Blues, Soul |
Native de Peoria (dans l’Illinois), Deborah Ryder (née Swanson) fit ses premiers pas sur les trottoirs de Chicago (où son père exerçait des talents de crooner au petit pied), avant une série de déménagements qui menèrent sa famille jusqu’en Californie, où ses parents divorcèrent. Elle fut ainsi élevée à Topanga par sa mère seule, au milieu de ses frères et sœurs. Bientôt remariée à un entrepreneur local, cette dernière ouvrit avec son nouveau conjoint le Topanga Corral, où se produisirent maints hérauts de la scène West-Coast des sixties (de Spirit au Buffalo Springfield, en passant par Taj Mahal et Canned Heat, ces derniers y passant souvent en voisins). La jeune Debbie y prit ainsi l’habitude de se produire avec son groupe d’adolescents du coin, en ouverture de pointures telles que Big Joe Turner, Etta James ou Charlie Musselwhite. C’est ainsi que, forte de cette première expérience, elle arrondit sa bourse d’étudiante à l’University of California en prêtant sa voix à des jingles publicitaires, ainsi qu’en effectuant les chœurs sur divers enregistrements d’autres artistes. Ce n’est qu’une fois mariée à son tour à un musicien, le bassiste Ric W. Ryder, qu’elle se résolut enfin à monter son propre band (The BluesRyders), dont elle assuma dès lors les lead vocals. Composant lui-même l’essentiel de son répertoire, le couple proposa un premier album autoproduit en 2013 (le bien intitulé “Might Just Get Lucky”), avant de tinter aux tympans du fameux Tony Braunagel (batteur et producteur pour Coco Montoya, Trampled Under Foot, Annika Chambers, Deb Ryder, Paul DesLauriers…), qui présida en 2015 à son second essai, “Let It Rain” (Bejeb/ City Hall/ Delta Groove, chroniqué ICI), avec pour guests notoires Kim Wilson, Albert Lee et Kirk Fletcher. Signée chez Vizztone en 2018 (après un troisième essai sur Bejeb, “Grit, Grease & Tears”), elle enregistra encore cette même année “Enjoy the Ride”, suivi en 2021 de “Memphis Moonlight” (avec Ronnie Earl, David Hidalgo et Alastair Greene, chroniqué ICI). Un bonheur ne venant pas toujours seul, son ci-devant sixième album est non seulement capté live (son environnement naturel), mais propose à nouveaux quelques invités de renom. Outre l’inénarrable Albert Lee, on retrouve donc à ses côtés le saxophoniste Joe Sublett et le guitar slinger Joey Delgado (déjà présents sur “Memphis Moonlight”). Si c’est bien le mari de Madame qui officie comme de coutume aux quatre cordes, Tony Braunagel lui cède en sus le siège de producteur pour se concentrer sur son propre tabouret de batterie, tandis que le band de ce fieffé ménage à trois comprend à nouveau leur guitariste régulier, Johnny Lee Schell, ainsi que l’organiste Jim Pugh et l’harmoniciste Tex Nakamura (du Los Angeles blues band The 44’s). Dès le vintage soul number cuivré “Fun Never Hurt No One”, on se trouve en pays de connaissance: le sax de Sublett y évoque celui de Jr. Walker, tandis que les chœurs, la section de cuivres et la rythmique en accentuent le climat. Propulsée par l’orgue juteux de Pugh, la plage titulaire de “Enjoy The Ride” précède le shuffle enlevé et cuivré “Temporary Insanity”, que n’aurait sans doute pas dénigré la soul revue des Blues Brothers. Mr Ryder et Braunagel y tiennent fermement les rênes, tandis qu’Albert Lee y prend l’un de ces soli dont il garde le secret. Le mélancolique “Might Just Get Lucky” de son leur premier album nous ramène une décennie plus tôt, avant que le second-line beat estampillé Crescent City de “Ma Misère” (toujours avec le divin Albert) n’en fasse autant vers le “Let It Rain” de 2015. Plus soul que jamais, “Goodbye Baby” bénéficie des cocottes et des soli pétrifiants du guitariste brésilien Artur Menezes (collègue de label chroniqué ICI). Le lascif (mais non moins funky) “Get Ready” provient quant à lui du “Memphis Moonlight” d’il y a trois ans. C’est l’harmonica de Nakamura qui introduit le coupable “Guilty As Sin”, dont l’orgue de Pugh sous-tend le propos, tandis que Schell y prend un solo dramatique à souhait. La touche Jr. Walker qu’insuffle Sublett récidive sur l’irrésistiblement dansant “I’m Coming Home”, avant que le boogie “Prisoner Of War” ne laisse une fois encore la part belle à des Nakamura et Pugh aux aguets. Également extrait de sa précédente livraison studio, “Hold On” prend ici des accents plus tranchés (les six cordes de Schell y riffant dans un esprit stonien), avant que “Any Bottle On The Shelf” n’emprunte le pattern du “Forty-Four” de Howlin’ Wolf pour convoquer une ultime fois Albert Lee au premier plan. Nos amis concluent sur la profession de foi “Blues Is All I Got”, assénée avec le même aplomb que celui qu’arborait la regrettée Tina Turner au temps de son propre “Nutbush City Limits”. Avec un live aussi convaincant, Deb Ryder confirme quelle brillante vocaliste et meneuse de revue elle demeure: vous n’avez pas fini de vous trémousser!
Patrick DALLONGEVILLE
Paris-Move, Illico & BluesBoarder, Blues & Co
PARIS-MOVE, April 10th 2024
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