CHARLES LLOYD – Trios – Sacred Thread

Blue Note / Universal
World Jazz
CHARLES LLOYD - Trios: Sacred Thread

Après “Chapel” et “Ocean”, parus cet automne (et chroniqués ICI et ICI), voici donc le troisième et dernier volet du triptyque consacré par le saxophoniste et flûtiste Charles Lloyd aux plans à trois. Après Bill Frisell et Thomas Morgen, puis Anthony Wilson et Gerald Clayton, le grand Charles boucle cette série en s’adjoignant cette fois le guitariste Julian Lage et le chanteur percussionniste Zakir Hussain. À 84 ans, Lloyd s’octroie ici un vertigineux bond en arrière, puisque lors de ses années de formation à la South California University, la découverte des courants issus du continent indien, via Ravi Shankar, Alla Rakha et Ali Akhbar Khan, exerça une profonde influence sur sa propre orientation musicale. Fils d’Alla Rakha, Zakir Hussain accompagna Charles pour la première fois en concert en 2001, et quant à Julian, Charles le découvrit jeune guitariste surdoué vers la même période, quand ce dernier n’était encore âgé que de douze ans. Captée lors d’une prestation diffusée via le net au plus fort de la pandémie de COVID (le 26 septermbre 2020) dans une galerie de peinture de Healdsburg en Cafifornie (fief de Lage), cette prestation s’ouvre sur le languide et aérien “Desolation Sound”, qui offre à Lange de succéder à Lloyd pour introduire le chant incantatoire de Hussain, lequel s’accompagne de percussions atmosphériques façon hochet. Entre raga, mantra et flamenco, cette première plage instaure d’emblée un climat de recueillement qui se prolonge avec “Guman”, où Charles officie à la flûte et Zakir aux tablas, tandis que Lage en fait autant aux six cordes fluides et amplifiées. C’est au sax alto que Lloyd introduit “Nachekita’s Lament”, dans la veine de derviche tourneur qu’emprunta John Coltrane avant lui, avant d’y reprendre la flûte pour une mélodie apaisée, où le chant d’Hussain tient à nouveau le premier rôle, et que le mouvement qu’y impriment les tablas n’inspire à Charles et Julian certaines de leurs plus ciselées digressions (le solo de guitare esquissant même une furtive – et malicieuse – citation de “The Girl From Ipanema” de Jobim). À mon humble avis, l’un des sommets de ce disque, à écouter en priorité pour s’en faire une idée. Essentiellement percussive, l’intro de l’instrumental “Saraswati” précède le sax de Lloyd, qui y dessine de ces arabesques typiquement West-Coast dont Stan Getz s’avéra l’un des hérauts majeurs. Comme l’indique leurs titres, “Kuti”  s’adresse au grand Fela, et “The Blessing” ferme effectivement le ban en forme de bénédiction. Certes pas vraiment l’album idoine pour entamer la danse du tapis (ou alors, celui de prière), voici en tout cas qui clôt en majesté cette superbe série, dont chacun des épisodes est désormais disponible séparément, mais aussi sous la forme d’un coffret triple vinyle. Un peu de saine méditation n’a jamais tué personne.

Patrick DALLONGEVILLE
Paris-MoveBlues Magazine, Illico & BluesBoarder

PARIS-MOVE, December 27th 2022

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Les trois albums (“Chapel”, “Ocean” et “Sacred Thread”) sont à commander sur le site de Charles Lloyd, ICI

Fortement recommandé par la rédaction: le coffret triple vinyle signé (avec lithographic print set!) “CHARLES LLOYD – TRIO OF TRIOS SIGNED BOX SET”  à commander ICI

https://www.youtube.com/watch?v=0A18k-k-kNI

https://www.youtube.com/watch?v=N4I4MmQkGB0