JEFF ROGERS – Dream Job

Diesel Entertainment
Americana, Soul
JEFF ROGERS - Dream Job

Révélé à notre attention il y a deux ans à peine (en tant que membre du trio Horojo, auprès du guitariste JW Jones et du batteur Jamie Holmes, et chroniqué ICI), le claviériste et chanteur Jeff Rogers se fit d’abord connaître en son Canada natal au sein de la renommée formation country-rock The Cooper Brothers. Il est allé enregistrer son troisième album sol à Muscle Shoals, sous les auspices conjoints de Richard Cooper (autre membre de la formation précitée) et du guitariste et bassiste Steve Foley (dont on suppute un lien de parenté possible avec une certaine Sue, connue de nos services). Le house band assemblé pour ces sessions comprend notamment le guitariste Kelvin Holly (Bobby ‘Blue’ Bland, Little Richard), l’organiste Clayton Ivey (Thelma Houston, Staple Singers), le bassiste Shonna Tucker (Drive-By Truckers, Booker T.) et le batteur Justin Holder (Delbert McClinton, Keb’ Mo), ainsi qu’une section de cuivres top-notch. Dès “Her Kind Of Trouble”, les chœurs qu’y assurent Sherri Harring,  Rebecca Noelle et la chorale que dirige Sharon Riley prodiguent la touche gospel church qui accentue le caractère soulful du chant de Jeff. L’enlevé “Lock & Key” introduit ensuite les cuivres chauffés à blanc, pour un rockin’ funk number rappelant effectivement ce que Delbert McClinton et autres Wilson Pickett enregistrèrent jadis en ces vertes prairies. Le guitar solo de Holly s’y avère incandescent, tandis qu’en soutien des vocals exaltés de Jeff, la rythmique et les claviers soufflent brillamment sur les braises. La soul ballad titulaire nous ramène plus d’un demi-siècle en arrière: l’orgue façon Billy Preston et les vocals célestes de Jeff y évoquent un Sam Cooke qui aurait miraculeusement échappé à son destin pour nous servir sa version de “Let It Be”. Avec le renfort de sa chorale gospel, le frisson est garanti, et il vous hante pour longtemps. Le compatriote de renom Colin Linden preste sa slide au second-line beat & New-Orleans piano driven “Mind Your Own”, dans la veine des regrettés Dr. John et James Booker que pratique de nos jours encore l’expatrié Britannique Jon Cleary. Introduit par la guitare alerte de Holly, le blues s’invite en majesté sur le mélancolique “Wish You Wouldn’t Go”. Avec ses cuivres et chœurs en crescendo, l’orgue de Clayton Ivey y donne la réplique au piano et au timbre émouvant de Jeff, pour l’une de ces déchirantes complaintes de rupture, plus subie que choisie. On songe à ce que Ray Charles et Freddie King auraient pu en restituer, sans que la comparaison ne tourne cependant en sa défaveur. Avec la pedal-steel du bien nommé John Steele, la veine country de la paire Cooper-Rogers affleure sur le mid-tempo “Save This Bottle Of Wine”, dont Bob Seger aurait pu faire son miel au temps de son propre “Against The Wind”, avant que le southern funk ne reprenne ses droits pour le chaloupé “Dead Of Night”. Lequel devrait rencontrer quelque succès sur les dance-floors matures, avec ses cuivres façon Tower Of Power meets Stevie Wonder, et son Wurlitzer taquin. Le gospel est décidément à l’honneur, via le langoureux “So Worth The Wait” où Jeff duettise avec Kellylee Evans sur un tapis de Hammond digne de “When A Man Loves A Woman”. Rogers choisit de fermer le ban dans la même veine sur le baptiste “Deep Cold Water”, où la chorale gospel déploie ses ailes dans ce bain culturel que Jeff semble partager à un point décisif avec d’authentiques Sudistes tels qu’Aretha Franklin, Chuck Leavell (chroniqué ICI) ou ce nouveau venu d’AJ Fullerton (chroniqué ICI), voire certains de ses propres compatriotes tels que Ian Janes (chroniqué ICI). Voici donc le grand disque que l’on était en droit d’attendre, d’un artiste mûri dans l’ombre deux décennies durant.

Patrick DALLONGEVILLE
Paris-Move, Illico & BluesBoarder, Blues & Co

PARIS-MOVE, March 17th 2024

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