-Folk
RICHARD DAWSON - The Ruby Cord

Si l’on considère ses trois LPs en duo avec le harpiste Rhodri Davies sous le sobriquet de Hen Ogledd (chroniqués ICI et ICI), voici donc le neuvième album que nous livre à ce jour le barde halluciné de Newcaste-upon-Tyne. Il s’agit en fait du dernier volet d’un triptyque entamé avec “Peasant”, et poursuivi via “2020” (chroniqué ICI). Et si vous considérez que notre monde est mal barré, sachez que Richard Dawson lui-même ne s’y sent manifestement pas très bien non plus. Après un trip semi-nostalgique dans un lointain passé pourtant pas si rose, suivi de l’affligeante autopsie d’un présent aliénant, Richard dépeint à présent sa vision de ce que le futur nous réserve, et le moins que l’on puisse en dire, c’est que nos descendants risquent d’y morfler sévère. S’ouvrant sur les 11 minutes et demi de l’intro instrumentale de “The Hermit” (suite qui en compte trente de plus), le paysage y évoque autant le valium du “On The Beach” de Neil Young que celui du “The Kids” de Lou Reed. Cordes en déshérence (le violon de Angharad Davies et la harpe de Rhodri), batterie subtile et fourbue jouée aux balais par Andrew Cheatham, basse et claviers cotonneux: on a l’impression d’ouïr les Doors de “The End”, errant en compagnie du Velvet Underground parmi les miasmes du fin fond des moors. Quand le timbre déclamatoire de Richard s’y fait enfin entendre, c’est pour ânonner une diatribe en forme de gueule de bois post-apocalyptique, et l’auditeur est ainsi prévenu: comme dans l'”Enfer” de Dante, “toi qui pénètres ici, abandonne tout espoir”… Frappant comme la scansion de Dawson évoque tour à tour celle du Robert Wyatt de “Rock Bottom”, et celle du non moins tétanisant Peter Hammill. Au terme d’un maëlstrom narratif où se télescopent futur proche et passé lointain, le chœur céleste des vestales qui conclut l’affaire prend les accents désuets du “Let Me Call You Sweetheart” de la B.O. du film de Neil Young “Journey Through The Past”, pour nous laisser sous le charme, pantelants et décontenancés. Débuter un album sur pareille apothéose lui ressemble bien: Richard Dawson participe en effet d’une perpétuelle uchronie. Mais tandis que d’aucuns se contenteraient aisément d’une estocade aussi décisive, cet intrépide pousse l’audace jusqu’à remettre son titre en jeu au fil de six autres compos du même tonneau. Bien que plus concises, celles-ci exercent la même emprise, où se mêlent agilité instrumentale, arrangements finement ouvragés et émotion pure. Mince, ce type parvient à réinventer le folk, tout en l’affranchissant de la moindre connotation surannée! Il y a ainsi de la fantaisie de fête foraine psychédélique façon “Being For The Benefit Of Mr Kite” dans “The Fool”, de la haute couture à la Richard Thompson dans “Museum” et du “John Barleycorn Must Die” dans “The Tip Of An Arrow”. Pour peu que vous ayez jamais succombé au charme vénéneux de Van Der Graaf ou Kevin Coyne, surprise: en voici l’ultime manifestation, en totale majesté… Et si chaque époque génère les chefs-d’œuvre qu’elle mérite, celui-ci dépasse forcément toutes nos espérances: frisson garanti.

Patrick Dallongeville
Paris-MoveBlues Magazine, Illico & BluesBoarder

PARIS-MOVE, November 30th 2022

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The Hermit · Richard Dawson: