Country, Rock 'n roll |
Le Béarn est célèbre pour sa garbure, sa ventrèche, sa piperade et son Premier Ministre (ainsi que les récents démêlés de celui-ci dans le scandale de l’institut ultra-rigoriste de Bétharram), mais il recèle d’autres spécialités encore, puisque c’est, depuis plus de cinq décennies, le fief de Didier Céré. Y ayant débuté au sein des légitimement nommés Rebels (rockabilly band), cet apôtre roots & roll y fonda ensuite les Bootleggers et Abilene, réalisant en leur sein plus d’une dizaine d’albums, avant d’entamer une tardive (mais fructueuse) carrière solo, dont voici déjà la troisième livraison en cinq ans (résumé des épisodes précédents ICI, ICI et ICI). Fidèle en admiration (et pas du genre à se dégonfler), il emprunte cette fois son titre à une compilation posthume de Johnny Hallyday, parue fin 2023 chez Warner (et portant donc sur ses dernières années), dont il reprend également la chanson éponyme. Il a fait appel pour l’occasion à un aréopage réunissant, outre sa fidèle section rythmique empruntée aux Bootleggers, quelques invités de renom: Larry Telford (claviériste de Point Blank), Redd Volkaert (guitariste chez Merle Haggard, George Strait et Kenny Rogers) et Jean-Yves Lozac’h (pedal-steelist d’Eddy Mitchell et Charlie McCoy), mais aussi certains usual suspects tels que Neal Black et Fred Chapellier. Intégralement chanté dans la langue de Voltaire, cet inventaire s’ouvre sur “Blouson Noir” (dont le titre et les paroles rappelleront aux plus de cinquante ans le traumatisme sociétal que causa le phénomène que l’on désignait ainsi au temps béni des scopitones, et dont Vince Taylor fut un temps le héraut dans l’Hexagone). Boogie effréné mené tambour battant par l’harmonica déchaîné de Mickael Mazaleyrat et la guitare boute-feu du non moins impressionnant Jeremy Mondou, c’est l’entrée en matière idéale pour un album résolument placé sous le signe du Sud confédéré. Adaptation du “Radiation Ranch” de Brian Setzer, les paroles du “Rade Des Zombies” se réfèrent manifestement au film “Une Nuit En Enfer” de Roberto Rodriguez, et les six cordes du jeune Mondou y tracent un nouveau sillage incandescent, avant la reprise de “La Génération Perdue” qu’écrivirent en 1966 Long Chris et Jean-Philippe Smet, selon un des multiples pastiches de Dylan alors en vogue. Avec le sax de Michel Mondou, l’orgue de Larry Telford (c’était Brian Auger en personne qui officiait sur l’original) et le timbre rauque de Didier, cette version tire davantage vers le E Street Band, avec le punch du New-Jersey de rigueur. C’est le moteur d’un chopper qui introduit ensuite ce “Maria” dont la version originale fut signée par Brian Setzer et Steven Van Zant. Inutile d’insister sur cette nouvelle connotation Springsteen, tandis que les guitares y sont assurées par Volkaert et Neal Black, et l’orgue cette fois par Red Young, tandis que le père Mondou y assure une partie de sax façon Clarence Clemons. “Mauvaise Fille” déboule ensuite en mode Moon Martin, poussé par la rythmique implacable que lui impriment la basse de Franck Molinier et les baguettes de Nicolas Lacaze. L’aîné des Mondou y signe un nouveau solo de sax épique, vite relayé par un chorus foudroyant de son rejeton. Ce dernier croise ensuite le manche avec le grand Fred Chapellier sur l’instrumental swing “King’s Shuffle”, et ce qui aurait pu tourner au simple bras de fer viril s’avère plutôt un passing shot à quatre, puisque papa Mondou et l’harmo de Mazaleyrat s’y renvoient la balle, au milieu de sévères licks de guitares en feu d’artifice. Et si vous me demandez de quel King il s’agit, j’opterais pour Freddie. Fini de tourner autour du pot, c’est le “Fire” du Boss qu’adapte ensuite Didier pour un “Je Suis Toqué” où Chapellier et Mondou père ne sont pas restés pour faire de la figuration. Reprise de Johnny Hallyday (sur paroles de Roda-Gil), le tendre “Je Serai Là” bénéficie de la pedal-steel de Lozarc’h, tout comme le “4m2” qui ornait le “Made in Rock N’ Roll” du Taulier, titre transposé du “Let The Good Times Roll” de JD McPherson, dont Didier et son gang livrent ensuite une version torride. Décidément à l’honneur, la Mondou family y assure les choruses, avant un “Casey Jones Boogie” en mode country assumé, sur lequel Mazaleyrat s’en donne à cœur-joie dans son instrument de poche, de même que Jeremy sur son manche et Jean-Yves Lozarc’h sur sa machine à coudre. Indéboulonnable, Didier Céré démontre cette fois encore que l’on peut être Sudiste dans les deux sens du terme: chaud devant!
Patrick DALLONGEVILLE
Paris-Move, Illico & BluesBoarder, Blues & Co
PARIS-MOVE, May 26th 2025
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