Didier CERE – Deep Sud

Céré Family
Southern Swing

Un personnage que ce Didier CERE, un caractère même! Chanteur et guitariste depuis quatre décennies au sein de formations de notre Sud palois à nous (Rebels, Abilene, Bootleggers), il a publié huit albums avec ces derniers, mais voici bel et bien son premier disque solo. Il ne s’y est certes pas rendu sans biscuits, puisqu’on l’y retrouve entouré d’une bonne vingtaine de complices, parmi lesquels on reconnaît quelques usual suspects de nos scènes blues et country (à commencer par le grand Neal Black, à la guitare incendiaire sur neuf des douze plages proposées). Au générique figurent aussi Nico Wayne Toussaint (impérial à l’harmo sur trois titres), Claude Langlois (pedal-steel et Weissenborn honoris-causa sur quatre) et Jeff Zima (slide extraordinaire). Côté style et répertoire, on se croirait revenu au temps béni où Claude Moine nous expédiait des cartes postales depuis Nashville, posant fièrement parmi la bande à Charlie McCoy et consorts. Outre ses propres compositions dans cette veine roborative, Didier CERE adapte ainsi en français Danny Gatton (“Redneck Jazz”), Mel Tillis (“Honky Tonk”) et Sonny Landreth (“Bayou Stomp”, alias “Sugarcane”, tel qu’adapté en 1990 par John Mayall sur son album “A Sense Of Place”), et l’exercice, bien que toujours menacé d’anathême par les puristes, s’avère une franche réussite. Dès “Blues De John”, on comprend que ces lascars ne font pas semblant: huit cuivres pétaradent, tandis que le piano d’Eric Braccini, la pedal-steel de Langlois et la Fender de Black disséminent des trainées de kérosène fumant. Sur l’adaptation du “Redneck Jazz” du regretté Gatton, ce sont le violon de Thierry Lecoq, les chœurs et un Braccini passé au Hammond B3 qui enfoncent le clou: bon Dieu, mais d’où sort donc pareille clique? Swing à tous les étages, “Barrelhouse Blues” ferait saliver de jalousie le Michel Jonasz d’il y a trente ans. Virée louisianaise ensuite, pour des adaptations ébouriffantes d’énergie et d’authenticité de Sonny Landreth et de Zackary Richard. Difficile de ne pas se les repasser en boucle (c’est d’ailleurs tout le mal que l’on se souhaite). Si leur facture mord un tantinet sur les platebandes de la variété frenchy, “J’ Feele Blues” et “Trucker Blues” sont rachetés in extremis par les soli atmosphériques des grands Claude Langlois, Michel Foizon et Nico Toussaint. Entre Ramon Pipin et Benoît Blue Boy, “Du Moment Qu’Ça Roule” offre au banjo de Mau Mau Marabuto une seconde occasion de bouter le feu aux Appalaches. Parmi les nombreuses premières parties qu’assurèrent les Bootleggers, celles de Johnny Hallyday occupent une place privilégiée, et Didier ne pouvait manquer de lui rendre hommage en reprenant son fameux “Ma Jolie Sarah”, avec un Toussaint qui y prend avec brio le relais de Greg Szlapzynski. Si l’on précise qu’en outre, le lay-out de ce digipack s’avère aussi soigné que son contenu audio, on comprend que l’on tient ici l’une des plus remarquables assimilations des musiques que propage Georges Lang en nos contrées depuis… ah ben tiens, depuis que Didier CERE a touché sa première guitare, pardi! Voici sans conteste l’une des plus éblouisssantes transpositions hexagonales du “bon-temps-rouler” que nous exportâmes en Louisiane voici bientôt quatre siècles: sortez les écrevisses de la nasse pendant que j’allume le barbecue, ce soir c’est la fête sur le Bayou!

Patrick Dallongeville
Paris-MoveBlues Magazine, Illico & BluesBoarder

PARIS-MOVE, September 23rd 2019