Soul blues |

Nous vous l’avions présenté voici trois ans déjà, à la parution de son second album (“Little Black Flies”, chroniqué ICI), ainsi que l’an dernier lors de son “Capricorn” (chroniqué ICI), et voici donc la quatrième livraison à ce jour de Brooks Kelly, alias Eddie 9V. Pas évident, de succéder à pareil blockbuster (pour paraphraser les lieux communs en vogue, son prédécesseur avait en effet “mis tout le monde d’accord”, comme si c’était toujours de bon augure)… Avec son orgue churchy et son swamp beat buté, la plage titulaire ouvre le jeu dans la veine southern funk à laquelle ne répugnent pas non plus des formations telles que Tedeschi-Trucks, et outre les cuivres, la guitare de Brooks-Eddie y croise le fer avec une pedal-steel qui en accentue le cachet sudiste. On ne s’y trouve guère loin des premiers efforts américains de Clapton en solo (avec Delaney Bramlett et Leon Russell), non plus que des regrettés Eddie Hinton et Billy Preston sur le funky “Halo” qui suit. Avec les chœurs sexy de Leah Bella Faser, “Love Moves Slow” confirme l’irréductible attachement de notre garçon (qui y exécute presque toute l’instrumentation, à l’exception des claviers) au son qu’imprimait Willie Mitchell à la période Hi dorée d’Al Green, de même que sur le lascif mid-tempo “Tides” et sur le slow estampillé James Carr et Otis Redding “Cry Like A River”. Le genre d’exercice où, comme disait Audiard, on distingue rapidement les vrais hommes des petits garçons. Déboule ensuite rien moins que le fantôme de l’immense J.J. Cale, pour un “Red River” empruntant le beat caoutchouté de son propre “Lies” (qui ouvrait “Really” en 1972). À part les claviers, c’est encore Eddie qui y réalise les guitares, basse, batterie et percussions, et bon Dieu, on s’y croirait! Depuis son manoir, nul doute que Lord Eric Clapton (curateur auto-désigné de l’héritage de l’ermite de Tulsa) y porte un toast. Retour au lazy-funk avec ce “Delta” où les cuivres font suinter la soul-food en douceur, tandis que deux claviéristes s’y renvoient la balle et qu’Eddie s’essaie à un falsetto égrillard. Limite hip-hop pour le beat, l’incantatoire “Wasp Weather” harangue le populo redneck à grandes rasades de slide, de piano et de chœurs en holler. Le genre de titre qui risque de se trouver blacklisté fissa dans pas mal d’États si Trump remporte les élections imminentes. Peut-être pour ménager cet électorat bas du front, l’acoustique “Truckee” emploie ensuite un picking et des chœurs qui le situent à équidistance entre Skynyrd et les premiers Doobies. La southern soul irrigue à pleins flots l’irrésistible slow “Love You All The Way Down”, que nous vous recommandons (avec le cocktail et les bougies de rigueur) pour vos premiers rendez-vous avec la personne sur laquelle vous avez jeté votre dévolu. Si elle ne craque pas, c’est que vous avez oublié de vous doucher (et encore): à fondre. Serait-ce pour tenter d’affirmer (en dépit des apparences) son ancrage générationnel? Eddie propose pour unique cover celle du “Chamber Of Reflections” de Mac DeMarco. Peu importe, puisqu’il en restitue une version Philly Sound à souhait, avant de conclure inopinément sur un “The Road To Nowhere” dans la ligne country crooner de Don Williams et Elvis Presley. Plus cohérent et moins attrape-tout que ses premiers efforts, un album de haute tenue, qui pourrait bien vous faire de l’usage.
Patrick DALLONGEVILLE
Paris-Move, Illico & BluesBoarder, Blues & Co
PARIS-MOVE, October 23rd 2024
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En tournée française en novembre 2024 :
20 Novembre : La Rodia, Besançon
21 Novembre : Les Abattoirs, Bourgoin-Jailleu
22 Novembre : Le Silex, Auxerre
23 Novembre : La Nef, Wissemourg
24 Novembre : La Traverse, Cléon
25 Novembre : Le Pan Piper, Paris
27 Novembre : La Tannerie, Bourg-en-Bresse
28 Novembre : La Luciole, Alençon