MICK PINI – Papa Voodoo

Audio54
Electro-Blues
MICK PINI - Papa Voodoo

Pour une présentation plus détaillée de Mick Pini, on peut se référer aux chroniques de ses deux précédentes livraisons (ICI et ICI). Ce dernier retrouve ici son complice Craig Marshall (producteur, mais aussi guitariste, bassiste, claviériste et programmeur, lui aussi expatrié Outre-Rhin), et ils réalisent à eux seuls ces 14 nouveaux titres, où se combinent démarches organique et numérique. S’ouvrant sur l’instrumental “Duck Soup” (non pas inspiré des Marx Brothers, mais plutôt de Jeff Beck période “Blow By Blow”), le côté DIY de la production accuse toujours son côté home-studio (ces faux cuivres numériques n’approchant ni l’énergie ni le feeling de leur équivalent dans le monde réel), mais le travail de Mick à la wah-wah transpire néanmoins un fun contagieux. Sa voix rocailleuse entre en scène sur la plage titulaire, drivée par un rhythm pattern distillant un lazy funk paresseux et groovy, en dépit de son caractère virtuel. On y songe à ces talk-over dont le regretté Frank Zappa assaisonnait ses “Apostrophe” et “Overnite Sensation” voici un demi-siècle. Comme l’indique son titre, “Funkadelikatessen” poursuit dans la même veine en musclant le propos, et si Marshall n’est manifestement pas George Duke, son travail aux claviers s’y révèle toutefois probant. Swinguant double shuffle, “Mornington Crescent ’69” (autre instrumental) pourrait rappeler les riches heures du British Blues Boom, si seulement cette fichue boîte à rythmes ne le clouait pas au sol. Difficile de faire groover un robot, même si parmi ceux qui s’y essayèrent, Kraftwerk était effectivement teuton. Sur un gimmick de guimbarde, “Got To Get My Way Home” est réminiscent de ce que produisait le regretté John Mayall au tournant des sixties et des seventies (entrelacs de guitares à l’appui), tandis que “Spark” en fait autant sur de profondes percussions latino-américaines, selon un motif de bossa synthétique. Autre instrumental, “Make It Last” est une autre tentative funky en diable, où la trame rythmique que souligne le synclavier offre aux six cordes de Mick un tremplin dont il se saisit avec gourmandise. Déjà présent sur son “Backtrack” d’il y a trois ans, “Blues For Peter Green” démontre sur près de 7 minutes toute l’imprégnation par Mick de l’art de cette icône du blues britton: toucher, tonalité, écho-delay, tout y est et l’on s’y tromperait! Exécuté au piano électrique, le lancinant “A Cold Day In Memphis” se situe à mi-chemin de Tom Waits et Ben Sidran, avec en prime les guitar-licks fulgurants dont Mick assaisonne ce slow blues. “Never Goes Away” est une nouvelle démonstration de ce pseudo-Nu-Blues dont Ramon Goose et Jon Amor furent les pionniers au tournant de ce millénaire (et le vieux Robin Trower l’un des continuateurs). Nième instrumental, “Theme For Icarus” est la version revisitée du même titre de Pini (datant d’une trentaine d’années), selon une formule où la guitare entre Clapton et Green s’adosse à des synthés majestueux. “Yo Yo Love” s’avère une déclinaison de plus de cette formule où une wah-wah prédominante virevolte sur un funky-beat, des chœurs féminins et des claviers synthétiques, et “Memphis Jazztronica” un interminable (et indigeste) remix où l’on peine à reconnaître le précédent “A Cold Day In Memphis”. Ce disque se referme sur le reggae “You No Betta”, nimbé d’un écho dub de rigueur. À l’arrivée, selon son ouverture d’esprit, on adhèrera plus ou moins à ce blend de Hendrix circa Band Of Gypsies et d’electronica, avec une question sous-jacente: s’il avait encore les moyens d’entretenir un vrai groupe, Mick Pini se contenterait-il réellement d’une formule aussi cheap?

Patrick DALLONGEVILLE
Paris-Move, Illico & BluesBoarder, Blues & Co

PARIS-MOVE, August 14th 2024

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