Blues, Chanson française |
Auteur, compositeur et interprète, Jean-Pierre Carraro (alias CadiJo découvre l’harmonica en écoutant le fameux “Harvest” de Neil Young, et le blues avec Sonny Terry. Accompagnateur à ses débuts du bluesman anglais Chris Shaw, il se lance rapidement dans une carrière solo de chanteur-harmoniciste, épaulé à la guitare par son frère Michel (grand admirateur de Gary Davis, Doc Watson et Ry Cooder, entre autres) et Michel Foizon (Blues & Trouble), spécialiste du finger-picking, de ragtime et jazz. De cette rencontre résulte un premier album, “Le 3ème Homme”, qui pose les jalons d’une carrière prometteuse vouée à la musique teintée de bleu. L’amitié de l’harmoniciste Mox Gowland, ses conseils et ses encouragements motivent CadiJo à s’investir totalement dans le blues. Sa prestation solo au Trophée Honer 88 “Hommage à Sonny Terry” est remarquée par Toots Thielemans en personne, qui lui remet le premier Prix sur la scène du “Festival International de Musiques Vivantes”, juste avant le concert de Sammy Price et Jay Mc Shann. CadiJo s’envole ensuite pour le Canada où il accompagne le pianiste Johnny ‘Big Moose’ Walker, s’intègre à la scène blues de Toronto, joue avec Buzz Upshaw et rencontre Albert Collins et Jeff Healey. De retour en France, il occupe la scène du Cricketers de Bordeaux tous les mardis avec son frère, pour le plus grand bonheur des amateurs de blues de la région. Sollicité pour assurer la première partie de nombreux bluesmen réputés, en duo, trio ou quartet, il écrit ses premières chansons de blues en français, car demeurant très attaché à cette langue, il ne conçoit pas d’écrire et chanter ses titres autrement. “Je raconte les histoires de ce monde à ma façon, comme le faisaient les grands maîtres du blues qui m’ont inspiré et dont je continue toujours à jouer la musique. Mon nouvel album contient quelques chansons plus ou moins récentes, mais sauf exception, jamais enregistrées jusqu’ici. J’ai soigné textes et musiques de toute mon âme et tout mon cœur. Du blues, du gospel, de la country, du jazz en chanson française, car seule ma langue maternelle permet de puiser au plus vrai de mes émotions”.
S’ouvrant sur le bref mais poignant instrumental “Blues Du Grand-Père (Angelo’s Blues)”, qu’il dédie affectueusement à son aïeul Angelo Guarise, communiste italien exilé en raison des persécutions mussoliniennes (et lui aussi déjà harmoniciste), ce disque se poursuit avec le ragtime “Diable De Crédit”, dans l’esprit du Memphis Jug Band de Will Shade avec le piano alerte de Julien Bouyssou, et la guitare jazzy de Baptiste Castets. Entre Brassens et Broonzy, la plage titulaire (sans relation avec son homonyme chez Céline Dion, mais portée par la contrebasse de Laurent Vanhée, l’orgue de Castets et une slide acoustique) épouse un texte poétique sur un swing languide que relaie un harmo délicat, avant que l’engagé (voire enragé) “Un 28 Septembre” n’oscille à son tour entre le même Georges et David McNeil (“ceux qui mangent le plus ne laissent rien aux autres“). Avec le contre-chant gospel de Monique Thomas, “Dégustation” persiste dans la dénonciation de cette racine du libéralisme capitaliste que fut la colonisation prédatrice (sur ce thème, on peut lire l’éclairant “Capital Et Race, Histoire d’Une Hydre Moderne” de Sylvie Laurent, paru cette année aux éditions du Seuil). Dans la même veine égrillarde que celle du “Pornographe” du grand Georges, “Que Me Pardonnent Tous Les Saints”, aurait pu faire office de plaidoyer en faveur de ce fieffé pécheur d’Abbé Pierre (si ce n’est que CadiJo n’y obère en rien, lui, la notion de consentement). Quasi-murmuré au départ, le déclamatoire et cathartique “Musique” relève de la chanson française immémoriale (et souvent chantée par des immigrés, entre Moustaki, Reggiani, Escudero et Mouloudji), tandis que “Le Vent Est Tombé” traduit l’amour du frangin Michel Carraro (qui le signe, de même que “J’Ai Le Temps” et “Le Propre De L’Homme” qui suivent) pour le picking du Révérend Gary Davis et de Mississippi John Hurt, ainsi que le swing tranquille d’un J.J. Cale. Monique duettise à nouveau sur la troisième de ces plages, imprégnée de field holler et de slide. Homonyme du même titre de Benoît Blue Boy, “J’Suis Pas Pressé” se dandine sur un Louisana beat enjoué, avant que “Vendre Son Âme Au Diable” ne conclue, à mi-chemin entre ragtime et François Béranger (avec Baptiste Duperron à l’ukulele). Un disque à la fois digne, inspiré, et superbement interprété et produit.
Patrick DALLONGEVILLE
Paris-Move, Illico & BluesBoarder, Blues & Co
PARIS-MOVE, October 20th 2024
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