ARTUR MENEZES – Fading Away

Vizztone / Redeye
Blues-Rock
ARTUR MENEZES - Fading Away

Natif du Nord-Est brésilien, le guitariste et chanteur Artur Menezes s’est d’abord révélé sur la scène blues-rock du continent sud-américain, s’y produisant intensivement dans les clubs et festivals, avant de se relocaliser à Los Angeles en 2016. Pour ce que peuvent bien signifier les prix et récompenses en la matière, il fut sacré 3ème meilleur guitariste au saut à la perche, lors de l’International Blues Challenge 2018, et remporta le Grand Prix de Formule 1 organisé par les fabricants de cordes et accessoires Ernie Ball en 2019. Plutôt que disserter plus avant sur l’antonymie probable entre mélomanie et mégalomanie, penchons nous donc sur son nouvel album (son cinquième à ce jour), avant que la critique musicale n’en vienne à endosser davantage encore les termes et critères des chroniqueurs sportifs. Sur un funky beat hérité du Band Of Gypsies, la guitare qui incendie la plage titulaire accuse sans équivoque les influences croisées du Voodoo Chile et du Clapton de Cream. Pour pertinente qu’elle s’avère peut-être sur le strict plan du marketing, cette option ne témoigne toutefois pas d’une confondante originalité, et ce ne sont pas les chœurs suraigus des choristes de service qui contribueront à réviser ce jugement. Soutenu par l’orgue Hammond de Carey Frank, le languide “Devil’s Own” rappelle à s’y méprendre le “Bridge Of Sighs” d’un autre émule de Jimi, l’aîné Robin Trower. Après que ce dernier ait consacré des décennies à pasticher le divin gaucher, cet hommage involontaire (?) à l’ex-lead-guitarist de Procol Harum revêt ici une ironie aussi amère que sans doute insoupçonnée. La présence de l’idiot savant (et bavard) Joe Bonamassa plombe ensuite le non moins inepte “Come On” (sans rapport avec la cover d’Earl King qui figurait sur “Electric Ladyland”), virant bien vite (comme l’annonce son titre) au pénible combat de coqs acrobatique, pyrotechnie à l’appui. Évoquant la région natale d’Artur Menezes, l’instrumental “Northeast” emporte l’auditeur vers le Jeff Beck période Jan Hammer, sur un rythme sud-américain aussi chaloupé qu’entraînant (on songe aussi aux Allmans de “Pegasus”). Entre le Hendrix de “Axis, Bold As Love” et le Free de feu Paul Kossoff, l’exubérant “Fight For Your Love” précède l’oasis easy-funk “Free At Last”, qui n’aurait assurément pas déparé les “Aja” et “Gaucho” de Steely Dan. On y découvre une autre facette du guitariste Menezes, plus jazzy et sexy, dans la ligne d’un Larry Carlton, d’un Pat Metheny ou encore des regrettés Roy Buchanan et Danny Gatton. Plus ordinaire (mais d’un apaisement tout aussi bienvenu), le slow R&B number “Until I Can See” aborde des rives gospel, où le chanteur Artur prend à bon escient le pas sur le guitariste échevelé. Le “Green Card Blues” qui conclut l’affaire évoque à nouveau le Cream de “Fresh Cream” (avec son chant saturé d’écho emprunté à celui du regretté Jack Bruce, et son heavy beat à contretemps façon Ginger Baker), ainsi bien sûr que le Hendrix de “In From The Storm”. Un disque qui ravira certains nostalgiques du psychedelic-funky blues des late-sixties, ainsi que tous ceux qui souhaiteraient revivre celles-ci par procuration. En attendant, si les performances stériles des shredders devaient persister à tenter ainsi d’infuser le blues, personne ne serait bientôt plus épargné par le syndrome du guitar-hero… Saints John Lee Hooker et Albert King nous en préservent, mais si vous êtes adeptes de performances démonstratives sur cet instrument de torture, cet album devrait vous faire de l’usage!

Patrick Dallongeville
Paris-MoveBlues Magazine, Illico & BluesBoarder

PARIS-MOVE, October 18th 2020