| Blues |
Pour leur quatrième album collaboratif (si l’on exclut bien sûr leurs multiples apparitions en tandem, disséminées parmi la foultitude d’anthologies diverses dont Bob nous abreuve à jet constant), le duo guitare-harmonica que forment de longue date déjà John Primer et Bob Corritore livre le fruit de quatre sessions réparties entre 2021 et 2023, dans les studios Tempest de Tempe (Arizona). À leurs côtés, de non moins usual suspects: outre le fidèle Bob Stroger à la basse électrifiée, on retrouve ainsi le guitariste Jimi ‘Primetime’ Smith (un album en duo avec Bob chroniqué ICI), le pianiste Anthony Geraci (albums chroniqués ICI, ICI et ICI) et le batteur Wes Starr (sans relation avec un quelconque Ringo). Dans le souci louable et légitime de recréer à eux six le son historique du bon vieux South-Side de Chicago (ville dont ils sont tous deux originaires, ainsi que Stroger), le répertoire qu’ils nous distillent accuse bien la marque de la Windy City, puisqu’y sont représentées des covers de Willie Dixon (“Down In The Bottom”, que ce dernier offrit à Howlin’ Wolf), Muddy Waters (à trois reprises), Jimmy Rogers, ainsi que de l’un des ex-patrons de Primer, Magic Slim. C’est John qui assure les lead vocals, et assène deux de ces soli dont il a le secret dès le “Take A Message” d’ouverture, tandis que les ivoires de Geraci virevoltent autour de lui, et que les lamelles métalliques de Bob lui soufflent sur la nuque. Bien que de la plume de John Lee Hooker, le standard qui donne son titre à cette rondelle est exécuté dans la veine typique de McKinley Morganfield (qui l’interprétait effectivement en son temps), et ce bon John s’y glisse comme dans une seconde peau (logique, quand on évoque un reptile). En dépit de son beat sautillant caractéristique, “Down In The Bottom” emprunte à nouveau davantage la geste de Muddy Waters que celle de Chester Burnett. C’est sur le typique up-tempo shuffle qu’il pratiqua longtemps au sein des Teardrops de Magic Slim que John nous propose son propre “Hiding Place”, au fil duquel Corritore réalise une restitution confondante des jeux respectifs de Carey Bell et Junior Wells, tandis que Geraci en fait autant avec celui de Pinetop Perkins. Brève incursion par Memphis, le “Chain And Things” de B.B. King démontre que John est tout à fait capable de s’inscrire dans le style délié du Maître, tout en adoptant également le même chant puissant. On n’eut par contre guère l’occasion d’ouïr Riley Ben King duettiser ainsi avec un harmoniciste, ni même de céder le pas à un pianiste, aussi virtuose fût-il. Sur un jump-swing enlevé façon Louis Jordan, “Stuff You Gotta Watch” alterne avec le plus terrien “Rosalee Blues”, pour une séquence dédiée à Muddy Waters. Passé à la slide sur ce dernier (pour y réciter fidèlement les licks du vieux taulier), Primer cède le premier rôle à un Corritore déclinant ses Jerry Portnoy et Paul Oscher dans le texte, tandis que Geraci y révise avec brio son Otis Spann. Moins orthodoxe, la version funky de “You’re The One” de feu Jimmy Rogers offre à Bob un nouveau billet de sortie, tandis que les préposés à la rythmique font tourner le manège sans faillir. “Bow Down On Your Knees” n’est autre qu’une transposition unplugged et en simple duo du “You Gonna Take Sick And Die One Of These Days” qu’interprétait déjà Muddy sur la Stovall Plantation. Le marchin’ shuffle dont Magic Slim était coutumier reprend ses droits avec ce “This Little Voice” que John Primer incorpore encore à son répertoire scénique de nos jours, avant de rendre une fois encore hommage à ce dernier, en reprenant son “Gravel Road” auquel Corritore appose sa touche effrénée. Nos amis concluent sur une version émérite du fameux “Feel Like Going Home” de Waters, au fil de laquelle chaque soliste s’exprime avec goût, tandis que Primer se confirme effectivement en voix. Exécuté dans la stricte obédience envers les canons énoncés, voici donc un disque de Chicago blues bien dans la tradition: mission accomplie, chaps!
Patrick DALLONGEVILLE
Paris-Move, Illico & BluesBoarder, Blues & Co
PARIS-MOVE, March 18th 2024
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