MALCOLM HOLCOMBE – Bits & Pieces

Need To Know Music / Proper Music
Americana
MALCOLM HOLCOMBE - Bits & Pieces

Et de 16. En près de trente ans, c’est le nombre d’albums qu’est parvenu à publier, bon an mal an, cet intraitable songwriter (dont nous avons chroniqué les deux prédécesseurs ICI et ICI). Car il est certainement trop tard pour attendre de ce résident atypique de Nashville le moindre compromis qui pût lui assurer in extremis une forme de répit, dans son parcours marqué du sceau de la précarité. Il s’en est d’ailleurs fallu de peu qu’on le perde pour de bon, puisqu’il vient de lui être diagnostiqué un cancer en 2022. Au regard des multiples combats que ce lascar eut à mener jusqu’à présent, ce genre de scoop relève toutefois presque à ses yeux de la simple péripétie. Comme à ce stade, on ne change plus une équipe qui gagne, il a enregistré ces 13 nouvelles vignettes en un temps record aux studios Echo Mountain d’Asheville, laissant à son fidèle complice Jared Tyler le soin d’en habiller ensuite sobrement les arrangements au Blue Alleluia Studio de Tulsa. Car pour ceux qui ne seraient pas encore familiers de l’art de Holcombe, son obstétrique en revient depuis un bail à la capacité de ce bon Tyler à y assurer seul, outre la co-production (qu’il partage ici avec Brian Brikerhoff), les parties de dobro, lap-steel, guitares acoustiques, électriques et barytone, mandoline et banjo, ainsi que celles de basse, de batterie et les chœurs. Dès la plage titulaire qui ouvre les festivités, on retrouve intactes les caractéristiques du personnage: ce picking alerte (témoignant d’années de pratique du Mississippi John Hurt songbook), cette élocution aussi pâteuse que déterminée (conférant à ses ritournelles des airs de boucanerie au long cours), et cette poésie acerbe, mi-crachée, mi-jetée à l’emporte-pièce, comme n’en pratiquèrent avant lui que quelques géants, au rang desquels on ne recense que des Townes Van Zandt, John Prine, Guy Clark et autres olibrius d’un calibre équivalent. Et tandis que l’on se retient de mentionner Dylan à ce palmarès déboule  ce fichu “Fill Those Shoes”, que l’on croirait issu (ou rescapé) des sessions de “New Morning”. Bon Dieu, on pourrait citer un contingent d’impétrants prêts à vendre leur propre sœur pour accéder, ne serait-ce qu’une minute, à cette grâce dans l’épure et l’expression elliptique, dont l’impact tétanise durablement l’auditeur (ce n’est que la seconde plage, et je viens déjà de me la repasser trois fois). Dans la même veine, “Hard Luck City”, “Another Sweet Deal” et “Bootstraps” évoquent le versant appalachien du bluegrass, tandis que les énigmatiques “The Wind Doesn’t Know You” et “Happy Wonderland” convoquent le fantôme de Calvin Russell (dont bien sûr personne ou presque n’a toujours entendu parler à Nashville). Entre J.J. Cale et un Dylan apocryphe, le furieux et bluesy “Conscience Of Man” expédie le salutaire kick in the balls qu’appelle ces temps-ci le suprémacisme blanc, armé et paranoïaque, de retour en vogue dans son pays. Les spectres bienveillants des grands John Hurt et Roscoe Holcomb (qu’invoque également souvent Peter Case) se manifestent à nouveau sur “Ev’ry Soul Is There” et “I’ve Been There”, tandis qu’avec leurs paraboles bibliques et consuméristes, “Eye Of A Needle” et “Bring To Fly” reviennent chatouiller Zimmerman sur ses platebandes. Comme l’a stipulé un chroniqueur anglo-saxon, si par malheur vous ne connaissiez pas encore Malcolm Holcombe, en voici sans doute l’une des portes d’accès les mieux indiquées.

Patrick DALLONGEVILLE
Paris-MoveBlues Magazine, Illico & BluesBoarder

PARIS-MOVE, June 20th 2023

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Album disponible sur le site de la Fnac

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